Haute-Provence : Digne-les-Bains, entre montagnes et lacs
Les Alpes-de-Haute-Provence sont connues dans le monde entier pour leurs trésors naturels : gorges du Verdon, plateau de Valensole et parc national du Mercantour. Mais aussi pour le patrimoine architectural et historique de Sisteron, Manosque ou encore Barcelonnette.
Autant de cartes postales qui évoquent une région singulière et diversifiée, aux influences à la fois provençales et alpines, aux terres de lavande, d’oliviers et de… fossiles ! Car une grande partie du département s’inscrit dans le Géoparc de Haute-Provence, reconnu par l’Unesco. Il cache des pépites géologiques et englobe des sites qui méritent d’être découverts. À commencer par Digne-les-Bains, la ville préfecture.
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Digne-les-Bains arbore plusieurs visages. Station thermale, comme son nom le laisse deviner, et capitale historique de la lavande, elle se structure en ville basse et haute. D’où la présence de deux cathédrales. En effet, la cité s’est d’abord établie là où s’élèvent Notre-Dame-du-Bourg, superbe édifice roman aux vitraux contemporains, et sa crypte archéologique avec les vestiges de l’implantation originelle.
Dès le 11e siècle, les habitants sont montés vers l’actuel quartier du Rochas et ses étroites ruelles en pente, protégé de remparts à partir du 13e siècle, dominé par le palais des évêques (qui est aujourd’hui une prison) et par la cathédrale Saint-Jérôme, de style néogothique avec une tour de l’horloge au joli campanile en fer forgé.
Au pied de la ville haute se trouve l’intéressant musée Gassendi, qui a la particularité de combiner beaux-arts, sciences naturelles et histoire. Exposant des œuvres contemporaines, il est le point de départ du circuit Refuge d’Art imaginé par l’illustre représentant du courant Land Art, le Britannique Andy Goldsworthy. Il a placé, le long des 150 km de cet itinéraire artistique traversant le Géoparc, ses sculptures conçues à partir de matériaux naturels locaux.
Pour une marche contemplative, il est également possible d’explorer le Musée-Promenade, à l’extérieur du centre de Digne. Il permet d’embrasser du regard toute la ville en grimpant le long de quatre sentiers faciles, jalonnés d’installations artistiques au cœur de la nature, dont certaines d’Andy Goldsworthy. Les parcours sont déclinés en thèmes : papillons, cairns, eau, avec une étonnante cascade faite de concrétions de calcaire et de mousses, et remparts.
Car, tout en haut, se dressent des murailles du 13e siècle protégeant un petit musée géologique avec ammonites et autres fossiles, dont les moulages d’ichtyosaures, poissons-lézards cousins des dinosaures. Une douzaine d’exemplaires a été mise au jour dans le coin : une densité rarissime !
Autre originalité de Digne, la maison musée d’Alexandra David-Néel, personnalité exceptionnelle qui fut la première femme occidentale à pénétrer à Lhassa, cité interdite et capitale du Tibet, en 1924, déguisée en mendiante. Un exploit survenu à l’issue d’un périple de 14 ans à travers l’Asie, alors que l’ancienne cantatrice parisienne, férue d’orientalisme et convertie au bouddhisme, ne devait partir, à l’origine, que 18 mois.
À son retour en France, elle finit par s’installer à Digne, tombant sous le charme, en 1928, d’un terrain doté d’un cabanon et d’une maison en ruines, face à des montagnes parsemées de fermes et hameaux lui rappelant les paysages tibétains. C’est là que cette intellectuelle féministe écrivit la majeure partie de son œuvre, permettant la diffusion de connaissances érudites sur le bouddhisme et l’Asie en général. Elle repartit en Chine en 1937, à 69 ans, et n’en revint qu’en 1946, bloquée par la Seconde Guerre mondiale. La bougeotte ne la quitta pas, puisqu’elle fit renouveler son passeport à 100 ans ! Mais elle mourut l’année suivante, en 1969…
On a pourtant l’impression qu’elle vient de s’absenter quand on suit le tour guidé de sa demeure, minutieusement restaurée, avec tous ses objets rapportés de voyage, son bureau, sa chambre, la pièce tibétaine. Mieux vaut d’abord passer par l’annexe-musée retraçant sa vie pour ensuite s’immerger dans son univers et terminer par son jardin, où elle aimait méditer.
