Les vallées de la Roya et de la Bévéra, entre Alpes et Méditerranée

Les vallées de la Roya et de la Bévéra, entre Alpes et Méditerranée
Panorama Saorge © Rolf - stock.adobe.com

Ravagé par la tempête Alex il y a un an, plus particulièrement dans les vallées de la Vésubie et de la Roya, l’arrière-pays niçois renaît progressivement, les infrastructures et les routes, comme celle de Tende, rouvrent peu à peu, même s’il faudra attendre encore de longs mois pour un retour à la normale.

L’occasion pour nous d’évoquer les splendeurs naturelles de cette région au fil d’un voyage de Petit Poucet sur les traces de l’antique route du sel, qui reliait les salines de Provence (Hyères) au Piémont, via Nice.

De talwegs en hauts cols, ce chemin jadis muletier empruntait la vallée de la Bévéra avant de parcourir le profond sillon de la Roya, puis de franchir le col de Tende. Les sentes se sont faites routes, les trajets se comptent désormais en heures plutôt qu’en jours, facilitant l’accès au riche patrimoine de ce tracé prospère. Un chapelet d’églises baroques, couvents et chapelles, pont fortifié et maisons nobiliaires… sur fond d’une nature joliment préservée.

Le périple, majoritairement dans l’empreinte du parc national du Mercantour, se conclura par une possible incursion vers la bien nommée vallée des Merveilles, héritière d’un passé encore plus lointain. Ou comment s’émerveiller d’un trésor de l’art pariétal sous l’œil goguenard de quelque bouquetin !

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Sospel, la bienheureuse

Sospel, la bienheureuse
Cathédrale Saint-Michel - Sospel © Andrey Shevchenko - stock.adobe.com

Depuis Menton, perle de la Côte d’Azur, la route s’affole en mille virages à l’assaut des hautes collines. Ascension vers un riant petit paradis, la vallée de la Bévéra, qui abrite la jolie bourgade de Sospel. Tout autour, les montagnes gardent un caractère très méditerranéen avec leurs terrasses plantées d’oliviers, leurs figuiers pour embaumer les fins d’été, leurs fiers cyprès qui pointent un ciel immensément bleu.

La ravissante petite ville de Sospel s’est développée à cheval sur la Bévéra. Témoignage des siècles, qui résista aux folles sautes d’humeur de la rivière, un superbe pont fortifié, jadis poste d’octroi sur la route du sel. Tout ici sent déjà bon l’Italie : la rive gauche bordée de maisons peintes en trompe-l’œil, aux accents de Ligurie ; sur la rive droite la cathédrale Saint-Michel, affublée d’un clocher lombard, se fait baroque N’Roll chaque été lors du festival de musique Les BaroQuiales. Devant, une magnifique place pavée de motifs de galets en bichromie, égayée de maisons sur arcades, du palais Ricci et de jolies chapelles des pénitents.

Outre cet intéressant patrimoine, les environs comptent d’autres perles à visiter. De nombreux chemins de randonnée sillonnent les pentes méridionales du parc national du Mercantour que gardent le fort Saint-Roch, de l’Agaisen et du Barbonnet, vestiges de la ligne Maginot alpine. Quant aux fous du volant, ils adoreront les lacets montant vers le col de Turini, épreuve phare du rallye de Monte-Carlo. Au passage, l’arrêt au stand s’impose pour admirer la chapelle Notre-Dame de la Menour, agrippée à son éperon pour mieux voir couler la Bévéra au fond des impressionnantes gorges du Piaon.

Roya, la vallée des confins

Roya, la vallée des confins
Montagnes - Vallée de la Roya © Dmytro Surkov - stock.adobe.com

La haute-vallée de la Roya, située au nord de Menton, n’est française que depuis 74 ans. D’ailleurs, la Roya qui la traverse a toujours son embouchure en Italie, du côté de Vintimille, et son cours demeure binational.

