Espagne : l’Estrémadure, 5 raisons d’y aller
Cette région du sud-ouest de l’Espagne, frontalière du Portugal, est l’une des moins fréquentées du pays par les touristes étrangers. Dépourvue de façade maritime, elle porte heureusement à son crédit, entre Madrid, Séville et Lisbonne, un cocktail étonnant de villes au patrimoine remarquable, des paysages inédits et une ribambelle de produits de terroir originaux.
À 2 h 30 de route de la capitale espagnole, préservée du surtourisme, cette destination offre un cadre rare pour des séjours nature et culture loin des foules. Vamos!
Préparez votre voyage avec nos partenairesL’Estrémadure, une Espagne authentique et préservée
Avec 41 634 km², l’Estrémadure, presqu’un tiers plus grande que la Belgique, ne compte qu’un million d’habitants. C’est dire le caractère rural et peu dense de cette région, réputée jadis pour être l’une des plus déshéritées du pays. Si son économie dépend encore largement de l’agriculture – et désormais, aussi, du tourisme –, elle a tourné le dos à la pauvreté insigne qui prévalait encore dans les années 1960-1970.
La région est divisée en deux provinces : Cáceres au nord et Badajoz au sud. Située à la frontière du Portugal, Badajoz est la plus grande ville d’Estrémadure (151 000 habitants), mais n’offre pas un intérêt touristique majeur. La capitale régionale est Mérida qui, avec Cáceres et Trujillo, constitue le trio urbain à découvrir absolument. L’ensemble archéologique de la première et la vieille ville de la seconde sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.
Côté nature, le territoire offre une diversité de paysages dont certains sont reconnus aussi par l’Unesco. C’est le cas du parc national de Monfragüe, paradis des ornithologues, territoire de la dehesa, écosystème représentatif de la région, classé réserve de biosphère par l’Unesco.
Composée de quelques sierras au nord enneigées l’hiver, l’Estrémadure est une terre de collines et de plaines qui prend un tour « andalou » au sud, là où les champs d’oliviers et les villages « blancs » prennent le dessus.
La région est traversée par le Tage et le Guadiana, deux grands fleuves régulés par des barrages utilisés pour la production hydroélectrique et l’irrigation. Hormis l’été où la chaleur jaunit les paysages, ils participent à l’aspect verdoyant de la région, autre typicité insoupçonnée.
Dans le parc national de Monfragüe, le recours à un prestataire de « sorties nature » est la meilleure garantie pour pouvoir observer la faune, notamment les oiseaux. On peut faire appel à Destino Activo qui conduit en 4x4 sur des sites connus (tel le Salto del Gitano) ou plus secrets, histoire d’observer le vautour fauve et noir, la cigogne blanche, la cigogne noire (de février à fin septembre) et leurs nids, l’aigle impérial, le milan noir, le guêpier, la grue cendrée (en saison de migration)… Un must pour les amateurs de tourisme ornithologique, avec plus de 400 espèces d’oiseaux recensées.
Mérida, Cáceres, Trujillo… Les plus belles villes d’Estrémadure
Mérida (60 000 habitants), située à 2 h de route de Séville est la ville qui possède le plus grand nombre de vestiges romains en Espagne.
Capitale sous l’empereur Auguste de la province de Lusitanie, la puissance de la « Rome espagnole » est symbolisée par le théâtre et l’amphithéâtre. Pouvant rassembler jusqu’à 6 000 personnes, le premier offre son mur de scène (reconstruit) agrémenté de colonnes de marbre. Il accueille chaque été le réputé Festival international de théâtre classique. À côté, l’amphithéâtre reçoit tous les ans l’arrivée de la Via Crucis, un chemin de croix organisé à Pâques.
Hippodrome (l’un des mieux préservés au monde), temple de Diane, arc de Trajan, pont sur le fleuve Guadiana (l’un des plus longs jamais construits, près de 750 m)… Ce monde antique inattendu est intelligemment décrypté au très riche musée national espagnol d’Art Romain, en cours d’extension. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’ensemble soit aussi inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Mérida vibre également de ses commerces et cafés. On s’attardera le soir sur la plaza de España, où les familles viennent prendre le frais aux terrasses. Pour le shopping, on remontera les deux longues calles piétonnes Santa Eulalia et Ramón Mélida, qui regorgent de boutiques en tous genres.
