J1 : Découverte terrestre de l’inlandsis
Départ de Paris-Charles de Gaulle à 8h 20.
Arrivée à l’aéroport international de Kangerlussuaq à 9h 10 (4 heures de décalage horaire).
On est déjà au nord du cercle polaire et on ne fera qu’aller encore plus au nord tout au long de ce voyage.
Kangerlussuaq : 499 habitants… au fond d’un fjord de 170 km de longueur.
Autant dire que l’aéroport, le centre-ville, le port et la banlieue sont très proches les uns des autres…
Comme le bateau n’appareille qu’à 18 heures, on profite de la journée pour faire une excursion accompagnée à la découverte de la toundra et s’approcher de la calotte glaciaire qui recouvre les 9/10 du territoire soit environ 1,7 millions de km2 (plus de 3 fois la surface totale de la France). C’est 2 400 km du nord au sud et plus de 1 000 km d’ouest en est, rien que pour la partie recouverte de glace en permanence.
On aperçoit notre premier caribou ainsi qu’un groupe de quatre boeufs musqués en fuite au loin.
Quelques infos pour se rendre mieux compte :
La calotte glaciaire (inlandsis) a une épaisseur qui peut atteindre plus de 3 000 mètres. Sous son poids, la partie rocheuse de l’île s’est progressivement enfoncée jusqu’à parfois 500 m au-dessous du niveau de l’océan. L’inlandsis du Groenland contient à lui seul environ 10% de l’eau douce de la planète.
Le Groenland n’est habité que par environ 55 000 personnes dont presque un tiers vivent dans la capitale, Nuuk. La population est très majoritairement d’origine Inuit.
Le Groenland est un pays appartenant au royaume du Danemark mais avec un statut de territoire d’outre-mer qui lui confère une certaine indépendance. C’est la seconde plus grande île du monde, après l’Australie.
Le Groenland et le Canada sont très proches : le détroit de Nares ne fait que 26 km de largeur. Pas étonnant que les Inuits aient pu venir de là-bas via le détroit gelé et que les ours polaires fassent parfois de même…
J2 Sisimiut
Dès la fin de journée, on appareille pour sortir du fjord puis ensuite longer la côte en direction de la deuxième plus grande ville du pays (5 500 habitants !). Je profite d’un moment d’insomnie (entre 1h et 2 h du matin) pour monter sur le pont à la recherche des aurores boréales. A cette heure là, je ne croise qu’un autre fou, muni, lui-aussi, de son appareil photo. Malheureusement, le ciel s’est légèrement couvert et avec la luminosité du pont supérieur il n’est pas possible de distinguer mieux que des lueurs ondoyantes non photographiables. L’air est plutôt vif et le retour sous la couette bien agréable.
Le port de Sisimiut est en “eau profonde” donc on peut se mettre à quai et débarquer facilement pour une visite libre à pied. Les maisons sont bâties sur les rochers et aucune conduite n’est enterrée que ce soit pour les arrivées d’eau ou les évacuations. De toutes façons, à part les quelques dizaines de centimètres en surface qui dégèlent en été, le sol est gelé sur une épaisseur de plusieurs centaines de mètres.
La ville est superbe et plutôt moderne. L’activité économique principale est, bien évidemment, la pêche.
Il est déconseillé d’y venir avant mi-juillet ou alors il vous faudra acquérir ces très seyants masques qui vous feront ressembler à un apiculteur…
A la fin de l’été, les moustiques ne sont plus là, heureusement. Il est plus agréable de pouvoir admirer les coquelicots sauvages aux couleurs inhabituelles.
J3 Qeqertasuaq
Après une nuit de navigation un peu agitée, au lever du jour, les premiers icebergs apparaissent.
Nous jetons l’ancre en face de la petite ville de Qeqertasuaq, environ 800 habitants, sur l’île de Disko. La ville semble écrasée par les icebergs tout proches et déserte. Nous nous promenons à pied, ne rencontrant que des chiens attachés à proximité des maisons, en attente de l’hiver tout proche.
J4 Sarqat
On est sur la rive nord du détroit de Sullorsuaq et là, pour s’approcher, on embarque dans des zodiacs. On a accumulé les couches de vêtements chauds, mis le gilet de sauvetage, le bonnet, les gants… On se sent tout petits à côté de ces géants de glace aux couleurs et aux formes extraordinaires. La taille de certains est monstrueuse. Même notre bateau paraît ridicule ! Cette balade de trois quarts d’heure entre les glaçons restera inoubliable, d’autant plus qu’on a bénéficié d’une météo exceptionnelle.
J5 Uummannaq
On part encore plus au nord, vers ce petit village d’environ 1 200 âmes surplombé par deux pics impressionnants. On y a retrouvé des momies bien conservées que les savants estiment dater du XVème siècle. C’était une zone de chasse à la baleine mais aussi de chasse traditionnelle (phoque et autre gibier). Tout autour, les collines sont couvertes de neige ou de glaciers.
