Bonjour,
Voici la suite!
Je vais vous raconter notre longue journée de route vers Nanga Sumpa, communauté Iban perdue “au milieu de nulle part”!
Mardi 24 : Départ pour notre virée de 4 jours dans la jungle, au-delà de Batang Ai, au pays des Ibans.
Nous avons opté pour un package 4j3n remarquablement organisé par un TO local, connu pour ses efforts en matière d’écotourisme local.
Attention, ici, « éco » ne signifie pas économique, notre virée coûte un bras… car tout est individuel et personnalisé au maximum! Il s’agit d’un tourisme coopératif en partenariat avec les populations locales, qui permet de visiter des endroits reculés et de rencontrer les Ibans en découvrant leur mode de vie, dans des conditions optimales et dans le respect des gens.
La visite d’une longhouse (ou un séjour sur place) ne peut s’improviser individuellement, il faut être guidé et introduit…
Nous sommes très loin du tourisme de masse et des visites type « zoo ».
Ce package existait aussi en 3j/2n ou autres variantes, mais… soyons fous ! Nous fêtons un (gros) anniversaire de mariage, que diable !
Mardi 24, donc : Route vers le sud-est, en direction de SRI AMAN et de BATANG AI Reservoir (barrage/lac).
Départ matinal de KUCHING (8h). Route sous une pluie battante vers le sud-est, en longeant la frontière indonésienne.
Nous sommes seuls dans la voiture, avec notre guide (Au retour, nous partagerons le véhicule avec un autre couple).
Il pleut des cordes. Aïe aïe aïe, là on se voit mal passer 3 jours à patauger dans la boue, à dégouliner malgré la cape de pluie et à déjouer les attaques de sangsues sous les arbres… ! Angoisse !
On a laissé les gros sacs à l’hôtel et emporté juste l’indispensable (liste disponible sur demande), tout plein de sacs étanches et du tabac à mettre dans les chaussettes (astuce anti- sangsues paraît-il), mais bon, on préfèrerait du soleil…
Premier arrêt : la ville de SERIAN (à 65km de Kuching) et son pittoresque marché local – possibilité d’un petit déjeuner bis (« Dis, t’as remarqué que dans ce pays ils déjeunent plusieurs fois ? C’est chouette » !). Food court au 1er étage , plein de choix et accueil tout sourire (nous sommes les seuls touristes !).
Le marché vaut la visite, tant pour les étals de poissons, de boucherie , de fruits et légumes… Le guide et le chauffeur font le plein de provisions en vue des repas dans la jungle.
Les toilettes, c’est le bâtiment carré jaune d’or – tout à fait correctes, n’en déplaise aux grincheux !-.
En route, nous passons par SRI AMAN, célèbre pour son « benak », ou mascaret : cette célèbre vague d’estuaire, plus spectaculaire à certaines périodes où elle peut remonter la rivière en déferlant sur des km , attire des surfeurs chevronnés du monde entier. Nous n’avons pas le temps de nous y arrêter mais les photos sont éloquentes !
Deuxième arrêt vers 11h , à LACHAU, pour un déjeuner rapide (mee goreng ou assimilé) dans un restau- épicerie/petit marché- bazar- étape de routiers. Et oui, ça fait un peu tôt mais c’est la dernière possibilité pour un stop ravitaillement avant le trajet en pirogue .
Là, séance shopping : le guide nous fait acheter des chaussures pour crapahuter dans l’eau et la boue, ils appellent ça des « addidas kampung » : ça ressemble à des ballerines un peu montantes, très rustiques, qui auraient été fabriquées dans des vieux pneus recyclés. C’est noir, c’est en caoutchouc, ça se porte avec des chaussettes si on ne veut pas cultiver les ampoules, et c’est pas cher : 8 MYR c’est-à-dire 2€.
On achète aussi quelques paquets de biscuits à offrir au village…
14h : A l’arrivée au Réservoir de BATANG AI (Jetty Hilton) , notre pirogue nous attend, venue du village.
Nous poursuivons le trajet avec le piroguier (pilote), sa femme (navigatrice, armée d’une longue perche en bois, à l’avant) et notre guide. La pirogue, ou «longboat », est longue et très étroite, peu profonde (il y aura des passages où nous raclerons les cailloux !), très sensible au moindre mouvement – « Dès que tu bouges une oreille, elle penche ! »-
La pluie a cessé, à part quelques larmes de temps en temps, mais le ciel reste gris, et avec la vitesse il fait presque froid (à midi sous l’équateur, c’est un comble !), j’arrive à attraper une chemise dans mon sac à dos sans faire chavirer l’embarcation.
A la sortie du lac, nous remontons la rivière Ai puis la rivière Delok qui se rétrécit peu à peu, nous passons différents embranchements.
