Sur les traces du Delacroix
Seulement un instant, mes pensées volent vers Saint-Pétersbourg, Hermitage, un tableau de Delacroix " Arabe sellant son cheval", c’est comme je le regarde maintenant. Le peintre, en 1832 accompagne le comte Charles de Mornay dans une mission diplomatique, la rencontre avec le sultan du Maroc, Moulay Abd er-Rahman dans la ville impériale de Meknès. Un voyage de six mois en Maroc, il arrive aussi à Tanger, il peint de nombreux tableaux et il a également tenu plusieurs carnets de voyage avec des croquis, dessins et annotations caractérisées d’une grande spontanéité. Il décrit ce qu’il vit jour après jour, les carnets sont un véritable espace de composition où l’écrit et l’image se rencontrent. Grace à ce voyage il découvre l’art de vivre marocain qu’il célèbre dans sa peinture, il se montre étonné de la vie orientale, des couleurs et du rythme des formes. Sont aussi des lettres vers ses amis comme témoignage de cette période. Je pense au chemin parcouru par le peintre au Maroc, à la nature des lieux et à la lumière qui a conduit à un jeu décisif dans ses œuvres.
Maintenant, je suis au milieu d’une fête sur la plage d’Essaouira, " Fantasia", un spectacle équestre traditionnel principalement pratiqué au Maroc. C’est une exhibition de la maîtrise unissant l’homme et son cheval. La première impression est un assaut militaire, les chevaliers armés de pistolet à poudre noire simulent une charge de cavalerie qui se termine par une volée coordonnée de leurs armes. Et c’est pourquoi on l’appelle aussi " jeu de la poudre", héritier de l’art équestre berbère, dont la pratique est attestée depuis le XVIe siècle. La chevauchée colorée s’élance en ligne, les hommes et les chevaux galopent jusqu’ à l’ennemi imaginaire, tous gardent le même rythme pour arriver en même temps sur une seule ligne, ils s’arrêtent net quand les cavaliers tirent en l’air à l’unisson. La charge s’arrête brusque. L’homme et cheval se mêlent dans un nuage de poussière, on sent des cris, c’est un moment fantastique et le spectacle continue, nous on admire la technique équestre de chevaliers, leurs agilité, audace, courage. Difficile décrire la joie, l’émotion forte. Pour quelques moments l’ambiance gagne en tranquillité, je prends le courage m’approcher d’eux, je ne cesse pas les admirer. Les cavaliers sont vêtus de blanc, pantalons bouffants et djellabas, une ceinture nouée par derrière, un haïk, pièce d’étoffe dans laquelle ils sont drapés, babouches hautes, un poignard recourbé glissé dans un étui de velours, leurs fusils de parade incrustés de nacre et ivoire. Les chevaux nous montrent des harnachements fastueux, soie brodée, cuir, métaux dorés ou niellés. Je vis une forte émotion, c’est un spectacle féerique.
Mes pensées volent dans le temps, Delacroix assiste pour la première fois sur la route de Meknès à ce spectacle, impressionné et rentrée en France réalisa une aquarelle que l’on trouve aujourd’hui au Louvre. La Fantasia est traditionnellement liée à la fête. La semaine du festival de musique gnaoua qui se déroule à Essaouira en juin vous fait rêver, vous dansez, vous chantez, inoubliables moments vécus. “
Fantasia” est l’un des attraits touristiques parmi les plus spectaculaires, continuer cette tradition implique sacrifice aussi un grand amour, un sport qui attire encore nombreux personnes, quel que soit l’âge, aussi des femmes.J’ai eu la chance d’admirer ce spectacle en diverses occasions et endroits du pays, la curiosité, l’admiration ne cesse pas remplir ma joie, le bonheur de la fête.
À la lumière du coucher de soleil, j’assiste à ce spectacle et je pense à Delacroix.