Le Var autrement, dans l’arrière-pays

Le Var autrement, dans l’arrière-pays
Cotignac © Fabrice Doumergue

Si on vous dit le Var ? Vous pensez au côté mer, à Saint-Trop'' et à tout le saint-frusquin. Pourtant, à un chant de cigale de cet admirable littoral, il y a un arrière-pays qui ne l'est pas moins. Où les plaines sont tapissées de vignes, les collines piquées d'oliveraies et festonnées de forêts. Où d'authentiques villages perchés laissent leurs vieilles pierres raconter, à voix basse, ce côté terre riche d'une histoire plus « fourmi » que « cigale ». Des aventures de mineurs, d'une terre dure à cuire, de cochons et de truffes, de bois et de fer. En toute saison (près de 300 jours de soleil par an !), ce bout de Var presque secret  cultive sa mémoire, les yeux braqués vers l'avenir !

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Tourves, des Gueules rouges en Provence Verte

Tourves, des Gueules rouges en Provence Verte
Musées des Gueules rouges à Tourves © Fabrice Doumergue

Première escale à Tourves. Une bourgade de la Provence Verte traversée par la mythique Nationale 7, et jadis célèbre pour ses... embouteillages, sur la route des vacances. L'histoire qui nous intéresse se trame sous terre. Elle débute en 1873 avec la découverte de gisements de bauxite. Le ventre de la plaine centrale varoise nourrira ensuite durant plus de 100 ans l'exploitation florissante de cet or rouge. Dans les années 1920, le Var représente quelque 80 % de la production française.

Les années 1990 marquent la fin de l'aventure, la mise sur le carreau de cette industrie et de ses mineurs : les fameuses « Gueules rouges » font alors grise mine. Les anciennes exploitations sont aujourd'hui toujours visibles à qui sait ouvrir les yeux : parfois transformées en champ de tir (à Mazaugues) ou en étang artificiel pour « taper une tête » en pleine chaleur estivale (à Vins-sur-Caramy).

Si nos pas se sont tout spécialement portés à Tourves, c'est pour y découvrir son musée des Gueules rouges. Très bien pensé, il explore le sujet de la bauxite depuis la formation géologique jusqu'aux procédés d'extraction puis de transformation en aluminium. Le clou du spectacle est indéniablement la reconstitution joliment scénarisée d'un boyau de mine auquel on accède par un ascenseur, comme les mineurs jadis : bruits de forages, d'explosion, fumée, lumières falotes, témoignages de gueules rouges... on s’y croit !

Salernes, la recette des tomettes à la provençale

Salernes, la recette des tomettes à la provençale
Musée Terra Rossa © Fabrice Doumergue

Restons au rouge ! On aura plus tard tout le temps de déguster un petit rosé frais.

Seconde étape en Dracénie, à Salernes. Pour joindre ce bourg dominé par son château ruiné, on a traversé une riante campagne ponctuée de villages croquignolets : Montfort-sur-Argens qui a vu naître l'inventeur du béton armé ; Cotignac, véritable village de crèche niché au pied d'une falaise de tuf ; Sillans-la-Cascade (on devrait dire « les cascades », elle est double !).

Revenons à nos moutons : c'est la terre, encore, qui a donné à Salernes ses lettres de noblesse. Une terre exploitée ici depuis le néolithique et qui a engendré le plus célèbre des carreaux : la tomette. Mais oui, ce carrelage hexagonal rouge à cœur, que l'on retrouve aussi bien au sol des cages d'escaliers des immeubles parisiens que dans de vénérables bâtisses coloniales de Hanoï ou même au Brésil.

Une ancienne usine a été très habilement transformée en musée, Terra Rossa, sous la baguette de l'architecte Jean-Marie Wilmotte : tout y est dit, de la collecte de l'argile à son séchage, sa cuisson, puis sa vente aux quatre coins de l'Hexagone et au-delà. Et personne ne vous en voudra, après (ou avant) la visite du musée, de pousser la porte de l'un des nombreux potiers et céramistes toujours en activité dans le village et autour : ils ont largement dépoussiéré la tradition et produisent des carreaux ou objets contemporains qui confinent parfois à l'œuvre d'art. Salernes a également sa réputation dans le domaine de la lave émaillée.