Quant à nous, nous devons subir les conséquences de la météo du jour et le bateau ne peut jeter l’ancre. Il était prévu que nous débarquions en chaloupes mais la force du vent (force 6 tout de même) et la présence d’icebergs en trop grand nombre nous l’interdit. Le débarquement serait possible mais nous ne serions pas certains de pouvoir revenir au bateau, d’autant plus que le vent doit forcir à force 7.
Nous faisons donc demi-tour, apercevant tout de même le village, pour nous rendre, encore plus au nord au fond du fjord de Maamoriik, là où étaient encore exploités il y a peu d’importants gisements de plomb et de nickel, dans des conditions très difficiles (la température peut passer sous les -50° C en hiver… et on est à flanc de falaise, en plein vent…). La mine a fermé en 1990, la chasse à la baleine est terminée, autant dire qu’il doit être possible d’acquérir une petite maison de vacances avec vue imprenable pour pas cher…
La météo devient de plus en plus difficile, il pleut (quelques flocons de neige aussi), le visibilité devient très limitée et le bateau doit naviguer au ralenti car nous sommes entourés de toutes parts d’icebergs. Dès la sortie du fjord et surtout lorsque nous atteignons la pleine mer pour longer l’île de Disko, le tangage et le roulis commencent à mettre nos estomacs en difficulté. Nous commençons à sortir Cocculine et Nausicalm… Bercés par les mouvements du bateau, nous nous endormons quand même et au réveil la mer est plus calme.
J6 Glacier Eqip Serminaa
Nous sommes de retour dans la baie de Disko et la mer est plus calme. Par contre, la météo n’est guère engageante. Nous apercevons le fameux glacier mais, comme hier, le capitaine ne prend pas le risque de s’approcher comme cela était prévu. Nous devions aller voir de près le vélage du glacier (le détachement spectaculaire des blocs de glace lors de son avancée permanente) mais par mesure de sécurité nous ne sortons en zodiac que pour approcher d’une cascade.
Pour information, ce détachement des blocs de glace peut créer de véritables tsunamis et on entend à plusieurs kilomètres un grondement faisant penser au tonnerre. Imaginez la puissance du phénomène, sachant que le front du glacier fait plus de 2 km de large et qu’il avance d’une trentaine de mètres par jour. Ça doit faire environ 1,5 millions de mètres cubes de nouveaux icebergs par jour dans la baie rien que grâce à ce glacier. Tout près de là, celui d’Ilulissat est encore bien plus important.
Il pleut et la visibilité est très faible.
Les conférences, les animations et autres collations bien au chaud dans le bateau nous permettent de compenser la relative déception du jour. On ne se lasse pas de voir passer les icebergs de l’autre côté des hublots (en fait, c’est plutôt nous qui passons devant les icebergs…).
L’itinéraire n’est déterminé chaque jour qu’au dernier moment tant les conditions sont incertaines. On est bien dans une croisière-expédition. Demain, il semblerait que finalement on se dirige vers Aasiaat mais qui sait… La météo ne prévoit pas encore des merveilles pour demain.
J7 Aasiaat et Qasigiannguit
Nous sommes au sud de la baie de Disko dans une zone au climat dit “polaire océanique”. Dit autrement, il ne fait guère plus chaud mais il pleut davantage… C’est bien ce que nous avons constaté sur place. Il ne fallait pas oublier sa cape et il valait mieux disposer de matériel photo résistant bien aux intempéries. Désolé si les couleurs ne sont pas éclatantes et si les ciels sont “un peu” gris…
Aasiaat est un " gros" port, bien équipé. Nous avons donc pu nous mettre à quai pour la deuxième et dernière fois du voyage. Nous avons aperçu nos premières baleines et un phoque mais de loin. Il faut dire que nous étions en plein coeur de la zone de chasse historique de ces deux bestiaux. La végétation rase est étonnante de couleur, même sous la pluie. L’école affiche la faune locale, narvals, boeufs musqués, rennes, morses…
Qasigiannguit, qui signifie “petit port des phoques tachetés” est notre deuxième escale du jour, mais à l’ancre cette fois. Comme les autres villages du Groenland, il est construit directement sur les rochers, en surplomb de la mer. Du village on aperçoit notre bateau ancré un peu au large ainsi qu’un " petit glaçon" plutôt isolé de ce côté là.
Quant au vendeur qui a fourgué des panneaux solaires au villageois, il a fait fort… un peu comme celui qui réussit à vendre un congélateur à un esquimo ou un chasse-neige à un malien…
Retour sur le bateau par la chaloupe : ça tape pas mal… En soirée, bien qu’on soit plutôt à l’abri de l’île de Disko, ça tangue pas mal. La nuit risque d’être un peu agitée.
J8 Ilulisat
Ilulisat est le site le plus connu et le plus touristique du Groenland, au fond de la baie de Disko. Le site est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO car on y trouve le glacier le plus pourvoyeur d’icebergs de tout l’hémisphère nord. L’Icefjord, fjord glacé de 60 km de longueur sur une largeur variant entre 3 et 6 km, dégueule (c’est le terme scientifique !) à lui seul 20 milliards de tonnes de glace dans la baie (c’est l’équivalent de la consommation annuelle d’eau de la France). Les icebergs peuvent avoir une hauteur supérieure à 100 mètres et mettre des années avant de fondre. Ils se détachent du glacier dans un fracas assourdissant. La météo capricieuse (pas de vent mais une forte houle) ne nous a pas permis de nous approcher en bateau, nous l’avons fait par la côte, à pied, via de superbes passerelles en bois ou plus difficilement à travers les rochers glissants et des zones très humides.
