Finlande : au pays des milliers de lacs
La Finlande est surnommée le « pays des 1 000 lacs »… Grossière erreur : un géographe en a dénombré en fait 56 012 mesurant plus d'1 hectare et 187 888 dépassant 500 m2 de superficie, soit 10 % du territoire national !
La Finlande, pour rude que soit son climat, offre ce qui est presque partout devenu rare (et précieux) : un immense pan de nature à peine discipliné. On peut aller n’importe où en Finlande pour voir des lacs, mais ils ne sont nulle part aussi vastes, nombreux et concentrés qu’en Savonie, cette vieille province détrempée du centre-est où s’épanche le Saimaa, le deuxième plus grand plan d’eau d’Europe.
Au-delà, en Carélie, les villages s'espacent, les champs s'effacent au profit des prairies et des marécages, des forêts de sapins et de bouleaux – laissant émerger, de loin en loin, les clochers en bois d’églises orthodoxes. On est là aux confins de la Russie.
Préparez votre voyage avec nos partenairesJärvi-Suomi : le pays des grands lacs de Finlande
Les Finlandais l’appellent Järvi-Suomi. Les Anglais, Lakeland. En français, on pourrait s’aventurer à parler d’un « pays des grands lacs ». Sur cet immense territoire occupant l’essentiel du centre et de l’est de la Finlande (notamment les régions de Savonie et Carélie), les plans d’eau sont encore plus nombreux qu’à l’échelle nationale : emmaillotés dans un uniforme impeccable de forêt, ils occupent ici près du quart du territoire !
Zoomons encore un peu. Autour de la mer intérieure du Saimaa, plus grand lac de Finlande (4 377 km2) et deuxième d’Europe (hors Russie), s'étend la plus importante région lacustre du continent. Un vrai dédale d’eau et de terre, de lacs et d'îles, de bleu et de vert, juxtaposés à l'infini. Un assemblage déconcertant de baies et de caps, de péninsules et de presqu'îles, de rivières et de canaux se déversant par des séries de petits rapides.
Cette terre a été longuement pétrie par les glaciers, jusqu’à leur retrait il y a environ 10 000 ans. Résultat : le plateau, arasé, bas, laisse à peine échapper quelques rares reliefs comme les drumlins – ces collines allongées en dos de baleine, constituées d’anciens dépôts morainiques.
Plus rigolo : les eskers. De même origine, ces bandes de rocaille surélevées de quelques mètres sinuent parfois longuement. Ainsi, à Punkaharju, où route et chemin de fer empruntent sur 7 km l’un de ces serpents de terre, recouvert de bouleaux et de pins, jeté comme un pont entre deux lacs. Il mesure par endroits moins de 50 m de large.
Les lacs de Finlande, des tsars de Russie à l’opéra
Longtemps, la Finlande se trouva au confluent de deux mondes ennemis : Royaume de Suède à l’ouest, qui contrôla la majeure partie du territoire de 1249 à 1809 ; Empire russe à l’est, qui se contenta longtemps de bribes avant de s’imposer à son tour.
Dès le 18e siècle, dans l’Est sous tutelle russe, les tsars prirent pour habitude de venir respirer l'air vivifiant du Nord. Catherine II fut la première, en 1772, qui s'émerveilla devant le tumulte des rapides d'Imatra. D’autres têtes couronnées vinrent en invitées, jusqu'à l'impératrice du Brésil…
À la fin du 19e siècle, Lappeenranta, terminus du canal du Saimaa, inauguré en 1856 pour relier le lac au golfe de Finlande, devint station de villégiature pour l'aristocratie de Saint-Pétersbourg, à 200 km de là. Un peu plus au sud, Alexandre III se fit aménager en 1889 un charmant pavillon sur les berges de la rivière Langinkoski. Il aimait y venir avec son épouse, la princesse Dagmar du Danemark, taquiner le saumon dans les rapides – et ne dédaignait pas, à l'occasion, peler les patates en compagnie de sa suite…
À Savonlinna, la forteresse médiévale d’Olavinlinna – la plus septentrionale d’Europe – témoigne de cette époque sombre où les Finlandais ne décidaient de rien. Érigé en 1475 par les Suédois pour protéger l’alors frontière orientale du royaume, le château ancre majestueusement ses trois tours et ses puissantes murailles asymétriques en patchwork de brique et de pierre sur un îlot relié à la terre ferme par un pont basculant. Il accueille aujourd’hui un des festivals d’opéra les plus réputés d’Europe.