Au rattachement du Comté de Nice à la France, en 1861, le roi d’Italie maintint dans son escarcelle le nord et le sud de cette vallée très enclavée pour, dit-on, conserver son terrain de chasse favori… Pas faux non plus qu’il ait surtout voulu garder la main sur cet axe stratégique vers le Piémont. La Roya ne sera donc rattachée à l’Hexagone qu’en 1947.

Ces pentes les plus encaissées, montagneuses et sauvages de l’arrière-pays mentonnais ont vu passer soldatesque et tremblements de terre. Jusqu’à la tempête Alex, le 2 octobre 2020 qui marqua profondément le paysage, les structures et les esprits : six mois de précipitations survenues en une seule journée. Du jamais vu.

Les Royasques, en robustes montagnards, ont patiemment relevé leurs murs éboulés, rebâti la plupart de leurs routes emportées, pour ouvrir de nouveau leurs « Merveilles » à qui voudra sortir du flux de la côte !

Saorge, un village funambule au-dessus de la vallée

Saorge, un village funambule au-dessus de la vallée
Saorge © milanvachal - stock.adobe.com

Au détour de la route, au niveau des adorables vasques d’eau du « bain du Sémite », Saorge apparaît au voyageur comme suspendu dans le vide, entre ciel et forêt. D’un passé lointain, le patelin recèle un couvent franciscain doté d’une superbe église baroque et d’un cloître aussi petit que charmant, orné comme le réfectoire de superbes fresques franciscaines du 17e s. Sans conteste le couvent le plus intéressant de tout l’ancien comté de Nice.

Le village, pour être isolé sur son éperon, n’en demeure pas moins un lieu plein d’âme et de vie, entretenu par un esprit très communautaire et alternatif. Quel plaisir de déambuler dans les deux longues ruelles principales et piétonnes qui s’alignent sur les courbes de niveau de la montagne ! Une épicerie aux accents de bar-resto, la dernière librairie de la vallée, qui s’est trouvé une vocation de salon de thé, un pâtissier qui entretien la flamme du four municipal avec de délicieuses recettes de tourtes saorgeaises, des panoramas multiples et magnifiques sur la vallée. Une découverte à l’esprit très Routard et un vrai coup de cœur !

La Brigue, sel du voyage

La Brigue, sel du voyage
La Brigue © Rémy MASSEGLIA - stock.adobe.com

En pénétrant le fouillis des ruelles du gros bourg de La Brigue, on imagine mal la collection de magnifiques linteaux armoriés qu’il compte, sculptés dans un schiste vert, presque noir. Maisons médiévales sur arcades, adorable place surplombée par le clocher lombard de la collégiale Saint-Martin, vestiges du château des Lascaris. Un ensemble de ruelles, placettes secrètes, maisons nobiliaires décaties par le temps et l’oubli : il faut se perdre dans ce lacis pour s’y retrouver.

Cet héritage témoigne du riche passé commerçant de la cité sur la route du sel, détaillé dans un intéressant musée du Patrimoine. Mais le véritable joyau brigasque se tapit 4 km plus loin, en amont du joli pont du Coq. Un joyau serti dans un écrin de forêts, là où surgissent 7 sources. Notre-Dame des Fontaines conserve en son sein d’admirables peintures religieuses. Un véritable catéchisme, façon BD du 15e s dont les multiples vignettes illustrent l’Évangile, ses vices et ses vertus, ses bons et ses méchants. Judas, représenté pendu, entrailles hors du ventre, visage effrayant est un véritable remède à la traîtrise !

Tende, porte des Merveilles

Tende, porte des Merveilles
Tende © ataly - stock.adobe.com

Verrou du Piémont au Moyen Âge, Tende est une bourgade animée. Malmené par la tempête Alex, le tunnel qui la reliait à Cuneo (Italie) sera fermé quelques années encore et le lieu oublie le flot permanent de véhicules qui le traversait.

