Témoin baroudeur
Road trip dans l’Afrique des Grands Lacs
Nourri depuis l’enfance des récits de Conrad et Kipling, Joseph Kessel retrouve les grandes routes du monde en 1953. Cette fois-ci, c’est le Kenya qui retient son attention alors que sévit une rébellion tribale – la révolte des Mau-Mau – contre la Couronne d’Angleterre. « Le Kenya, où des nègres sauvages armés d’arcs, de flèches et de couteaux défiaient la puissance de l’Angleterre en se montrant plus féroces et brutaux que les lions, les panthères et les rhinocéros de leur brousse, était à la mesure d’un Kessel, le grand reporter d’action et d’aventure que par chance France-Soir avait de nouveau sous contrat », relate Yves Courrière.
Il atterrit à Nairobi en mai 1953, et enquête aussitôt sur la révolte des Mau-Mau. Après un mois d’enquête, il profite de l’occasion pour partir sur les pistes de l’Afrique des Grands Lacs. De la faille prodigieuse de la Rift Valley au domaine des Masaïs, du lac Victoria en Ouganda à la réserve d’Amboseli au Kenya, Joseph Kessel assouvit sa soif d’aventures. Ce voyage au cœur de l’Afrique sauvage excite l’imagination de l’écrivain. Fidèle à sa méthode de travail, Joseph Kessel écrit 44 longs papiers pour France-Soir, remaniés ensuite en livre La Piste Fauve (1954). Mais surtout il en tirera l’un de ses plus beaux romans d’amour et d’aventures, Le Lion (1958), véritable succès populaire en France et aux États-Unis.
Dans les mines de diamant en Birmanie
En janvier 1955, le grand reporter met le cap sur la vallée de Mogok, au nord de la Birmanie, réputée pour son diamant « sang de pigeon » unique au monde. C’est dans la peau d’un courtier, puis d’un expert en bouddhisme, qu’il part enquêter sur le commerce des gemmes dans cette cité entourée de mines de pierres précieuses. Il en revient avec un reportage pour France-Soir et un roman inspiré de voyages au cœur des mines de Birmanie : La Vallée des rubis (1955). Ses différents livres séduisent les membres de l’Académie française : il est élu en 1962 et succède à Auguste-Armand de La Force au fauteuil 27 de l’illustre institution.
Ultime baroude en Afghanistan
L’ultime terre d’aventure de Joseph Kessel est l’Afghanistan, un pays à l’esprit rebelle et aux tribus attachantes. Le grand écrivain va y réaliser l’un de ses plus beaux reportages et écrire le roman de sa vie, au souffle épique : Les Cavaliers (1967). « Jamais un voyage n’a mieux convenu aux émotions et passions de Jef. Tout est là : le danger, l’imprévu, les odeurs de l’Orient, des personnages incroyables, la magie des contes, les antiques caravanes, l’amitié et la férocité », raconte Olivier Weber dans son livre hommage Kessel, le nomade éternel.
Joseph Kessel popularise auprès du public occidental le « bouzkachi », le sport national en Afghanistan opposant des cavaliers héroïques autour d’une carcasse de chèvre. Fasciné par l’Afghanistan, ses traditions, sa culture et ses habitants, Kessel y tournera aussi un film sur le jeu féroce des cavaliers afghans aux yeux bridés avec le réalisateur Pierre Schoendoerffer.
Une vie bien remplie !
Reconnu comme l’un des plus éminents écrivains voyageurs et grands reporters, Joseph Kessel repose aujourd’hui au panthéon littéraire. Il aura été « un témoin parmi les hommes », titre de son livre consacré à son parcours de journaliste hors pair.
« Romancier adulé du public, Joseph Kessel a tout vu, tout expérimenté d’un monde en pleine évolution. “Ma vie est plus importante que mon œuvre mais on peut vivre et écrire à la fois…” dit-il un jour », écrit Yves Courrière. Infatigable voyageur et arpenteur de contrées sauvages, Joseph Kessel a fait de sa vie un roman. Il s’éteint en juillet 1979 d’une crise cardiaque dans son appartement parisien.
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