Saimaa, le plus grand lac de Finlande
En se plongeant dans la carte, difficile de résister à l’appel du kayak. Là, au nord de Savonlinna, deux méli-mélo de terre et d’eau étalent leurs promesses de silence retrouvé : le parc national de Linnansaari et celui, voisin, de Kolovesi – où les bateaux à moteur sont en grande partie interdits.
Idéal pour une première approche, ce dernier dispose d’un itinéraire aquatique de 40 km permettant d’explorer l’essentiel du parc en 2 à 3 jours. Il ne faut toutefois craindre ni le froid, ni le vent, ni la pluie, ni les moustiques pour se lancer dans l’aventure…
Heure après heure, l’avancée y est rythmée par le clapotis des pagaies entrant et sortant de l’eau, ou celui d’un oiseau palmant pour décoller. La surface, parfois miroitante sous le soleil, se gondole à d’autres moments sous l’effet du vent ; le kayak se balance, se cabre parfois alors, forçant à pousser sur les bras et faire corps avec le pouls de l’eau. De loin en loin, une multitude d’îlots offre autant de raisons de jouer à Robinson – l’espace d’un instant ou d’une nuit. Le soir, le crépitement du feu annonce l’entracte.
Certaines journées sont fatigantes, d’autres détrempées et glaçantes. Parfois, le doute s’installe face au labyrinthe des anses et le GPS doit être appelé à la rescousse. Mais, en juin, en juillet, la magie d’un envol de cygnes muets dans la brume du matin et la rencontre d’un élan d’Europe venu boire au soleil de minuit, valent tous les efforts du monde.
Il arrive même parfois de rencontrer un des (très) rares phoques marbrés du Saimaa (380 bestioles au dernier recensement, témoignant d’un temps oublié où la mer pénétrait jusque-là).
Croisières sur les lacs de Finlande
Dès le 19e siècle, des vapeurs commencèrent à sillonner les plans d'eau finlandais, bientôt reliés entre eux par des séries d'écluses. Ils permettaient de transporter le goudron produit localement à partir de la résine de pin, exporté jusqu'à Londres. Il y avait même, alors, des bateaux-bus, qui sillonnaient les lacs pour emmener les fidèles à l’église !
Parmi les différentes croisières proposées aujourd'hui sur le Saimaa et ses affluents, entre juin et mi-août (l’été est court, en Finlande !), certaines se déroulent à bord de ces vieux vapeurs de l'âge d'or. Partant de Savonlinna les lundis, mercredis et vendredis, le MS Puijo, un petit remorqueur à double pont construit en 1914, est sans doute le plus attachant d’entre eux.
Une journée durant, l’embarcation, aux bois lustrés, cabote d’escale en escale jusqu’à la ville de Kuopio, alternant navigations au large, passages d’écluses et contournements de chenaux étroits entre rochers et forêt. Des îles à perte de vue balisent le parcours : il y en aurait 14 000 sur l’ensemble navigable du Saimaa ! Parfois, la silhouette fuselée d'un pygargue (aigle pêcheur) fend les airs.
Nombre de Finlandais rêvent d'installer leur mökki ici : une simple cahute en rondins sur le bord d'un lac, avec son indissociable sauna (à bois). Aucun risque de surpopulation : chaque citoyen du pays dispose (en moyenne) de plus de 6 ha de forêt !
D’autres croisières conduisent, d’autres jours, au monastère orthodoxe de Nouveau-Valamo, refondé sur le lac Juojärvi en 1940 après la fuite des moines du sanctuaire d’origine, situé en Carélie Orientale – reprise par l’Armée Rouge lors de la Guerre d’Hiver.