C’est donc en toute quiétude que l’on montera la longue rue de France où essaiment portes à linteaux ouvragés et fontaines. La collégiale Notre-Dame de l’Assomption offre une belle façade peinte, mais surtout un superbe portail Renaissance en schiste vert. Dominant la vieille ville, les vestiges du château des comtes Lascaris abritent la tour du campanile et un cimetière en terrasses où repose Clarence Bricknell, découvreur de la vallée des Merveilles. Dans ce registre, visite obligatoire du musée des Merveilles, dont la muséographie déroule avec brio l’Histoire de ce haut lieu, de la création des Alpes à aujourd’hui (à quelques minutes près !).

Quant à la vallée des Merveilles proprement dite, riche de passionnants pétroglyphes et d’une généreuse faune de montagne (bouquetins, chamois…), son accès se rétablit peu à peu après les lourds dégâts causés par la tempête Alex : on peut de nouveau atteindre le lac des Mesches en voiture (accès règlementé, bien se renseigner auprès des offices de tourisme de la vallée).

Plutôt fer ou sel ?

Plutôt fer ou sel ?
Col de Tende - Haute route du sel © Anthony - stock.adobe.com

Le train des Merveilles constitue un mode original pour rejoindre et parcourir les vallées de la Bévéra et de la Roya.  Cette incroyable ligne ferroviaire franchit avec bravoure le relief tourmenté. Pas moins d’une centaine de tunnels la composent, dont certains décrivent un tour sur eux-mêmes au cœur de la montagne. Il aura fallu 45 ans (1883-1928) pour accomplir cette prouesse technique et que vous débarquiez émerveillés à Tende, 2 h après avoir quitté l’agitation niçoise.  

Autre angle original pour découvrir la Roya, la haute route du sel. Un parcours d’une trentaine de kilomètres qui suit la ligne de crête entre France et Italie, de 1 800 à 2 100 m d’altitude, du col de Tende à celui de Tanarello. Là où transitaient jadis les convois muletiers. On la rejoint depuis Tende ou La Brigue à pied ou à VTT, voire en 4x4 ou à moto. Un itinéraire plein de sel !

Fiche pratique

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Informations touristiques

Menton Riviera-Merveilles  gère l’ensemble des offices de tourisme des deux vallées.

Parc national du Mercantour : maisons du parc aux offices de tourisme de Sospel et de Tende.

Le label Mercantour Écotourisme valorise les restaurants, hébergements et associations engagés dans une démarche écoresponsable dans l’enceinte du parc national.

État des routes.

Découvrir autrement

Train des Merveilles : 3 liaisons/j jusqu'à Tende. Tarif A/R Nice-Tende : env 28 €. Guide-conférencier sur le train de 9 h 15, tlj juin-sept, le w-e en mai et oct.

La haute route du sel : de mi-juin à mi-oct ; gratuit pour les randonneurs et VTTistes ; 15 €/véhicule/j pour les motos et 4x4 ; fermé aux véhicules mar et jeu).

Sospel : fort Saint-Roch (D 2204. Tél. : 04 93 04 14 41 ; juil-août, tlj sauf lun 13 h 30-17 h ; juin et sept, w-e et j fériés seulement ; entrée : 9 €).

Saorge : couvent Notre-Dame-des-Miracles (tél. : 04 93 04 55 55 ; entrée : 6 €).

La Brigue : musée du Patrimoine (26, av du Général-de-Gaulle ; tél. : 04 93 85 26 13 ; entrée : 4 €) ; chapelle Notre-Dame-des-Fontaines (tél. : 04 83 93 95 50 ; mai-sept, tlj 10 h-12 h 30, 14 h-17 h 30 ; hors saison, sur résa).

Tende : musée départemental des Merveilles (av du 16-Septembre-1947. tél. : 04 89 04 57 00 ; tlj sauf mar ; gratuit).

Guides pour la Vallée des Merveilles : Merveilles, gravures et découverte ; bureau des guides.

Les bonnes petites adresses

À Sospel, pour dormir Chambres d’hôtes La Chapelle Saint-Gervais (prix chic ; 20, route de Piene-Haute ; tél. : 06 17 26 51 69). La dynamique et très avenante Pascale a retapé avec goût cet ensemble templier. Coup de cœur pour la chambre aménagée dans l’une des anciennes chapelles absidiales. Également une yourte mongole pleine de charme. Une adresse à marquer d’une croix !

