Paradis (avant liquidation)

Auteur : Julien Blanc-Gras

Editeur : Au Diable Vauvert

264 Pages

Soyons honnête, la première fois que Julien Blanc-Gras nous a évoqué le sujet de son prochain romenquête, "Eh ! tu sais quoi, je pars aux îles Kiribati", nous avons pensé 1/ qu’il ne perdait pas le nord, et gardait toujours en tête de visiter tous les pays du monde, comme il nous le confiait déjà en 2005 pour Gringoland et en 2011 avec Touriste ; 2/ qu’il nous fallait vite aller jeter un œil à un atlas…

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir qu’il s’agissait de ces petites îles du sud Pacifique, sur notre sous-main, juste là, qu’on voit toujours apparaître et disparaître entre deux feuilles !

C’est précisément le sujet du roman de Julien : partir découvrir un peuple avant qu’il ne disparaisse totalement. Avec toujours l’humour qui le caractérise : "Certains I-Matang gardent un souvenir angoissé de la crise du papier toilette qui a frappé l’île il y a quelques années. Ils se souviennent aussi du jour tragique où un bateau s’est trompé de destination, privant Tarawa de son approvisionnement en bière."

Le bougre a le sens des formules et autres jeux de mots, mais s’applique à toujours partir d’un fait avéré et grave. Notre cher baroudeur au grand cœur écoute, s’interroge, s’investit. Et transcrit cette situation critique avec un sens de l’à-propos qui nous donnerait envie d’écouter plus souvent parler science, géologie, crise du climat et de l’atmosphère. Car, au final, l’heure est grave. Et Julien ne l’oublie pas. Les Kiribatis sont menacés par les eaux. À travers ce peuple, c’est vous, nous, moi, tous qui sommes les prochains sur la liste.

"Ce concentré de douleur et d’incompétence fait vaciller ma bonne humeur. Je ressors de ma visite avec une certaine envie de mourir, mais pas ici." Paradis (avant liquidation) parle des Kiribatis, mais nous sommes un peu tous les habitants de ces îles à la dérive… ce qui rend la lecture de ce roman urgente, au risque de rire, mais jaune.