Superbe paysage d’eau, de brume et de cathédrales de verdure. Découverte des collines plantées de riz spécial riz gluant…
Grandiose et paisible.
Pas un animal !
Nous dépassons l’école du secteur (les enfants des différentes maisons longues y sont pensionnaires pendant la semaine et les parents les récupèrent le vendredi soir- la scolarité est gratuite-) et aussi le dispensaire, tout neuf.
Et nous traversons non sans difficulté (et quelque appréhension !) un immense tapis compact constitué d’énormes troncs d’arbres qui ont été détachés de la berge par une récente tempête, et qui obstruent complètement le passage. Inquiétude ! Le piroguier essaie d’avancer tout en protégeant son moteur, la navigatrice à l’avant écarte vigoureusement les énormes grumes à l’aide de sa perche, nous en poussons d’autres, essayons d’aider…
Quelle aventure! Ce fut long et haletant, mais nous sommes passés… et même repassés au retour !
Enfin, au bout de 4 heures de voiture et plus de 2 heures de pirogue, nous arrivons vers 16h au village et au Lodge de Nanga Sumpa.
Installation dans notre bâtiment, en cours de finition, ça sent bon le bois frais. Chambre très rustique, mais avec moustiquaires toutes neuves ; le ventilateur fonctionnera de 18h à 22h grâce au générateur, les sanitaires communs sont impeccables, l’eau (froide) est puisée en contrebas dans la rivière.
De l’eau potable est à notre disposition à volonté, près de la cuisine : c’est de l’eau bouillie puis filtrée.
Fin de l’après-midi passée à flâner dans les environs, dans le village et au bord de la rivière, à voir passer les bateaux…
Le village de Nanga Sumpa, c’était jusqu’à l’an dernier une traditionnelle « maison longue » sur pilotis, en bois, abritant une vingtaine de familles, chacune possédant sa « chambre/appartement », toutes les chambres alignées le long de la terrasse/véranda faisant face à la rivière, les équipements (cuisine, buanderie, réserve de nourriture etc…) étant communs. Vie communautaire, tradition de toujours…
Un lodge en bois a été bâti de l’autre côté de la rivière pour héberger les touristes, un peu sur le modèle d’une maison longue, mais en 3 parties dont deux très récentes. Cette structure créée par notre TO local fonctionne en partenariat avec le village, et permet de procurer du travail – donc, quelques ressources- à plusieurs familles. Un pont relie les deux berges et permet les fréquentes allées-venues.
Nous aimons bien cette idée de développement coopératif et de partage.
Hélas, la maison longue des villageois de Nanga Sumpa a complètement brûlé en mai 2014 (accident domestique lors de la cuisson d’un repas), et tout a été totalement détruit, les villageois ont perdu toute la mémoire du passé de leur tribu, les trophées de leurs ancêtres (anciens coupeurs de têtes…), tous leurs outils, leurs maigres possessions. Ce fut une catastrophe sur le plan humain et matériel, deux personnes y ont perdu la vie.
Or, une maison longue, ça prend 6 mois à construire. Il est interdit de couper des arbres dans la forêt, et l’aide du gouvernement s’est révélée bien insuffisante face à ce malheur.
Alors, comme il fallait bien se reloger, les familles, aidées par notre TO, ont reconstruit un hameau fait un peu de bric et de broc, sur le même emplacement, avec des maisons individuelles au look disparate, éparpillées autour d’un terre-plein central qui fait plus ou moins office de jardin (très peu fourni), où errent quelques chiens faméliques… ça fait un peu bidonville quand même. La vie du village a repris, brinquebalante.
Le fonctionnement communautaire de la maison longue a été perdu au profit du « chacun chez soi ». Bien sûr, il reste la solidarité et l’entraide, mais l’âme du village n’est plus la même.
Sachez donc qu’on ne visite plus la maison longue de Nanga Sumpa, qui n’existe plus que dans les souvenirs et les prospectus !
Heureusement nous en verrons une autre, plus loin, le lendemain !
Notre guide s’appelle Nixon (et son frère s’appelle Mandela !), c’est un bel Iban sculptural et chaleureux, taillé comme un pilier de rugby, issu de 3 tribus différentes (Malanua, Orang Ulu, et Iban) - ses magnifiques tatouages témoignent de l’histoire de sa famille-.
Il parle plusieurs dialectes locaux (et très bien l’anglais).
Heu… A Bornéo, il existe 27 tribus différentes, dont celle des Ibans, et on parle 34 langages différents dont 3 pour les seuls Ibans !
Nixon est un ancien forestier qui connaît la forêt comme sa poche et cuisine fort bien…
Cela tombe bien , nous sommes gourmands!
A suivre…
Cordialement,
Patou