Pour manger, Sousper (prix moyens ; av Jean Médecin ; tél. : 04 93 54 70 72 ; tlj sauf lun). Un service pro et attentionné sans être empesé. Des plats d'essence classique, réservant de belles surprises côté palais où le canard à la réduction de chianti emporte la palme. Un sousper d'épicurien.

Pour des achats locaux, A Ca’ Da Masca (9, pl Saint-Michel ; tél. : 06 82 00 15 38). Cueilleur, guide de montagne, découvreur de saveurs, David Beye est un personnage passionnant qui vend dans son « antre » sospelloise ses propres fabrications au côté de produits locaux. Bio pur jus, ça va de soi.

À Saorge et environs, pour dormir, Chambres d’hôtes Le Berghon (bon marché ; Berghe-Inférieur, 06540 Fontan ; tél. : 06 74 53 34 46). Vieille maison en pierre du pays agrippée au versant abrupt de la montagne. Un dortoir et 3 chambres coquettement arrangés y jouissent d’un panorama sublime. Également de savoureux espaces de détente, dont un avec sauna et kitchenette pour faire son frichti. Accueil doux et sympa de Pauline et de son papa Jean-Michel.

Pour manger, La Petite Épicerie (bon marché ; 68, rue Lieutenant-Révelli ; tél. : 04 93 82 10 83 ; ts les midis sauf mer et dim en saison, plus le soir ven-sam). Cette épicerie a su saisir l’opportunité du tourisme pour offrir une restauration simple, saine et maison. Accueil gentil.

À La Brigue et dans les environs, pour dormir, Hôtel Le Prieuré (prix moyens ; rue Jean-Médecin ; tél. : 04 93 04 75 70). Cet ancien prieuré transformé en hôtel est géré par un ESAT (Établissement et service d’aide par le travail). Les murs épais, les arbres du parc et le murmure de la Roya en font un lieu paisible et charmant. Chambres décorées avec goût. Au resto, cuisine soignée à base de plats assez inventifs. Rapport qualité-prix irréprochable.

Pour manger, Auberge Saint Martin (prix moyens ; 2, pl Saint-Martin. tél. : 04 93 53 97 15 ; tlj sauf lun). Adresse estampillée slow food, qui propose un choix de plats originaux, dont les sügelli, recette de pâtes de tradition brigasque. Le tout à des prix très démocratiques.

À Tende et dans les environs, pour dormir, Camping municipal Saint-Jacques (bon marché ; quartier Saint-Jacques ; tél. : 06 88 94 58 53). Camping municipal posé sur les rives de la Pia, dans un site qui plaira aux amoureux du calme et de la nature. Chambres dans le bâtiment attenant, avec w.-c. sur le palier. Chambres d’hôtes La Vieille Maison Biselli (prix moyens ; RD 6204, à Vievola ; tél. : 06 74 38 30 47). Depuis 1860, la famille Biselli héberge travailleurs et voyageurs. Nombreux souvenirs aux murs des chambres. L’ensemble baigne dans un gentil désordre avec chats, chiens et « poules heureuses » (sic), aux bons soins du prolixe et démonstratif Francesco !

Pour manger, La Margueria (prix moyens ; 29, av du 16-Septembre-1947 ; tél. : 07 76 14 90 79 ; tlj sauf mar hors été). Certains plats (fondue, raclette...) collent bien à l’ambiance montagne de la salle, mais aussi des pizzas et autres classiques de la cuisine italienne.

À Castérino, pour dormir et manger, Hôtel Les Mélèzes (prix moyens ; tél. : 04 93 04 95 95). Petites chambres à l’ambiance très montagne dont les moins chères ont douche et w.-c. sur le palier. Très bonne table dans la tradition, mais avec quelques idées d’aujourd’hui. Accueil vraiment adorable

Texte : Fabrice Doumergue

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