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Après une maîtrise de communication à Paris XIII, Benoît Lucchini prend la route de l'Afrique : « Trois mois à grands coups de taxi-brousse. Une bonne petite claque aux idées reçues ».
Au cours d'un stage au journal Le Monde, il rencontre Philippe Gloaguen, « THE » fondateur, le « Monsieur Guide du routard ». La route, Benoît n'a que ce mot à la bouche, alors il repart direction les États-Unis pour un an et demi. Il commence au pair en Californie, puis tout seul à New York pour quelques mois, avec 6 US$ en poche une fois le billet payé. La suite, c'est lui qui en parle le mieux : « un enchaînement de situations me fait côtoyer Iggy Pop, Andy Warhol… Quelle rigolade ! Je dors ici et là, toujours chez des rencontres de passage. Puis je file en Alaska où je me fais embaucher avec de faux papiers sur un chalutier américain qui part pêcher le saumon en Alaska. Trois mois de campagne plus dure que tout. C'est sans doute la première grande expérience marquante de ma vie. » À son retour en France, Benoît rencontre Pierre Josse, le deuxième homme du Routard, le canal historique aussi. Le courant passe, la messe est dite. Une centaine de voyages plus tard, Benoît est toujours là.

Quel est le fameux " esprit routard " qui permet de bosser pour le Guide ?
C'est avoir l'esprit ouvert de celui qui taille la route, qui part à la découverte des autres, d'autres modes de vie en laissant son sac de préjugés à la consigne de Roissy, avant de monter dans l'avion. L'esprit de celui qui est prêt à porter un regard neuf, son regard, sans jugement. C'est celui qui a une vraie curiosité sur les autres, la soif d'apprendre et l'envie d'expliquer. Qui est capable de faire son miel de toutes les situations.

Et les qualités requises ?
Pour travailler chez nous, il faut être rapide, avoir un grand esprit de synthèse, avoir de l'endurance, ne jamais se démonter, ne pas lâcher le morceau tant qu'on n'a pas l'info, et enfin être capable en français intelligible de faire passer une info ou une émotion par l'écrit, avec un brin de sensibilité.
Travailler pour le Routard, c'est en fait avoir beaucoup de bon sens, et l'appliquer au jour le jour dans toutes les situations. Là où les études peuvent aider, c'est qu'en général elles apportent (on ose l'espérer) un fond de culture générale bien utile et une capacité d'analyse et de recul sur les choses.
Avoir voyagé, beaucoup, est également une condition naturelle et indispensable. Celui qui nous écrit, qui a 25 ans et n'est jamais sorti de son pays, a peu de chances de bosser pour nous. Les gens doivent déjà avoir fait un petit bout de chemin par eux-mêmes. L'aptitude à parler les langues étrangères, quitte à les baragouiner, est un autre point important.

Est-ce un métier que l'on peut exercer longtemps ?
J'en suis la preuve vivante. Nous disposons d'une équipe stable d'environ trente pigistes qui voyagent régulièrement pour nous, mais à des rythmes différents. Comme dans tous les métiers du journalisme et de l'enquête, c'est souvent les enquêteurs eux-mêmes, qui, par nature, aiment toucher à tout, apprécient le changement. Cela dit, les plus anciens pigistes chez nous sont tous des gens (pas forcément journalistes) qui font aussi autre chose à côté et pour qui le Routard compte pour un tiers, moitié, ou jusqu'à deux tiers de leur vie professionnelle. Ceux-là semblent avoir trouvé un bon équilibre entre leurs envies diverses et le désir profond de faire partie de l'équipe du Routard dans la durée, car ils apprécient le côté familial, l'esprit d'équipe.

En quoi, une mission sur le terrain, ressemble ou n'a rien à voir avec des vacances ?
Partir en vacances est une chose, travailler pour préparer les vacances de ceux qui y vont en est une autre. Le tout est de ne pas mélanger les deux. Par nature, et même par étymologie, la vacance est l'absence de toute chose. Or, dans le travail d'enquêteur, il s'agit là d'être présent à tout. Le vacancier grappille son plaisir au gré de son humeur, change de rythme comme ça lui chante. L'enquêteur est un fouineur toujours sur la brèche, avide d'apprendre et de comprendre. Il montre la même curiosité à déchiffrer un tableau d'horaires de bus écrit en hindi, que de parler à un vieux moine dans la vallée de Katmandou, parce qu'il sait que les deux infos, bien que très différentes, sont indispensables au voyageur. Il a la notion de service ancrée en lui.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui voudrait partir sur le terrain ?
Aucun. Démerde-toi, mais crois-y !

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