La Bolivie, terre d’aventuriers
La Bolivie n’est-elle pas le pays le plus méconnu d’Amérique latine, la terre de l’aventure dans tous les sens du terme ? Conquistadors, explorateurs, pères jésuites, pionniers de la mine, guérilleros, révolutionnaires, exilés politiques et, bien sûr, routards sac à dos : ce pays haut perché a toujours attiré les aventuriers avides d’or et richesses, les passionnés de liberté et de grands espaces, mais aussi les rêveurs, les utopistes, les mystiques, les rebelles et les fugitifs ! On est partis sur leurs traces…
Préparez votre voyage avec nos partenaires- Les routards en Bolivie : l’aventure plus près du ciel
- Missions jésuites de Bolivie : les aventuriers de la foi
- Le colonel Fawcett : au cœur de l’enfer vert de l’Amazonie
- Louis Soux : l’Ariégeois devenu l’un des hommes les plus riches de Bolivie
- Che Guevara : un guérillero en Bolivie
- Régis Debray : un intellectuel engagé en Bolivie
- La route du Che en Bolivie
- Fiche pratique
Les routards en Bolivie : l’aventure plus près du ciel
La Bolivie, dernière terre d’aventure pour les routards en Amérique latine ? Assurément !
Sa situation au cœur du continent sud-américain, sa géographie tourmentée faite de montagnes et de hauts plateaux (l’altiplano) entre 3 000 et 5 000 mètres, ses paysages andins vierges et majestueux, la forêt tropicale primaire d’Amazonie, ses rivières interminables : voilà autant de raisons qui attirent les routards depuis les années 1970. « Pureté originelle des espaces infinis et richesse de civilisation humaine : n’est-ce pas cette alliance paradoxale qui fait l’originalité de la Bolivie ? » écrit Dominique Fernandez, grand voyageur captivé par ce pays.
Ajoutons à cela la présence d’une population indienne bien plus importante qu’ailleurs. Ces Indiens descendants des Incas n’ont-ils pas retrouvé un peu de leur dignité perdue depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales, lui-même d’origine indienne ? Tout le monde n’aime pas Evo. Aucune gouvernance n’est parfaite, mais grâce à lui les Indiens de Bolivie ont repris leur juste place dans la société.
Avec un coût de la vie intéressant pour un voyageur, et une amélioration de la sécurité, la Bolivie reste le pays « chimiquement pur » le plus attirant d’Amérique du Sud. Où sont les portes de l’aventure ? Partout ! Comme à La Paz, la plus haute capitale du monde, seul lieu de la planète où l’aéroport domine la ville. Les cités coloniales de Sucre et de Potosi, classées par l’Unesco, où l’art baroque a été magnifié comme nulle part ailleurs.
Le lac Titicaca, étape obligée pour rejoindre le Pérou voisin, le parc national de Torotoro et ses fossiles de dinosaures. Enfin, le Salar d’Uyuni, plus grand lac salé de la terre où l’on roule sur une interminable croûte de sel lumineuse… Une planète éblouissante et blanche sous le ciel bleu cristallin des Andes !
Missions jésuites de Bolivie : les aventuriers de la foi
Inscrite au Patrimoine mondial par l’Unesco depuis 1990, la région des Missions jésuites de Chiquitos (Chiquitania), à plus de 300 km au nord-est de Santa Cruz, aux confins de la Bolivie et du Brésil, forme un monde culturel, esthétique et spirituel à part.
Cette région pauvre et sauvage fut choisie au 17e siècle par les pères jésuites pour ériger les « républiques de Dieu ». Ces territoires de l’esprit furent conçus comme des utopies terrestres où tous les hommes s’aideraient et s’aimeraient malgré leurs différences de nature et d’origine : un idéal pratique échappant au dogme du pape et à l’autorité du roi d’Espagne. Rien de tel que de revoir le film Mission de Roland Joffé dans lequel cette histoire touchante est très bien racontée.
Pourquoi le violon est-il aujourd’hui l’instrument préféré des habitants de la Chiquitania ? Désireux d’évangéliser « les Sauvages », les Jésuites utilisèrent la musique comme chemin possible vers les trésors du ciel. La beauté de la foi chrétienne s’incarna dans le violon que les jeunes indiens apprirent à jouer.
