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Après quelques années d'expérience dans l'enseignement en tant que
maître auxiliaire en France, Frédéric Boxoën est reçu au CAPES,
mais il doit encore faire son service militaire. Amoureux des voyages,
il demande à partir à l'étranger et reçoit un jour un courrier : il
fera son service dans l'enseignement aux Philippines où il restera
six ans. Frédéric est actuellement professeur d'histoire- géographie
à Amiens, la capitale de la Picardie.
Dans quelles circonstances es-tu parti aux Philippines ?
Je suis parti dans le cadre de la Coopération pour y faire mon service civil. Il faut savoir que, dans ce cas, le service est beaucoup plus long que la normale. Je devais donc enseigner là-bas pendant deux ans. J'ai toujours voulu voyager, c'était pour moi une manière de faire mon service de façon plus intéressante et d'exercer en même temps mon métier. C'est tout ce que je voulais.
Comment as-tu choisi de partir là-bas ?
Était-ce une première expérience dans l'enseignement ? En réalité, je n'ai pas choisi cette destination en particulier. En tant que coopérant, j'avais demandé à partir à l'étranger. Ma demande a été acceptée : je partais pour les Philippines ! J'avais déjà enseigné en France pendant deux ans. J'étais maître auxiliaire. Ensuite, j'ai passé le CAPES, et j'ai fait une année de stage.
Quel statut avais-tu là-bas ?
Je travaillais dans une école française qui accueillait des élèves de la maternelle jusqu'au bac. Moi, en tant que prof de secondaire, j'enseignais l'histoire-géo au collège et au lycée. Dans cet établissement, les profs pouvaient avoir différents statuts. Certains de mes collègues étaient des expatriés, c'est-à-dire des gens qui avaient pu partir avec des avantages très intéressants, de gros salaires, les billets d'avion payés… D'autres étaient des résidents, ce que je suis devenu après mes deux ans de coopération (il y avait un poste vacant sur place). Il faut savoir que les résidents sont recrutés là-bas directement par le directeur de l'école. Ils sont normalement censés vivre depuis trois mois dans le pays. Pour les expatriés, c'est différent : on les fait venir directement de France. En tant que résident, j'avais le même salaire qu'en France. Je gardais aussi la Sécu, la retraite… C'était comme si j'enseignais en France, sauf que j'étais à l'étranger ! Il existait également un troisième cas de figure : les contrats locaux. Ils peuvent être très variables : ça dépend du pays, du niveau de vie, de l'école… Les salaires des contrats locaux sont normalement équivalents aux salaires qu'ont les gens sur place, donc peu élevés. Par contre, là où j'étais, à Manille, la direction avait aligné les salaires locaux sur les salaires français. C'était plutôt bien, par rapport à d'autres endroits.
Formais-tu des profs là-bas ?
Non, car j'étais dans une école française. Par contre, il m'est arrivé de travailler un peu pour l'Alliance Française et donc d'enseigner le français à des gens de langue étrangère. J'ai aussi quelquefois fait des conférences pour des étudiants en maîtrise de français. J'étais intervenu au moment où ils étudiaient Proust, et je leur ai parlé du contexte historique de cette époque, notamment de l'affaire Dreyfus. Mais je n'ai pu le faire que parce que je connaissais des gens à l'université, et en tant que bénévole car ils ont très peu de moyens là-bas.
Quels étaient tes avantages et tes inconvénients au quotidien ?
Il y a là-bas des espèces de villages fermés avec des gardes pour gens plus ou moins riches. Il y en a de très très riches ! Moi, j'étais dans un village de classe moyenne assez sympathique. Mais il faut savoir que juste à côté, il y avait des bidonvilles. Au début, c'est assez difficile à supporter. Sur le trajet qui menait à l'école, il n'y avait que ça. Moi, ça me posait beaucoup de problèmes de voir tous ces gens dans la misère. C'est vrai qu'ensuite, tu vis à côté, tu t'y fais, même si c'est injuste, de toute façon on ne peut pas y faire grand-chose. C'est vrai aussi que Manille est une ville assez épouvantable : c'est immense, pollué, embouteillé… S'y déplacer est assez cauchemardesque. Certains parcours me prenaient un temps fou, il fallait toujours programmer les itinéraires à l'avance et ne pas sortir certains jours de la semaine. Il n'y a pas de virement de salaire aux Philippines, donc les gens doivent aller eux-mêmes dans les entreprises chercher leur paye et la porter eux-mêmes à la banque. Et comme c'était payé deux fois par mois, le 1er et le 15, ces jours-là, on pouvait être sûr que la ville était bloquée. Ce genre de détails peut être pénible.
