Festival de Carthagène

Petit retour en arrière

Carthagène, ville murcienne de 175 000 habitants, peut sembler bien petite par rapport à ses voisines Grenade ou Valence. Et pourtant, la cité est riche de 3 000 ans d’histoire. Il suffit de lever les yeux pour apercevoir les différentes traces des époques qui ont fait sa richesse : château médiéval, églises baroques, hôtels particuliers du début du XX^e siècle... et surtout son théâtre romain, fierté des Carthaginois. Car l’Antiquité a été la période la plus faste pour la ville, et notamment l’épisode de la deuxième guerre punique, celle qui a inspiré ce festival.
Revenons un peu en arrière. En 220 av. J.-C., Carthagène règne sur la péninsule Ibérique. La ville est prospère, et son port est devenu un passage obligé de la Méditerranée. Le célèbre stratège Hannibal est à sa tête et ne cache pas ses ambitions face à la puissance romaine. En 218, il prend possession de la ville de Sagonte et lance une marche vers Rome. Ses troupes, composées de milliers d’hommes, cavaliers et éléphants, traversent les Pyrénées et les Alpes sans encombre et remportent plusieurs grosses victoires. Mais Rome ne se laisse pas abattre et envoie Scipion, autre grand personnage de l’Antiquité, prendre Carthagène, la ville rebelle. Vidée de ses soldats, la cité ibérique ne résistera que 48 heures avant d’être envahie par les armées de Scipion. En 209 av. J.-C., Carthagène est définitivement sous l’emprise de Rome. Mais cela ne marquera pas son déclin, au contraire. Devenue capitale de province romaine, de nombreux monuments y seront construits et son influence économique ne cessera de grandir. Ces événements se sont passés il y a plus de vingt-deux siècles, et pourtant Carthagène ne les a pas oubliés. En 1988, les dirigeants de la ville souhaitent organiser une grande fête liée à leur histoire. L’épisode de la deuxième guerre punique est choisi, et pendant un an toute une équipe étudie les faits historiques dans leurs moindres détails, ainsi que les lieux exacts des événements. Les Carthaginois et les Romains voient le jour en 1989, pendant la deuxième quinzaine de septembre. Ses reconstitutions, son réalisme, son respect de l’histoire, son ambiance si particulière lui donnent très vite une forte popularité. Le festival est devenu en quelques années l’événement culturel le plus important de la région.

Les temps forts du festival

Les Carthaginois et les Romains, c’est vingt ans d’histoire racontés en dix jours et trois lieux réunis dans une seule ville. C’est également plus de 5 000 acteurs et figurants répartis en 50 groupes (25 pour les Romains et 25 pour les Carthaginois) qui participent chaque jour aux reconstitutions. Le tout donne à voir une multitude de spectacles.

La Proclamation : c’est l’ouverture du festival. Les différents groupes costumés défilent dans la ville jusqu’au lieu de rassemblement. Un feu sacré est alors allumé selon le rite romain, et restera vivant jusqu’à la fin du festival. Une personnalité du monde des Arts et des Lettres espagnol lit alors le Pregón (proclamation), le déroulement et les règles des manifestations des dix jours à venir. La soirée se termine par une grande fiesta ou se mêlent acteurs et visiteurs.
Le mariage d’Hannibal : tous les Carthaginois assistent à cette grande reconstitution... mais y participent également ! La cérémonie scelle le mariage d’Hannibal avec la princesse Himlice (fille du roi Mucro), et par cette union l’amitié entre les régions ibériques. Hannibal compte partir en guerre dans peu de temps et s’assure avant son départ que sa ville n’est pas entourée d’ennemis. La cérémonie est fastueuse, les acteurs revêtent leurs plus riches costumes. Et les visiteurs sont les invités du festin.
La sortie d’Hannibal : le chef de Carthagène a enfin réuni son armée et s’apprête à se diriger vers Rome. Un grand défilé de l’armée carthaginoise (soldat, cavaliers, animaux...) sillonne les rues de la cité. Les costumes de fête ont laissé place aux tenues de guerre, toujours dans un grand souci d’exactitude historique. Tout y est étudié dans les moindres détails.
La destruction de Sagonte : la première victoire d’Hannibal est aussi mise en scène. Une reconstitution plus sobre que les précédentes, une vraie leçon d’histoire où les habitants de la ville de Sagonte ont préféré mourir en liberté plutôt que de devenir les esclaves des Carthaginois.
Le cirque romain : sûrement le spectacle où se pressent le plus de visiteurs. Plus de 800 acteurs participent à une mise en scène liant musique, couleur, son et lumière pour faire revivre aux 15 000 spectateurs l’époque romaine et sa mythologie.
La victoire de Rome : les armes carthaginoises laissent place aux boucliers romains. Pendant toute une soirée, la prise de Carthagène est reconstituée dans ses moindres détails, de l’arrivée des premiers bateaux ennemis jusqu’à la défaite de la ville. La nuit se termine par une représentation théâtrale de la reddition de la ville, et un grand défilé en musique des troupes romaines victorieuses à travers les rues de la cité.