Cacéres, 96 000 habitants, est aussi une cité d’histoire. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, la vieille ville regorge de palais moyenâgeux et Renaissance, de tours médiévales et de monastères, d’églises et de chapelles. Au XIIe siècle, les Arabes la conquièrent et l’entourent de remparts construits en adobe. Reprise par les chrétiens au XIIIe siècle, Cáceres s’enrichit grâce aux nobles puis aux conquistadors rentrés d’Amérique.
Influences maure et chrétienne s’unissent dans ce dédale où se côtoient les styles roman, islamique, gothique du Nord et Renaissance. De nombreux hôtels et restaurants occupent de nos jours d’anciens palais. Hors remparts, on s’attardera sur l’immense plaza Mayor pour profiter des terrasses de bars, ainsi que dans la zone Pizarro, réputée pour sa vie nocturne.
On aime aussi beaucoup Trujillo. Sur la plaza Mayor de cette petite ville située entre Plasencia et Mérida, un patrimoine inattendu se révèle, issu de fortunes rapportées… des Amériques.
Quelques nobles locaux ont embarqué jadis depuis l’Andalousie pour le Nouveau Monde. Ici, un nom domine les autres : Francisco Pizarro. Le « découvreur » du Pérou, fossoyeur de l’Empire Inca, est né à Trujillo. Sa statue équestre trône sur la plaza Mayor.
Partout dans la ville haute (sous son château médiéval) et basse, les demeures seigneuriales, cachées derrière de hauts murs, témoignent des richesses accumulées. Certaines ont été transformées en boutiques-hôtels, à l’image de la Posada dos Orillas, splendide demeure vieille de six siècles.
À Cacéres, le récent (2021) musée Helga de Alvear, gratuit, expose des œuvres de Goya (estampes), Vasarely, Paul Klee, Kandinsky, Miró, Buren, Tàpies, Ai Weiwei, Louise Bourgeois... Helga de Alvear, collectionneuse d’art germano-espagnole, a donné son nom à ce musée géré par une fondation, qui rassemble sur 3 000 m² environ 150 œuvres issues de la collection donnée par la galeriste à l’institution. Pour fans d’art contemporain.
Guadalupe, Yuste, Plasencia, Zafra… les pépites de patrimoine
Deux sites religieux inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco émergent du cortège d’églises et de monastères qui ponctuent la région : Guadalupe et Yuste, duo de monastères royaux.
À 1 h de route à l’est de Trujillo, le monastère royal de Santa María de Guadalupe conjugue quatre siècles d’architecture religieuse, mêlant styles gothique, mudéjar, Renaissance, baroque et néoclassique.
Remarquable, l’édifice abrite une image sacrée de la Vierge de Guadalupe, sainte patronne de la région, ainsi que des tableaux originaux de Francisco de Zurbarán (XVIIe siècle), né en Estrémadure. Le monastère est au cœur de deux évènements survenus en 1492 : la Reconquista de la péninsule ibérique et la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.
Le monastère royal de San Jerónimo de Yuste (XVe siècle), à 40 km au nord-est de Plasencia, rappelle un autre fait historique. C’est ici que l’empereur Charles Quint, en 1557, passa les derniers mois de sa vie, après avoir abdiqué en faveur de son fils Philippe II.
Dans ce couvent qui possède deux cloîtres, un gothique, un autre Renaissance, il se fit construire un palais humble et austère, dont la chambre à coucher communiquait directement avec l’église.
Après les belles surprises de Merida, Cáceres et Trujillo, deux autres cités possèdent un intérêt patrimonial évident. Porte d’entrée de la vallée du Jerte, Plasencia est la première ville rencontrée lorsque l’on vient de Madrid.
De part et d’autre de la plaza Mayor, aux belles arcades précédées de terrasses de cafés, elle révèle aussi une profusion architecturale héritée d’une culture entremêlée. Remparts médiévaux entourant la vieille ville, souvenir de l’alcazar arabe, ancienne et nouvelle cathédrales siamoises, ancien quartier juif, palais et couvents…
La balade plonge une nouvelle fois dans le passé atypique de l’Espagne du Sud, terre d’influence entre Chrétiens et musulmans, entre noblesse et clergé.