Depuis le 18e siècle, l’art du violon européen a ainsi donné naissance à la musique baroque chiquitanienne, mélange subtil de classique et d’indianité. En 1767, année de l’expulsion des Jésuites, il y avait 23 788 indigènes baptisés dans les dix Missions de Chiquitos sur une population locale totale estimée à 37 000 âmes. Le « violon qui mène au ciel » perpétue aujourd’hui cette belle histoire.
Aujourd’hui, l’église de San Javier, construite en 1752, est le modèle de toutes celles qui seront édifiées ensuite dans la Chiquitania (la région dite des Missions jésuites) : les églises de San José de Chiquitos et de Santa Ana. Ce dernier village est celui qui conserve le mieux l’ambiance des Missions, le seul à avoir vraiment bien conservé les traditions et la langue chiquitana.
Le colonel Fawcett : au cœur de l’enfer vert de l’Amazonie
Officier et explorateur britannique (1867-1925), Percy Harrison Fawcett fut envoyé en Bolivie par la Société Royale de Géographie de Londres, pour délimiter les frontières du pays avec le Brésil et le Pérou. Au service du gouvernement bolivien, Fawcett organisa 6 longues expéditions entre 1906 et 1912, dans l’enfer amazonien, au nord et à l’est du territoire.
À pied, à dos de mule, en barque, dans des conditions redoutables, il explora ces régions encore sauvages et inhospitalières, déplorant les ravages causés par l’industrie caoutchoutière. Malgré les pires difficultés, il s’attacha au pays. « C’est un enfer mais on finit par l’aimer ». Fawcett a tenu un journal qui est un témoignage unique de la vie dans ces régions isolées au début du 20e s.
Il affronta la chaleur suffocante, les bêtes sauvages (les terribles anacondas), les moustiques, les mouches, les fourmis, surmonta la solitude, la faim, la fatigue, mais le pire ennemi fut sans doute l’ennui ! Ne mit-il pas 45 jours pour relier en barque Riberalta et Rurrenabaque, « un voyage odieux » ? Il fut choqué par la violence, le racisme, et la misère sociale des Indiens maltraités par les colons !
Malgré toutes ces vicissitudes, le vaillant explorateur parvint à accomplir sa mission. Il quitta la Bolivie et, devenu indépendant, se lança à la recherche d’une ancienne cité de l’Atlantide, qu’il pensait être quelque part dans la forêt brésilienne. C’est à la poursuite de cette cité chimérique que Fawcett disparaît mystérieusement en 1925.
Son aventure exceptionnelle a été publiée en français sous le titre « Le continent perdu, dans l’enfer amazonien ». Elle a inspiré le très beau film de James Gray, « The Lost City of Z » (2016). Curieusement, aucune rue de La Paz ne porte son nom. Fawcett, qui fit tant pour la Bolivie, est oublié aujourd’hui des Boliviens.
Louis Soux : l’Ariégeois devenu l’un des hommes les plus riches de Bolivie
Nous voici dans une vallée dominée par des montagnes rocailleuses de couleur fauve, aux environs de Potosi, dans un environnement aride qu’un ingénieux système d’irrigation a fait reverdir.
À 3 550 m d’altitude, l’Hacienda Cayara fut donnée en 1557 par le roi d’Espagne Philippe II à Juan de Pendones, un conquistador qui vint ici avec Pizarro et fonda Potosí. Rebâtie en 1878, c’est aujourd’hui un hôtel de charme.
Les épais murs en adobe, le patio avec son gros cyprès, les pièces garnies d’un beau mobilier de famille, tout dans cette vieille demeure porte la marque de la destinée d’un homme : Louis Soux, un Français oublié de l’histoire bolivienne !
Originaire de l’Ariège, spécialiste de l’étain, il sortit major de l’école centrale, et rencontra, hasard heureux, le président de la Bolivie d’alors : Aniceto Arce qui l’invita en Bolivie pour s’occuper des mines. Intendant et gérant au départ, il devint très vite un grand propriétaire. Il s’enrichit avec la mine de Pellucayo, puis fit fortune avec celle du Cerro Rico de Potosi, qui était encore la plus grande mine d’argent du monde au 19e s. Elle lui rapportait 60 % des bénéfices !