Aups, un coin truffé de « rabasses »

Aups, un coin truffé de « rabasses »
Aups © Fabrice Doumergue

L'étymologie du lieu vous a mis la puce à l'oreille : Aups (Alpes en occitan) annonce un paysage au relief plus marqué. On est aux portes de l'admirable pays des Lacs et Gorges du Verdon. Depuis Salernes, on a fait un petit détour d'écolier par Villecroze, remarquable pour sa falaise piquetée d'habitations troglodytiques ; puis par Tourtour, charmant « village dans les nuages » qui jouit d'un panorama exceptionnel. Quelques virages plus loin, Aups découpe sur l'horizon ses toits de tuiles romaines, sa tour sarrasine, son campanile et son église (à l'étonnante façade, tatouée d'un imparable « Liberté-Égalité-Fraternité »).

Venons-en à la rabasse ! Quèsaco ? C'est le nom local de ce champignon de la famille des tuberaceae : la truffe. Car Aups est l'épicentre de la trufficulture varoise (80 % de la production française provient de PACA). Sur ces hautes collines, au pied des chênes truffiers, la terre (encore elle) recèle de véritables pépites d'or noir, repérées grâce à des chiens ou des cochons spécialement dressés. Un champignon dont le prix se calcule au gramme sur le marché, que ce soit pour la dispendieuse mais savoureuse truffe noire (en hiver), ou celle d'été, plus légère et « abordable ».

Forte de ce patrimoine, Aups a eu le nez de créer une maison de la Truffe. Pari pleinement réussi. Un espace muséal très bien ficelé raconte de A à Z ce mets de rois : Lucullus, François 1er, Jean de France l'appréciaient à leur table, alors que l'église la considérait au Moyen Âge comme une invention du diable. La muséographie moderne est truffée (d'accord, c’est facile !) de témoignages filmés, de photos, d'objets et autres écrans tactiles. Les aficionados participeront même à d'intéressantes démonstrations de cavage, master-class de cuisine à la truffe et autres journées thématiques gourmandes.

Aiguines tourne rond sans perdre la boule

Aiguines tourne rond sans perdre la boule
Aiguines © Claudio Colombo - stock.adobe.com

Au départ d'Aups, la route « virageuse » en diable grimpe à l'assaut du Haut-Var. Au loin, la magnifique cassure des gorges du Verdon et le plateau de Valensole. Au détour d'une courbe, tout en bas, le lac de Sainte-Croix laisse éclater son magnifique nuancier de bleus, dominé par le joli château d'Aiguines et ses quatre tours d'angles.

Ces hautes terres arides, plutôt ingrates, sont le terreau du buis. Les Aiguinois ont su faire leur pain quotidien de ce bois très dense. Ils l'ont d'abord transformé en objets utilitaires réputés pour leur solidité. C'était avant que ne vienne la grande mode de la boule de pétanque cloutée. Chacun avait alors son atelier : les hommes collectaient et usinaient les souches de buis jusqu'à en tirer des sphères parfaites que les femmes constellaient ensuite de clous avec une admirable précision.

Le buis étant devenu une plante protégée à la création du parc naturel régional du Verdon, cette spécialité a bien failli disparaître. Jusqu'à ce qu'une école de tournage sur bois (il y en a deux en France) ne rallume la flamme et qu'un musée des Tourneurs sur bois ne l'entretienne. À ne vraiment pas bouder.

Une présentation ludique (plantez donc les clous dans la sphère de buis sans vous marteler les doigts !), d'émouvantes vidéos d'époque, l'atelier reconstitué du dernier tourneur traditionnel du village et des réalisations contemporaines confectionnées par des compagnons (parlons d'artistes, même !) qui ont renoué avec la tradition. Leurs ateliers produisent de superbes pièces. Avant de repartir, prière de sortir le maillot et de descendre au lac : le bain s'y impose de juin à octobre.

Draguignan, le bouquet final

Draguignan, le bouquet final
Musée des Arts et Traditions populaires de Moyenne-Provence © Fabrice Doumergue

Retour vers la Dracénie. Chemin faisant, on traverse Vérignon et Ampus. Draguignan, ancienne préfecture du Var, est l'antithèse de ces villages perchés. Elle s'organise autour de grandes avenues bordées de platanes, tracées au cordeau par un préfet qui s'est fait la main ici, avant de monter à Paris... Un certain Baron Haussmann. « Dragui », comme on dit ici, possède ses vieux quartiers, blottis au pied d'un mamelon où trône une admirable tour de l'horloge couronnée par un campanile du 17e s.