Tout au sud de l’Estrémadure, on s’arrêtera aussi à Zafra. La blancheur des façades, les portes en ferronnerie, la réputation de la plaza de toros… Pas de doute, l’Andalousie est proche ! Ne pas manquer non plus de déambuler dans la vieille ville, entre la plaza Grande et la plaza Chica. Cernées d’arcades, les deux sont reliées par un passage sous voûtes, soutenu par des piliers en pierre.
À Zafra, on ne plaisante pas avec les traditions ! La ville est connue pour sa foire de l’élevage de San Miguel, organisée chaque année fin septembre, depuis… 1453.
La nature préservée de l’Estrémadure
Stop aux clichés sur l’Espagne du sud, soi-disant brûlée à longueur d’année par un soleil torride. Si cette réalité s’impose l’été, de l’automne au printemps, la région baigne dans un décor plutôt verdoyant grâce aux deux grands fleuves qui l’irriguent, le Tage et le Guadiana. On découvre, en mars, en avril, en décembre… des montagnes enneigées et de vastes paysages d’herbe et d’arbres.
Près de Plasencia, une vallée incarne cette sève printanière : Jerte. Sertie entre les sierras de Gredos et de Béjar, aux sommets souvent couverts de neige, sa forme en auge s’allonge sur plusieurs kilomètres jusqu’au col de Tornavacas (1 275 m), à la frontière de la Castille-et-Léon. Surtout, plantés de plus d’un million et demi de cerisiers, les versants forment en avril un magnifique tableau de fleurs blanches.
À l’image de Cabezuela de Jerte, les villages livrent de jolies ruelles bordées de vieilles maisons aux balcons en bois et des passages couverts. Et sur les clochers d’églises, les cigognes ont fait leur nid, une constante dans cette région qui abrite près de la moitié de ces échassiers du pays.
Un second territoire dévoile des paysages spectaculaires : la dehesa, dans le parc national de Monfragüe. Ce terme désigne d’immenses espaces de pâturages plantés, en mode clairsemé, de chênes verts et de chênes-lièges.
Des troupeaux de vaches, de moutons et de cochons noirs s’y délectent d’herbe fraîche, contribuant à la qualité de la viande d’Estrémadure – dont le célèbre jamón ibérico. À l’instar de la région portugaise voisine de l’Alentejo, le liège est aussi exploité pour fabriquer des bouchons.
Avec du temps, on ira découvrir d’autres zones naturelles singulières. Comme le parc naturel du Tage international, réserve de biosphère Unesco. Entre Espagne et Portugal, cet espace frontalier abrite sur les versants boisés bordant le fleuve de nombreuses espèces végétales menacées. La Siberia, la région de La Serena (zone de steppe), les sierras de San Pedro et de Las Villuercas, le monument naturel de Los Barruecos… L’Estrémadure est un Far West méconnu.
Terroir et gastronomie, les saveurs de l’Estrémadure
Région agricole, l’Estrémadure est riche de produits et de plats de terroir. La découverte des paysages le montre : le cochon noir ou gris règne souvent en maître dans les pâturages, notamment dans la dehesa. Beaucoup de jamón ibérico produit en Espagne provient de cochons de la région ou qui y séjournent le temps de l’engraissement. Profitant de cette herbe riche, les veaux et les agneaux produisent aussi des viandes goûteuses.
Le fromage est également une spécialité de l’Estrémadure. Fromage d’Acehúche au nord, de la Serena au sud, fromage de chèvre de Los Ibores et, surtout, la fameuse Torta del Casar, un fromage crémeux au lait cru de brebis de la province de Cáceres, à manger tel quel ou à tartiner sur du pain.
Plus on se dirige vers le sud, plus les oliviers dominent le paysage. L’Andalousie est proche ! Parmi les huiles d’olives les plus réputées, citons celles de Monterrubio et de Gata-Hurdes.
Autre spécialité : les cerises. La vallée du Jerte est le berceau de la variété phare Picota, récoltée par une multitude de petits exploitants réunis en coopératives, qui écoulent leur production, très valorisée, sur les marchés export, essentiellement en Europe du Nord.