Lire aussi notre dossier sur Alexandra David-Néel
Le Géoparc de Haute-Provence et ses trésors fossiles
L’incroyable richesse géologique de Digne et ses environs a incité, en 2000, l’Unesco à créer le Géoparc de Haute-Provence, premier du genre, qui a ensuite servi de modèles pour d’autres à travers le monde.
Couvrant environ 2 000 km² et une soixantaine de communes, c’est une entité qui met en valeur un patrimoine géologique de plus de 300 millions d’années, mais aussi les dimensions archéologique, historique, culturelle et écologique.
Les points d’intérêt se concentrent tout particulièrement le long de la vallée du Bès. La célèbre dalle aux ammonites est une extraordinaire entrée en matière : 1 550 fossiles sur 320 m², principalement l’espèce coroniceras multicostatum, dont la plus grosse atteint ici 70 cm de diamètre. Ces mollusques céphalopodes disparus en même temps que les dinosaures, il y a 66 millions d’années, ont vécu sur notre planète à partir de -400 millions d’années.
Découvert au moment de la construction de la route en 1903, ce plan incliné, très facile d’accès, résulte de l’accumulation de coquilles sur une période de 100 000 ans environ : il y a 196 millions d’années, c’était le fond de la mer, qui s’est ensuite soulevé lors de la formation des Alpes.
Depuis la rivière Bès, une randonnée permet de rejoindre l’ichtyosaure de la Robine : ce reptile marin fossilisé atteste de la présence très ancienne de la mer. Un peu plus loin surgit l’impressionnant vélodrome d'Esclangon, au relief circulaire dessiné lors de l’élévation des Alpes. Parmi ses nombreux plis, dépasse la surprenante lame de Facibelle, tel un aileron figé dans la roche, d’une hauteur de 50 m.
Le cours d’eau se prolonge par les Clues de Barles, des gorges aux strates remarquables et aux petites piscines naturelles.
Les Pénitents des Mées, curiosités géologiques de Haute-Provence
Plus récemment intégré au Géoparc, le charmant village des Mées, déjà réputé pour son huile d’olive, doit cet honneur à ses étranges Pénitents. Ils ressemblent à un alignement de moines vêtus d’une robe de bure. Selon la légende, ils auraient été pétrifiés pour avoir regardé avec un peu trop d’insistance de belles femmes…
Il s’agit, d’un point de vue géologique, d’un conglomérat de galets, grès, argile et sable soudés entre eux après un phénomène de charriage par des cours d’eau. En résulte une roche très friable appelée poudingue et qui s’accumule sur 1 km de long et 100 m de haut. Un chemin permet de faire le tour de ces falaises pyramidales et de monter à leurs sommets. Depuis la crête, le panorama sur le village et la vallée de la Durance est sublime.
Toujours près de cette rivière est installée une abbaye qui abrite le prieuré de Ganagobie. Les moines (en chair et en os cette fois !) y résident toujours et on ne visite donc que l’église romane, avec sa magnifique mosaïque du 12e siècle et ses vitraux modernes. La balade sur le plateau verdoyant alentour vaut le détour.
Lac de Sainte-Croix, bleu d’artifice
Situé au cœur du parc naturel régional du Verdon, au sud de Digne-les-Bains, le lac de Sainte-Croix fascine par ses eaux turquoise que l’on admire depuis les villages perchés sur ses rives, comme Sainte-Croix-du-Verdon, posé à 513 m d’altitude, avec son église du 16e siècle et les ruines de son château médiéval.