L'autre problème est l'éloignement de la France. Comme dans certains pays, aux Philippines, on a un peu de mal à obtenir des informations fraîches. C'est le cas par exemple pour les réformes de l'Éducation Nationale : il est alors difficile de mettre les programmes en place.
Il peut également y avoir des problèmes avec les parents dans certaines écoles, où les gens payent relativement cher et veulent des résultats. Ce n'était pas le cas là où j'étais. Avec mon salaire français, je vivais très bien aux Philippines, comme c'est le cas pour les profs qui travaillent dans des pays plus ou moins développés (en Asie ou en Afrique, par exemple). Il faut le savoir, parce que ça ne serait pas forcément le cas dans un pays développé où ça peut-être assez dur de vivre avec un salaire français (aux USA, par exemple, où la vie est très chère). C'est vrai aussi que j'étais célibataire, ça n'aurait peut-être pas été si évident avec une famille.
L'ambiance sur le lieu de travail compte aussi beaucoup. Ma première année a d'ailleurs été une très mauvaise année. Il y avait une guerre entre la direction et une partie des enseignants. C'était très tendu et pas très sympathique. Mais après, la direction a changé, et avec elle, une partie du personnel. Le directeur était quelqu'un de très bien, et les cinq autres années se sont passées dans d'excellentes conditions.
Regrettes-tu ce temps-là ? Aimerais-tu repartir là-bas ?
Oui ! J'ai beaucoup aimé vivre à Manille. J'y vivais très bien, je n'avais aucun problème d'argent, quelqu'un s'occupait de tout ce qui était quotidien et matériel dans ma maison. Et l'avantage dans certains pays comme celui-là, c'est qu'il y a beaucoup de petites communautés étrangères. L'école française était jumelée avec une école allemande et on faisait beaucoup de choses ensemble. Et dans les réceptions, j'ai pu rencontrer des gens que je n'aurais pas forcément rencontré en France : des journalistes philippins, des acteurs, des gens du monde du spectacle, des personnes d'autres ambassades… Je vivais dans un monde très cosmopolite. Je ne retournerai peut-être pas forcément là-bas mais j'aimerai beaucoup travailler de nouveau à l'étranger.
Aurais-tu des conseils à donner à quelqu'un qui voudrait enseigner à l'étranger ?
Le premier conseil, c'est qu'il ne faut pas partir en espérant retrouver ailleurs la même chose qu'en France. Des choses qui peuvent être très simples en France (comme les démarches administratives, par exemple) sont très compliquées dans les pays en voie de développement. En France, quand on paye une facture, il suffit d'envoyer un chèque dans une enveloppe. À Manille, il faut se déplacer au bureau, payer directement en liquide, car on ne fait pas de chèque là-bas. Tout ne fonctionne pas de la même manière, les gens n'ont pas la même logique. Il y a en plus pas mal de problèmes de corruption, des choses qui peuvent paraître très choquantes vues d'ici. Mais on est obligé de faire avec. L'essentiel est d'arriver sans juger ce qu'on va trouver, d'essayer de vivre au maximum comme les gens du pays. Il ne faut pas essayer de continuer à vivre à la française : j'ai vu des gens très malheureux qui ne se plaisaient pas à Manille, qui n'avaient pas trouvé ce qu'ils voulaient.
De plus, il faut faire attention à ne pas vexer les gens, éviter de
dénigrer ce qui se passe dans le pays. Les comparaisons sont inutiles
: si on part, c'est pour vivre autrement...
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