Un ancien noviciat du 18e s accueille le musée des Arts et Traditions populaires de Moyenne-Provence. C'est ici que l'on touche du bout des yeux toutes les activités humaines qui ont su tirer parti de la terre de cette région. Le travail du liège (massif des Maures), l'oléiculture, la viticulture (le Var est le premier producteur mondial de rosé, hips !), la tomette, les faïenceries (dont celles de Varages qui compte un petit musée... avis aux amateurs). L'élevage des moutons, du ver à soie (si chère au 19e s), l'apiculture... Ainsi que quelques reconstitutions d'ateliers de métiers de jadis ou de pièces à vivre des maisons provençales traditionnelles. Ce musée finit en beauté notre tour d'horizon du Var... côté terre.

Retrouvez les infos, adresses et bons plans du Var dans le Routard Côte d’Azur

Pour préparer votre séjour, consultez notre guide en ligne Côte d'Azur.

Visit Var

Offices de tourisme : Dracénie, Lacs et Gorges du Verdon, Provence Verte.

Comment y aller ? Comment circuler ?

En voiture : par l'autoroute A8 ou par la nationale 7 (DN7), pour Trenet un peu.

En TGV : trains directs pour Les Arcs sur Argens depuis Paris, Lyon, Marseille, Nice.

En avion : vols quotidiens avec HOP ! Air France vers les aéroports de Toulon-Hyères ou Marseille-Provence (respectivement à 60-80 km de Brignoles ou 90-130 km de Draguignan) depuis plusieurs aéroports français.

Sur place, il faut impérativement être véhiculé pour découvrir l'arrière-pays.

Adresses

À Tourves : L'Avenue (10, av. Gambetta, à deux pas du musée) pour une cuisine d'hier et d'aujourd'hui joliment relookée.

À Salernes : chambres d'hôtes domaine de la Provenc'âne (2142, route d'Entrecasteaux), une bastide qui sent bon la Provence, avec rivière et piscine. Pour manger, le Food' Amour (4, rue Pierre Blanc ; dans le village), l'adresse cosy de Salernes avec sa terrasse cachée à l'ombre de l'église.

À Aups : l’Auberge de la Tour (1, rue J.-P. Aloïsi), la maison a des murs du 14e s, ce qui lui confère du charme. Accueil plutôt enjoué. Pour manger, La Truffe  (10-12, rue Maréchal Foch), le chef d'origine argentine concocte des petits plats fusion au service de la truffe. Délicieux et surprenant.

À Aiguines : l’Auberge-relais altitude 823 (Grande-Rue), petit hôtel tout simple bénéficiant d'une vue plein lac. Au resto, cuisine de région et de tradition.

À Draguignan : Le Domino (28, av. Carnot), dans un ancien hôtel particulier, 2 chambres sous les toits, dans l'esprit décalé de cette maison. Petits plats qui respirent l'air de la région. Une cuisine savoureuse.

Les sites à visiter

Musée des Gueules rouges : ouv mer, sam-dim (plus jeu-ven pdt vac scol) 14 h-18 h (17 h oct-avr). Entrée 6 €. Visite accompagnée d'un ancien mineur chaque 1er dim du mois, juin-sept.

Terra Rossa : tlj sauf mar (et lun hors été) 10 h-13 h, 15 h-19 h (18 h hors été). Entrée : 4 €.

Maison de la Truffe : tlj sauf dim 9 h-12 h 30, 14 h 30-17 h 30 (18 h 30, mi-juil à mi-août ; 17 h, oct-avr). Entrée : 2 €. Activités de découverte de la truffe : 10-45 €.

Marché aux truffes noires jeu matin de mi-nov à mi-mars ; marché aux truffes d'été, mer matin juin-juil ; journée de la truffe noire 3e sem de janv.

Musée des Tourneurs sur bois : juil-août, tlj 10 h 30-18 h ; mai-juin et sept-oct, tlj sauf mer après-midi et sam 10 h-18 h ; sur rdv sinon. Entrée : 2,50 €.

Musée des Arts et Traditions populaires de Moyenne-Provence : tél. : 04-94-47-05-72 ; ouv mar-sam (sauf j. fériés) 9 h-12 h, 14 h-18 h. Entrée 3,50 €.

Sites internet utiles :

www.acteurs-du-tourisme.org : regroupement d'une centaine d'hébergeurs, restaurateurs, domaines viticoles, artisans d'art pour trouver de bons plans, principalement dans le moyen et le haut Var.

www.provenceweb.fr : portail internet très bien ficelé pour de bonnes adresses (hôtels, restos,) activités, manifestations, infos sur les villages...

Texte : Fabrice Doumergue

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