Don Luis acheta l’hacienda en 1905, et épousa une Espagnole qui lui donna sept enfants. Une de leur fille se maria avec un Aitken, ingénieur métallurgiste écossais. La maison et le domaine appartiennent toujours à ses descendants : le dueño actuel Juan Jorge Aitken, 65 ans, et Edgar Soux Zamora, homme jovial de plus de 80 ans, petit-fils de Louis Soux.
Don Edgar vous fera sans doute découvrir l’extraordinaire salon aux fresques représentant les 5 continents et les 4 saisons (avec des miroirs vénitiens du 16e s), le comedor avec sa vieille table et ses chaises en cuir de lama, l’attachante bibliothèque (5 000 livres) dont beaucoup d’ouvrages en français (63 volumes de Voltaire). Et, pour finir, il nous montre la chapelle de 1558 qui renferme les tombes familiales dont celle de Don Luis.
Che Guevara : un guérillero en Bolivie
La Bolivie fut le dernier territoire de lutte armée du Che Guevara. Après avoir fait ses adieux à Fidel Castro, il arrive à La Paz en novembre 1966 et organise la guérilla de l’ELN. Objectif : « créer deux, trois, de nombreux Vietnam », contre l’impérialisme américain. Il a 39 ans. Il part dans le maquis dès son arrivée et commence le combat, accompagné d’une cinquantaine de guérilleros.
Au service de Cuba et de la guérilla révolutionnaire, un jeune intellectuel français, Régis Debray, a déjà reconnu les lieux (février 1967). Il a exploré la région du Haut-Béni comme terrain possible mais c’est finalement le Nancahuazu (au sud-ouest des Andes, région de Santa Cruz) qui s’impose comme point de départ. Surnommé « Danton », Debray ne participe pas aux combats, mais sert d’agent de liaison au Che.
La géographie montagneuse, la forêt impénétrable, le manque de vivres et de munitions, la malnutrition, transforment l’expédition en une impossible « longue marche ». De plus, la population est hostile aux rebelles cubains. Les paysans boliviens ne comprennent pas pourquoi les barbudos veulent les libérer, car ils ne se sentent ni opprimés, ni exploités.
Alors que la guérilla du Che piétine et donne peu de résultats, le 20 avril 1967, Régis Debray est lâché dans la sierra sur la route à 5 km de Muyupampa (330 km au sud de Santa Cruz). Pas de chance, il est aussitôt arrêté par l’armée, avec l’Argentin Ciro Roberto Bustos et George Andrew Roth, les trois individus se présentant comme journalistes. Roth avait interviewé le Che la veille.
Bustos finit par parler et dessine 18 portraits des guerilleros. Les joues mal rasées de Debray, les papiers et photos de Bustos les ont dénoncés. Interrogé, tabassé, le jeune Français tombe dans le coma (durant 2 jours) et frôle la mort. On l’enferme dans une geôle pendant plusieurs mois.
Quant à Che Guevara, il est fait prisonnier par l’armée bolivienne et exécuté le 9 octobre 1967.
Régis Debray : un intellectuel engagé en Bolivie
L’affaire Debray et la guérilla du Che commencent à être connues en France et dans le monde. Le 26 septembre 1967, le procès Debray se tient dans le village de Camiri. C’est là qu’intervient le sinistre Klaus Barbie, spécialement chargé des assassinats et tortures, auprès des services secrets boliviens (appuyés par la CIA).
Le « boucher de Lyon » aurait participé à l’interrogatoire de Debray, mais sans se montrer. S’il échappe à la mort, il n’a évité ni les coups, ni les pressions psychologiques comme le simulacre d’exécution. La mort de Debray est même annoncée, mais sa photo publiée dans un grand journal bolivien lui évite le pire.
