Bolivie : les miracles de la Vierge noire de Copacabana

Bolivie : les miracles de la Vierge noire de Copacabana
Vittorio Carlucci

Tout le monde connaît Copacabana à Rio. Ce que l’on sait moins, c’est que cette plage a reçu son nom d’une petite ville des bords du lac Titicaca, où l’on voue un culte à la Vierge noire. Vénérée dans tout le continent sud-américain, cette icône est l’un des emblèmes du métissage religieux entre l’Occident chrétien et les croyances des Andes. Le 5 août, la cité bolivienne accueille des dizaines de milliers de pèlerins venus rendre un hommage particulier à cette protectrice. La religion se mêle alors à la superstition, dans une orgie de musique, de fête et d’alcool. Une fascinante poussée de fièvre mystique, à la mode latino-américaine.

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L’histoire de la Vierge de Copacabana

Avant de désigner la fameuse plage brésilienne que le monde entier connaît, Copacabana est le nom d’une paisible bourgade bolivienne située à plus de 3 800 m d’altitude sur les rives du lac Titicaca. C’est dans cette région que sont nées les civilisations tiwanaku et inca. De Copacabana, il est possible de partir en excursion sur les îles du Titicaca, notamment l’île du Soleil et l’île de la Lune, où, selon plusieurs légendes, les peuples des Andes trouveraient leurs racines. Émergeant du bleu lapis-lazuli profond du Titicaca, ces îles rocailleuses, où l’on peut découvrir des sites archéologiques sous un soleil de plomb, font penser aux Cyclades, ces matrices d’une autre civilisation. En foulant le sol de ces îles de mythologie, le voyageur a vraiment l’impression d’être au premier matin du monde.

À Copacabana, place au syncrétisme religieux. Plus que toute autre cité du pays, la ville exprime le métissage spirituel de la Bolivie, où les cultures locales ont résisté aux assauts successifs de la colonisation, de la mondialisation et du tourisme de masse. 60 % des 8,5 millions de Boliviens sont d’ailleurs des quechuas et des aymaras. Copacabana viendrait de la langue aymara, Quta khawaña, et signifierait « observer le lac ».

Quand les conquistadors débarquèrent dans la région, Copacabana était de longue date un lieu de pèlerinage inca. Les colons tentèrent d’y implanter le culte catholique et notamment celui de la Vierge. Ils construisirent une cathédrale (notre photo) dès 1550 et, en 1583, une statue en bois de la Vierge y fut installée : Notre-Dame de Copacabana.

Petit détail qui a son importance : cette Vierge est « noire ». Comprenez : ses traits sont indiens, ce qui explique sa popularité immédiate. On la doit au sculpteur Tito Yupanqui. Selon la légende, cet Indien de Potosi aurait eu une vision de la Vierge qui aurait sauvé des marins incas d’une terrible tempête sur le Titicaca. Il l’aurait sculptée et apportée à pied depuis Potosi, soit une trotte de plus de 650 km !

Chicha, fiesta et eau bénite

Surnommée la « Vierge noire » ou la « Vierge de la chandeleur » (Virgen de la Candelaria), la statue de Copacabana fait l’objet d’un culte auprès de l’ensemble des communautés autochtones sud-américaines. Elle ferait des miracles. L’un d’entre eux est à l’origine de la célèbre plage de Rio de Janeiro. En 1754, un marin, pris dans une tempête au large du Brésil, implora Notre-Dame de Copacabana de lui venir en secours. Sauvé des flots, il lui consacra une chapelle à l’endroit même où sera érigé un fort, près de la future plage de Copacabana. Depuis 1925, la Vierge est, par ailleurs, la sainte Patronne de la Bolivie.

Les Boliviens, mais aussi les Péruviens, viennent fort nombreux à Copacabana pour obtenir la bénédiction de la « Vierge noire » dont on peut voir la statue à l’intérieur de la cathédrale, dans le chœur de l’autel. Sachez qu’elle change de tenue tous les trois mois. Les fidèles viennent aussi à Copacabana pour faire bénir toutes sortes d’objets et surtout leurs voitures, décorées de guirlandes de fleurs et de rubans colorés pour l’occasion. Car telle est la tradition : tous les jours, de 10 h à 14 h, un prêtre bénit les véhicules à moteur en les aspergeant d’eau bénite ! Petits accommodements avec la religion. À Copacabana, le catholicisme flirte avec la superstition, dans un cérémonial kitsch et à la limite du surréalisme. Succès assuré, en tout cas, auprès des touristes qui ne manquent pas d’immortaliser le « culte » en le photographiant.

Deux fois par an, le 2 février et les 5-6 août, le culte de la Vierge noire atteint son paroxysme dans une débauche de musique, de prière, de couleurs et d’alcool. Les célébrations du mois d’août coïncident avec la fête nationale de la Bolivie. Une gigantesque procession, regroupant plusieurs dizaines de milliers de personnes, a lieu dans les rues de la petite ville. Copacabana est en ébullition : partout, on joue de la musique, on danse et on boit énormément de bière et de chicha (boisson alcoolisée à base de maïs fermenté). Les prières s’adressent à la Vierge ou à la Pachamama, la Terre-Mère, en une étonnante appropriation du culte chrétien. Quant à la Vierge, elle est conservée scrupuleusement à l’intérieur de la cathédrale. En effet, selon les croyances locales, si elle venait à bouger de son sanctuaire, un désastre ne tarderait pas à s’abattre sur Copacabana !

Pour en savoir plus

Y aller ?
Copacabana se trouve à 3 h 30 en bus de La Paz et à 3 h de Puno (Pérou). La route est magnifique et offre de splendides points de vue sur le lac Titicaca.
Pas de vol direct entre La Paz et la France. Escale à Miami par American Airlines ou à Caracas et Sao Paulo avec Air France et TACA/ Aerosur. Compter au moins 1 000 € l’aller-retour.

Où dormir ?
Ville touristique, Copacabana offre de nombreuses possibilités de logement. Il vaut mieux réserver à l’avance pour les festivités du 5 août. Attention, les tarifs augmentent sensiblement.

Excursions sur le lac Titicaca
Se renseigner auprès des agences de l’avenida 6 de Agosto et de la place Sucre qui vendent des excursions à la demi-journée et à la journée vers l’Isla del Sol et l’Isla de la Luna. Possibilité d’acheter un aller simple et de prendre un retour un autre jour. Inoubliable !

Texte : Jean-Philippe Damiani

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