Deuxième expérience, en Bourgogne

Dès que l'on arrive à Saint-Jean-de-Losne, à côté de Dijon, on rentre dans le monde de la navigation européenne. Des pavillons suisses côtoient ceux des Allemands. Hollandais et Anglais sirotent leur vin blanc sur le pont. Un vaste réseau fluvial s'étend comme une toile d'araignée à travers la France, du Havre jusqu'à Bordeaux - et, plus à l'est, l'Europe s'ouvre à vous. Nous voici dans la « cour des grands ». À peine sorti du port, on croise de vrais mariniers, et l'effervescence de la rivière devient contagieuse. Les écluses sont automatiques, avec des feux bicolores. Il faut manœuvrer pour attraper une corde qui pend au-dessus de la rivière pour ouvrir l'écluse, puis s'engouffrer dedans et surtout attacher son bateau à l'avant comme à l'arrière, car les remous sont importants. Les sas d'écluse, très grands, peuvent contenir plusieurs bateaux.

Nous avons choisi de remonter la Saône en direction de Gray. Notre première escale fut gastronomique, Bourgogne oblige ! Un petit tour de pédales sur nos vélos (surtout, demandez des vélos en louant votre bateau, vous ne le regretterez pas), et nous voilà dans le petit village des Maillys, à 2 km à peine du quai d'amarrage. Au restaurant Virion, la carte propose foie gras, viandes et vins exquis, sans parler des fromages. Le palais est comblé, à des tarifs d'avant-guerre. Quelle fête ! Une région gastronomique reste une région gastronomique. Une halte à ne pas manquer à l'aller. La première petite ville sur ce parcours est Auxonne, dont les quais sont au pied des anciennes fortifications. C'est ici que le jeune lieutenant en second Napoléon Bonaparte tint garnison, un musée lui est d'ailleurs consacré. La ville, agréable, est un bon endroit pour amarrer et passer la nuit.

Un mot sur les bateaux Crown Blue Line. Ils sont très confortables, du genre « cosy », et tout est prévu pour rendre votre croisière agréable. L'accueil est chaleureux et le moindre détail est soigné : on trouve à bord radio, vaisselle complète et description détaillée des étapes. Au port d'embarquement, la compagnie propose même une bibliothèque trilingue au cas où vous auriez oublié de prendre de la lecture ! Quoi de plus agréable que de s'étaler sur le pont pour se faire bronzer en lisant un bon livre, bercé par les flots. Mais si vous n'êtes pas amateur de livres, il y a toujours de quoi s'occuper, ne serait-ce qu'en pêchant ou en photographiant les oiseaux. Les canaux sont aussi un lieu de rencontres avec d'autres plaisanciers. Le bateau rend les rapports simples, l'entraide dans les écluses et lors des amarrages facilitent les échanges, et le verre de l'amitié n'est jamais loin.

Après une bonne nuit et une petite navigation, on fait halte à Lamarche-sur-Saône. Le resto Nymphea se trouve au bord de l'eau, il dispose de son propre quai. Encore une adresse inoubliable. Foie gras poêlé et vue sur la rivière à un prix plus que démocratique dans le contexte (15 euros). Puis l'après-midi offre une longue navigation magique à travers une forêt immense, l'impression d'être au cœur de la nature, car des hérons, des cygnes, des canards et un millier d'oiseaux divers vous accueillent. N'oubliez pas de prendre des jumelles et un guide ornithologique. On passe la nuit suivante à Mantoche, un petit village joli comme tout. Encore une bonne surprise, même si, contrairement à la Sarthe, chaque courbe de la rivière ne révèle pas des villages d'une beauté de « carte postale », un nouveau petit manoir ou un moulin. Après une soirée agréable passée à se balader dans le village et un dîner partagé avec les canards et les cygnes (prévoir plus de pain que d'habitude car on se fait une foule de copains à pieds palmés), nous dormons dans ce site enchanteur. Puis retour sur nos pas dans la forêt magique où nous avons pêché. La Saône est particulièrement poissonneuse. S'y ébattent des sandres, des perches et aussi des brochets. La pêche est interdite à moins de 50 m des écluses et, bien sûr, la nuit. Pour répondre aux besoins spécifiques des plaisanciers de passage, un nouveau permis de pêche « vacances », valable 15 jours entre le 1er juin et le 30 septembre, est indispensable. Il coûte environ 20 euros et permet à toute la famille de pêcher dans les cours d'eau de première et deuxième catégorie. Vous pouvez acheter ce permis dans certains cafés (en général proches de la rivière) ou dans les magasins d'articles de pêche. Ici, la plupart des amateurs de pêche la pratiquent de manière ludique : ils attrapent le poisson puis le remettent à l'eau. À Heuilley-sur-Saône, vous trouverez la Maison de la pêche où sont exposés différents équipements de pêche anciens et actuels, mais aussi une collection de photos des années 1950 et un aquarium d'eau douce dans lequel observer les différentes espèces vivant dans la Saône. Après une journée bien agréable, on accoste à Pontailler-sur-Saône pour la nuit. Le lendemain, on peut ainsi visiter la ville et découvrir la Vieille Saône qui passe dans ce gros village mais n'est pas navigable. Encore une belle occasion de faire du vélo pour digérer. Car on y mange très bien, que ce soit dans les restaurants formidables ou à bord du bateau après avoir fait les courses chez les commerçants locaux. La moindre charcuterie qui ne paie pas de mine se révèle étonnante de qualité et propose du jambon persillé, des pâtés savoureux et de délicieux plats cuisinés à l'ancienne… Le plus frappant, avec la navigation fluviale, c'est le rythme de la vie. Le temps s'écoule d'une façon paisible, l'eau apaise et le fait de voir le pays du canal ou d'une rivière, et non de la route comme on en a désormais l'habitude, donne une tout autre dimension au paysage. C'est une forme de voyage radicalement différente. On comprend mieux les gens qui larguent leur maison, leur appartement, le bureau et la ville pour vivre sur l'eau.

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