Dans le même temps, la guérilla est anéantie après la capture et la mort de Che Guevara dans le village de La Higuera, le 9 octobre 1967. Le 17 novembre, le tribunal militaire condamne Debray à 30 ans de prison. Venus le soutenir, des intellectuels se sont mobilisés pour préparer sa défense. En France, la campagne de soutien est menée par Jean-Paul Sartre. Le général de Gaulle intervient et envoie un émissaire à La Paz pour une négociation difficile auprès du président Barrientos.
Finalement, après 3 ans et demi d’incarcération, Debray est libéré. Il rejoint le Chili socialiste de Salvador Allende et, en 1973, il rentre en France. Régis Debray renseigne Serge et Beate Klarsfeld, chasseurs de nazis, afin de les aider retrouver le tortionnaire nazi Klaus Barbie qui vit en Bolivie.
En 1981, Régis Debray est nommé chargé des relations internationales par le président Mitterrand. La machine à capturer Barbie se met en place. Il est arrêté le 5 février 1983 puis extradé vers la France pour y être jugé.
La route du Che en Bolivie
Aujourd’hui, il existe un parcours touristique La Route du Che (la Ruta del Che) : la plupart des routards préfèrent suivre cette route au départ du village de Samaipata (porte sud du Parque Nacional Amboro). En taxi pour 4 personnes, compter 1 000 Bs l’aller-retour dans la journée, mais une journée c’est trop rapide, mieux vaut prévoir 2 jours/1 nuit. Compter dans ce cas 1 300 Bs (environ 166 €) pour un groupe de 4 personnes. Mieux vaut donc se regrouper pour cette excursion.
On s’arrête d’abord au village de Vallegrande, à 120 km au sud de Samaipata, point de départ du « tour du souvenir ». Dans cette bourgade, on visite le lavoir de l’hospital Señor de la Malta où la dépouille du Che fut exposée. Au musée sur la place centrale, une salle retrace en photos le parcours du guérillero.
De Vallegrande, une piste de 61 km (durée 2 h) conduit au village isolé de La Higuera, où le comandante fut exécuté. Sur la place centrale, un buste géant du Che rappelle sa fin dramatique.
Des agences de Samaipata proposent ce circuit sur les traces du Che en Bolivie.
Avec l’aide de Bertrand Deschamps, libraire, grand voyageur, qui est allé partout deux fois.
Fiche pratique
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Pour préparer votre séjour, consultez notre guide en ligne Bolivie.
Comment y aller ?
Impossible de rejoindre directement la Bolivie par avion. Les vols transitent au choix à Madrid, à Lima ou aux États-Unis
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Missions jésuites de la Chiquitania
Bonnes adresses
- Hotel La Villa Chiquitana : calle 9 de Abril, San José de Chiquitos. Tél. : (+ 591) 73 15 58 03. Doubles 295-395 Bs (38-51 €). Petit hôtel de charme abritant des chambres donnant sur un jardin avec piscine.
- Parador Santa Ana : calle Libertad, à San Ignacio de Velasco, entre Cochabamba et Sucre. À un bloc et demi de la place centrale. Tél. : (+ 591) 76 61 95 37. Doubles 250 BS. Petit hôtel dans une ancienne maison coloniale restaurée.
- Casa Blanca Hostel : calle Tarija 35 à Potosi. Tél. : 702 138 18. Lit en dortoir 50-60 Bs/pers. (env 6-7 €), double 170 Bs (env 22 €). Voilà sans doute la plus conviviale des AJ de Potosí.
- Hostal Colonial : calle Hoyos 8 à Potosi. Tél. : 622 42 65. Doubles env 500-650 Bs (64-77 €), petit déj inclus. Deux avantages : sa situation très centrale et son architecture coloniale avec 2 patios autour desquels se répartissent les chambres.
- Hacienda Cayara à 24 km au nord-ouest de Potosí. Tél. : 674 090 24. Doubles env 130 USD (env 115 €), petit déj inclus. Dîner 12 USD (11 €). Si on n’y dort pas, on peut visiter le musée : lun-sam 9 h-12 h, 14 h-17 h. Privilégiez les chambres donnant sur le premier patio planté d’un cyprès géant, très joliment rénovées, avec mobilier en bois ciré, couette et poêle à bois pour lutter contre les frimas hivernaux (on est à 3 550 m).
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Texte : Olivier Page
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