Le paprika (pimentón) est aussi emblématique de la vallée de la Vera, située au nord-est de Plasencia, près du monastère de Yuste. On y cultive plusieurs variétés de piments doux pour la production de trois sortes de paprika : doux, aigre-doux et piquant.
Le vin n’est pas absent. Longtemps considérée comme de piètre qualité, la production régionale s’est nettement bonifiée, à l’image des vins de la Ribera del Guadiana, près de Mérida.
Ces productions régionales sont valorisées à travers 15 AOP ou IGP, mises en scène grâce à des fêtes gastronomiques et des itinéraires touristiques dédiés : routes du Jambon ibérique « Dehesa Extremadura » ; du Fromage d’Estrémadure ; de l’Huile d’olive ; du Vin et du Cava Ribera del Guadiana ; de la vallée de la Cerise ; et des Sensations « Paprika de la Vera ».
À 30 km au sud de Mérida, le village d’Oliva de Mérida abrite le domaine Pago los Balancines, l’un des plus emblématiques de l’évolution de la production locale. Les vins de la Ribera del Guadiana ont gagné en qualité jusqu’à bénéficier d’une AOP. En témoigne ce domaine, avec 70 ha de vignes exploitées exclusivement en « bio » et vendangées à la main, qui produit 200 000 bouteilles de rouges (surtout) et de blancs, de très belle facture. Forfait visite du domaine, du chai, avec dégustation et déjeuner : 75 €. Prix des bouteilles à partir de 10 €.
Fiche pratique
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Office de tourisme d’Estrémadure
Comment y aller ?
Vols directs vers Madrid de Paris-Orly (quotidiens) et d’autres aéroports français avec Transavia, Air France, Iberia… Trouvez votre billet d’avion.
Location de voiture indispensable pour rejoindre ensuite l’Estrémadure (Plasencia est à 265 km de Madrid, compter 2 h 30 de route) et parcourir la région. Il est possible (et même conseillé) d’arriver à Madrid et de repartir depuis Séville (vols directs vers Paris et d’autres villes de province), ce qui permet de mieux découvrir l’Estrémadure du nord au sud.
Bonnes adresses
– Palacio Carvajal Girón : pl. Ansano, 1, à Plasencia. Cet hôtel de charme prend place dans un palais Renaissance de la fin du XVIe siècle, en plein centre-ville, magnifiquement rénové. 28 chambres élégantes se répartissent dans les étages, au-dessus d’un patio qui se transforme en bar et en salle de petit déjeuner. Petite piscine dans un jardin suspendu. Restaurant. À partir de 95 € la nuit.
– Hôtel NH Collection Palacio de Oquendo : pl. de San Juan, 11, à Cáceres. Élégant hôtel installé dans un antique palais du XVIe siècle, au cœur de la vieille ville. Les chambres ont le charme de l’ancien, avec le confort contemporain exigé. Restaurant. À partir de 75 € la nuit.
– Hôtel Izán : pl. del Campillo, 1, à Trujillo. Un hôtel dans un ancien couvent du XVIe siècle, de style baroque classique. Autour et au-dessus d’un grand patio (ex-cloître), les chambres doubles, supérieures et duplex sont rustiques et cosy. À partir de 75 € la nuit.
– Hôtel Ilunion Mérida Palace : pl. de España, à Mérida. Dans le cœur animé de la ville, un bel hôtel dans un palais restauré du XVe siècle. Il dispose d’un toit-terrasse, d’un restaurant et d’une terrasse extérieure donnant sur la place. À partir de 115 € la nuit.
– Restaurant Bar Español : pl. Mayor, à Placencia. Ce bar-terrasse centenaire sert d’excellentes tapas, bières et vins régionaux. À partir de 4-5 €.
– Bar Caballerizas : C/ Pizarro, 12, à Cáceres. Ce bar avec un jardin en terrasses, caché au fond d’un petit passage sous voûte dans le quartier phare de la vie nocturne, est un lieu prisé des habitants, qui viennent y prendre un verre l’après-midi ou en soirée. Branché, élégant et de qualité.
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Texte : Philippe Bourget
Mise en ligne :