La Carélie, mémoire finlandaise
Le conflit, parmi les premiers épisodes de la Seconde Guerre mondiale, a vu l’Union soviétique envahir la Finlande, indépendante depuis 1917.
Plus de trois mois durant, les Finlandais ont tenu, à un contre quatre, avant de céder, perdant 12 % de leur territoire : l’essentiel de la Carélie du Sud, qui s'étendait jusqu'au lac Ladoga, le plus grand d'Europe (17 700 km2). La perte fut terrible : la Carélie et ses vastes forêts sont le sanctuaire de l'identité nationale.
À Ilomantsi, bourgade la plus orientale et la plus enneigée du pays, les deux principales églises ont été bâties en bois. Celle des Cent-Anges (1796), dominant un énième plan d’eau, est luthérienne. Celle de Saint-Élias (1891), plantée aux marges des prés, est orthodoxe.
Si elle ne représente plus à l'échelle nationale que 1,1 % de la population, la foi de l’ancienne Russie tsariste, maîtresse de la région durant près de deux siècles, concerne encore 7 % des Caréliens. Chaque été ont d’ailleurs encore lieu les praasniekka (processions) en l'honneur des saints…
À Hattuvaara, un hameau isolé au cœur des bois, cela se passe le 28 juin, autour de la croquignolette chapelle Saint-Pierre-et-Paul, toute blanche, au petit clocher coiffé d’un bulbe miniature (1792).
De son parvis herbeux, un court sentier conduit à travers les ombellifères jusqu’à un vieux cimetière conservant trois tombes caréliennes – surmontées d'une « maison » miniature où étaient jadis glissés vêtements et nourriture pour les défunts !
Un paysage mythique de la Finlande
Le point de vue qui se découvre de l’Ukko-Koli, une longue colline boisée inhabituellement haute, appartient aux mythes : il est même classé « paysage national » !
En 1909, le lieu aurait inspiré au compositeur Sibelius, chéri par tous les Finlandais, la substance de sa quatrième symphonie, dite « de montagne ». Une montagne bien modeste à vrai dire (culminant à 347 m d’altitude !), mais une montagne tout de même, qui découvre, de sa crête rocheuse, un panorama imprenable sur le lac Pielinen.
En contrebas, derrière un premier paravent de courts sapins, de petits bouleaux et d’épicéas, se déroule l’immense trait d’eau bleu, étiré sur 80 km. De longues îles entièrement boisées y tracent leurs traits sombres, ponctués d’îlot-points ou virgules en archipels. Splendide.
Juste au pied du point de vue (atteint par un raide et discret escalier de 132 marches), voisinent un grand hôtel moderne, héritier d’une première auberge fondée en 1896, et un centre nature (expo), uniquement desservis par un petit funiculaire gratuit.
Alternativement, on peut aussi y grimper en télésiège depuis le versant oriental du parc national, après avoir traversé le lac en ferry depuis Lieksa. Cette gentille bourgade esrt réputée pour son intéressant musée en plein air, le deuxième plus grand de Finlande, regroupant quelque 70 maisons en bois, saunas, fermes et dépendances, camp de bûcheron, moulins et traîneaux. On peut même y voir un étonnant radeau-maison où vivaient ceux qui accompagnaient les trains de bois flotté !
Le Kainuu, au pays de l’ours finlandais
Au nord du lac Pielinen, les grands lacs et la Carélie s’effacent peu à peu devant les immenses forêts du Kainuu. Frontalière de la Russie, dépourvue de grandes villes, la région est l’une des moins peuplées du pays (3,5 hab/km2 !).
Elle est pourtant chère au cœur des Finlandais : au 19e siècle, Elias Lönrott, parcourant inlassablement le pays à la rencontre des vieux conteurs, y récolta de quoi composer le Kalevala, un colossal poème épique de 22 800 vers, qui exprime mieux que tout l'âme finlandaise et son attachement à la magie des grands espaces.