De nombreuses autres reconstitutions ont lieu chaque jour, comme l’oracle des dieux ou une séance du sénat romain. Le jeune public n’est pas oublié, plusieurs activités sont conçues pour les enfants.

Un camp bien particulier

La popularité du festival tient aussi en l’existence d’un campamento (campement). D’une taille de deux terrains de football, le camp du festival fait revivre aux nombreux visiteurs les us et coutumes des différentes ethnies existant à cette période de l’Antiquité. Les 50 groupes de figurants et d’acteurs qui jouent dans les reconstitutions se voient attribuer chacun une parcelle du camp, toujours ouverte au public. Chaque groupe représente une civilisation (Carthaginois, Romains, mais aussi Grecs, Phéniciens, Celtes, Africains...) et décore sa parcelle de terrain en fonction. S’ils sont acteurs durant la soirée, ils se lèvent tôt le matin pour améliorer et peaufiner leur terrain. Une véritable bataille s’engage alors pendant dix jours pour savoir quel groupe sera le plus réaliste et le plus inventif. Les participants, qui ne sont pourtant pas historiens, réalisent un énorme travail de recherche durant l’année, et tous les détails des vêtements ou des objets sont étudiés, de la forme d’un casque au motif d’une broche. Le but est d’obtenir une rigueur historique maximale, sans négliger pour autant le caractère imaginatif de ces célébrations. Les visiteurs peuvent à loisir constater chaque jour les progrès de chacun, et vivre quelques moments assez inattendus : goûter des tapas avec Scipion, partager une boisson du pays avec un général romain, assister à l’enlèvement d’une demoiselle grecque... Le campamento reste sûrement l’endroit où la machine à remonter le temps fonctionne le mieux. Mais il faut bien retourner vivre à son époque. Après l’extinction du feu sacré, le camp du festival est le théâtre d’un grand feu d’artifice final, qui marque la fin des festivités. La soirée se termine par une énième fiesta, au son d’une musique non plus romaine, mais bien du XXI^e siècle.

P’tites adresses

Si Carthagène est assez calme en été, il y a véritablement foule durant ces dix jours. Nous vous conseillons donc fortement de réserver !

Où dormir ?
Pensión-Hospedaje Oriente, c/Jara, 27, 30201. Tel. : 968-50-24-69. Comptez de 30 à 35 € pour une chambre double confortable, avec télévision, ventilateur et balcon.

Où manger ?
Le camp du festival reste l’endroit idéal pour goûter aux tapas et autres spécialités locales sans se ruiner, le tout dans une ambiance très sympathique. Mais la ville fourmille de petits restos pas chers.
La Tartana, Puerta de Murcia, 14. Tel. : 968-50-00-11. Un restaurant familial qui sert de bonnes assiettes de tapas de 10 €.