La pêche (plus les usines de traitement du poisson) ainsi que le tourisme sont évidemment les deux moteurs de l’économie locale. La ville, plutôt florissante, accueille 4 500 habitants et 3 500 chiens (qui attendent l’hiver en périphérie de ville et la possibilité de constituer les équipages des traîneaux qui promèneront les touristes et permettront le déplacement des locaux qui n’ont pas encore choisi le skidoo…). Appréciez en passant le magnifique stade de football local ! Pour être honnête, juste en face, il y a un gymnase où on peut pratiquer le foot en salle.
Au retour de la promenade pédestre, il était prévu de faire un peu les boutiques (pour une fois, il y en avait…) mais on n’avait pas pensé qu’elles fermaient à 17 heures… On a eu le temps d’apercevoir de belles bottes en peau de phoque et un très beau fauteuil coquille habillé de la même peau et vendu 70 000 couronnes danoises (soit environ 10 000 euros). A part ça, pas grand chose d’original hormis des dents de morse sculptées.
Demain, la météo annonce une houle de force 7 devant forcir encore dans la journée d’où un itinéraire encore probablement modifié. Ça bouge déjà pas mal et ce sera pire dès qu’on sera plus au large en mer de Baffin.
J9 Sondre Stromfjord
Les conditions météorologiques faisant la loi, le programme initial a été bouleversé une fois de plus. Il a fallu chercher une zone plus abritée où jeter l’ancre. Ce fut donc une des branches du fjord très profond qui nous ramène à notre point de départ, Kangerlussuaq. Cette zone est totalement déserte. Nous sommes en septembre, c’est déjà la fin de l’été. La neige a saupoudré les collines. Le paysage est magnifique même si la visibilité est réduite. La calotte glaciaire nous domine de plusieurs centaines de mètres et on peut s’approcher de la “falaise” en zodiac. On distingue une grotte de glace naturelle au-dessus de nous et une langue de glace descend jusqu’au fond du fjord. On supporte bien les vêtements chauds…
Sur ce bateau, la cuisine est remarquable tant d’un point de vue gustatif qu’esthétique. Chaque jour, les pastèques et autres fruits sont sculptés avec de nouvelles formes (inuits, ours, oiseaux ou même animaux de contrées plus ensoleillées).
J10 le retour /Kangerlussuaq
Au réveil de ce dernier jour, le minuscule port de Kangerlussaq est en vue. Nous sommes ancrés à proximité des deux seuls bateaux que nous avons rencontrés durant notre périple : un petit bateau de croisière islandais (dont une partie des passagers est japonaise) et le bateau du National Geographic.
Dernier embarquement sur les chaloupes pour rejoindre la terre ferme : il pleut.
Le fjord étant trop peu profond à proximité de l’aéroport, nous effectuons une grosse quinzaine de kilomètres dans des bus datant de la fin des années 40, vestiges de la présence américaine pendant la seconde guerre mondiale. Autant vous dire que le confort est absent, d’autant plus que la route est plutôt une piste parsemée d’ornières. En route, nous apercevons quelques chalets isolés, certainement des refuges pour pêcheurs avides de solitude.
L’aéroport est saturé, il doit s’agir d’une affluence exceptionnelle pour un lieu disposant de si peu de moyens humains et matériels. Les bagages sont chargés sous la pluie, certains sont trempés.
Un panneau multi-directionnel sous rappelle que nous sommes à la fois loin de tout et finalement assez proches de beaucoup de pays via le pôle nord.
L’image du drapeau restera à coup sûr dans nos mémoires tant il nous semble parfaitement symboliser le pays.
Notre itinéraire sur la carte du Groënland est ridicule et pourtant nous avons parcouru 1 355 miles nautiques (2 509 km). Pour ce qui est de la route, sur place, c’est négligeable… il n’y en a que 70 km en tout dans le pays (une courte liaison près de la capitale et la somme des rues goudronnées du pays).
Pas étonnant que nous ayons dévoré 2 tonnes de viande et poisson, plus de 7 tonnes de fruits et légumes, presque 15 000 oeufs, bu presque 600 litres de jus de fruits et plus encore de soda, 3 200 litres d’eau minérale ou pire encore 1 050 bouteilles de vin… En ce qui concerne le bateau, il lui a fallu 30 000 litres d’eau par jour (on se lave beaucoup…) et 800 litres de fuel… par heure…
Imaginez ce que ce doit être pour les géants des mers comme le Harmony of the Seas qui transporte 8 460 personnes (6 360 passagers et 2 100 membres d’équipage) soit plus de 15 fois plus que le nôtre, le MS Hambourg…
C’est fini ! A bientôt peut-être pour une autre destination…