Les Bannières de la révolte
Auteur : Benedict Anderson
Editeur : La Découverte, coll. Textes à l'appui/laboratoire des sciences sociales
264 Pages
C’était au temps de la première mondialisation, à la fin du XIXe siècle. Le jeune médecin philippin José Rizal (1861-1896) parcourait le monde de Manille à Madrid, de Barcelone à Paris, de Berlin à Vienne, de Hong Kong à Yokohama… Sa courte vie fut dominée par deux grands projets : libérer son pays du joug espagnol et écrire des romans. Il n’en écrira que deux, mais le premier, Noli me Tangere, œuvre picaresque qui décrit le monde colonial des Philippines, deviendra un grand classique de la littérature castillane.
L’étonnant récit de la vie errante de Rizal que donne le britannique Benedict Anderson décrit un monde en mutation. Pour la première fois dans l’histoire des hommes, ceux-ci comme leurs marchandises peuvent aller d’un point à l’autre du globe en un temps relativement court grâce aux paquebots, cargos et chemins de fer. De plus, il est possible de communiquer avec des correspondants très lointains par le télégraphe et le courrier postal. Ces facilités sont mises à profit par une génération cosmopolite et polyglotte qui remet en cause l’ordre établi.
Rizal en fait partie. Pour lui, sa nation doit s’émanciper sans pour autant se fermer sur elle-même. Cette sorte de nationalisme ouvert est une des formes de pensée politiques novatrices qui bouillonnent dans les années 1890. Au fil de son ouvrage, l’auteur en fait l’exposé et replace Rizal dans ce contexte. Ce faisant, il dresse un tableau d’un monde par nous méconnu, bien qu’il ne soit vieux que d’une centaine d’années. Il souligne amplement l’importance des idées émancipatrices de l’époque, bien plus marquées par l’anarchisme que par le marxisme, qui ont influencé le poète philippin, opposé aussi bien aux méthodes brutales des indépendantistes ultra qu’à l’oppression du pouvoir colonial espagnol.
Exécuté par ce dernier, Rizal est aujourd’hui considéré comme un héros national aux Philippines, pays qui passe en 1898 sous l’emprise des États-Unis quasiment en même temps que Cuba, avant de prendre son indépendance en 1946.
Texte : Michel Doussot
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