Au nord de Kuhmo, le concept prend tout son sens. On roule là dans une nature quasi vierge, sur un unique ruban de goudron fissuré par le froid glacial de l’hiver et borné par les œillères des rideaux de bouleaux. De rares chemins divergent, s’enfonçant vers l’inconnu. Une antenne émergeant de la forêt et quelques bicoques de bois signalent Lentiira – 250 habitants, une école primaire, une église, une pompe à essence et deux organisateurs de safari.
On ne vient pas à Lentiira pour chasser l’ours (quoique ce soit légal), mais pour lui tirer le portrait et, avec un peu de chance, celui des rares (et voraces !) gloutons fréquentant aussi le secteur.
Tout cela n’est pas complètement écologique : pour avoir une chance de les observer, il faut les appâter. Puis attendre. La plupart des visiteurs choisissent de passer la nuit dans un affût. Une nuit idéalement lumineuse en été, qui empêche les plantigrades de se cacher…
Fiche pratique
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Site officiel du tourisme en Finlande
Comment y aller ?
Finnair dessert Helsinki en vol direct 3 à 5 fois par jour au départ de Paris. Trouvez votre billet d’avion.
Quand y aller ?
L’hiver perdure jusqu’en avril, cédant la place à un court printemps. L'été s'installe début juin, avec des journées souvent ensoleillées et très lumineuses (1 h-2 h de « nuit » seulement fin juin). Les températures peuvent alors dépasser 30 °C ou… descendre à 12 °C, avec pluie et vent. Dès la fin août, l'automne s'annonce ; d’ailleurs les croisières cessent dès le milieu du mois, au moment de la rentrée scolaire finlandaise. Par extension, beaucoup d’infrastructures sont fermées de septembre-octobre à mai-juin. L’hiver, on ne vous étonnera pas, est froid : -9,5 °C en moyenne en janvier-février, avec des pointes sous -30 °C.
Où dormir ?
L’hébergement classique est assez cher en Finlande, surtout si l’on voyage en famille (les suppléments enfant sont élevés). Mais pour peu qu’il fasse beau, il est bien agréable de camper dans ce pays de nature : les sites sont souvent spacieux et implantés près d’un lac, et disposent généralement d’un sauna !
On y trouve aussi presque systématiquement différentes sortes de petits et grands chalets, du plus spartiate au plus confortable (avec sauna privé). Dans ce type d’hébergement, attention, les draps ne sont pas fournis ; leur location revenant cher, mieux vaut voyager avec les siens.
La Finlande est parallèlement le seul pays d’Europe à autoriser le camping sauvage presque partout pour une nuit (y compris sur les terrains privés), à l’exception bien sûr des zones protégées et à l’approche des maisons.
Dans les villes (et parfois en dehors) on trouve souvent une ou deux auberges de jeunesse, dont pas mal sont affiliées au réseau Hostelling International ; l’ambiance y est généralement ultra-fonctionnelle. D’un style similaire, les kesähotelli (hôtels d’été) ouvrent entre juin et août dans les résidences étudiantes.
Autres classiques : les locations de mökit (bungalows et chalets d’été) en bord de lac, l’expérience finlandaise par excellence ; c’est souvent possible à la journée, demandez aux offices de tourisme qui disposent presque tous d’une liste et connaissent les disponibilités. Plus d’infos sur www.lomarengas.fi
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Où manger ?
Comme l’hébergement, les restaurants tendent à voir leurs tarifs s’envoler en Finlande. À une exception, très notable : le lounas du midi, une sorte de menu proposé par la plupart des établissements, sous forme de buffet plus ou moins complet. On s’en tire généralement pour 9 à 16 € par personne, parfois un peu moins, parfois un peu plus.
Sinon, vous trouverez partout des fast-foods à l’anglo-saxonne, dont il ne vaut mieux pas attendre des miracles ; on vous conseillerait plutôt de fréquenter les boulangeries (où l’on peut fréquemment s’attabler) et les cafés, et de faire vos courses au supermarché (prix raisonnables).
Liens utiles
Les parcs nationaux finlandais (infos très détaillées)
Le tourisme dans la région du lac Saimaa
Tourisme en Carélie (en anglais)
Texte : Claude Hervé-Bazin
Mise en ligne :