Autre joyau local : Moustiers-Sainte-Marie, dont la renommée vient de la faïence, très prisée au 17e siècle, notamment par Louis XIV. Ses ruelles escarpées, ses vénérables platanes et le ruisseau qui dévale au pied de l’église séduisent les promeneurs. Les plus courageux poursuivent l’ascension jusqu’à la chapelle Notre-Dame-de-Beauvoir, via un petit pont qui enjambe le vide entre deux falaises. Sur chaque paroi de pierre sont fixées les deux extrémités d’une longue chaîne à laquelle est accrochée une étoile qui semble veiller sur les habitants.
Ces deux localités furent épargnées par la montée des eaux, de 1973 et 1975, quand le barrage a été mis en fonctionnement. Contrairement aux Salles-sur-Verdon, qui étaient dans la plaine inondée et ont dû être déplacées plus haut. En effet, 767 millions de mètres cubes ont englouti la vallée, créant la quatrième retenue artificielle d’eau en France, dont la surface avoisine les 22 km². On peut s’y baigner et pratiquer de nombreuses activités nautiques : voile, kayak, canoë, stand-up paddle, aviron, etc.
Vallée de Blanche Serre-Ponçon, la mer à la montagne
Direction le nord de Digne. La Vallée de Blanche Serre-Ponçon tient son nom de la rivière la Blanche et du lac artificiel de Serre-Ponçon, lui aussi spot incontournable pour s’adonner au nautisme… en plein milieu montagnard. Quel contraste saisissant ! Le paysage est splendide.
La vue n’est pas mal non plus depuis la citadelle Vauban de Seyne-les-Alpes : un belvédère à 360 degrés sur la vallée et les sommets de part et d’autre. D’où sa position longtemps idéale pour surveiller les frontières du royaume de France. Si bien que pour contrer l’hostilité du Duc de Savoie, dont le territoire était de l'autre côté des crêtes, Vauban fut chargé, à la toute fin du 17e siècle, de renforcer le système déjà existant avec l’enceinte autour du village de Seyne, gardé par une tour de guet depuis le 13e siècle au moins.
Celle-ci est toujours debout, avec ses 12 m, plantée tout en haut de la citadelle qu’une association de bénévoles restaurent depuis les années 1980. Ils transmettent leur passion lors des visites guidées très complètes, décrivant avec moult détails l’histoire et l’organisation de l’ouvrage militaire qui ne fut jamais attaqué.
Seyne entretient un autre type de patrimoine : l’élevage des mulets, issus du croisement entre un âne et une jument. À quelques encablures de la bourgade, une agréable randonnée le long de l’étroite vallée de la Blanche mène à la source de cette rivière, près de la cabane des mulets, à plus de 1 700 m d’altitude : c’est à la fois un refuge pour marcheurs, bergers et troupeaux.
La contre-plongée sur les arrêtes dentelées de Roche Close, culminant à 2 700 m, est saisissante. Le regard est également attiré par les chamois et les marmottes qui vivent dans ces alpages.
Fiche pratique
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Site de l’office du tourisme des Alpes de Haute-Provence
Site de l’office du tourisme de Digne-les-Bains
Site du Géoparc de Haute-Provence
Comment y aller ?
- En train : TGV jusqu’à Aix-en-Provence ou Nice. Toute l’année, 4 allers-retours quotidiens entre Digne et Nice, pour un trajet de 3 h 20.
- En bus : des lignes de car relient Digne-les-Bains à Aix-en-Provence, Marseille, Avignon, Grenoble, Gap et Nice.
Où dormir ?
- Domaine de l'Adoux : La Miande, 04140 Montclar. Tél. : 04 92 32 51 42. Chambre double : à partir de 98 €. Installé sous les pins, près du lac de Serre-Ponçon, cet hôtel trois étoiles aux allures de chalet abrite, entre le bâtiment principal et l’annexe, 33 chambres cosy et fonctionnelles, où le bois clair domine. Les hôtes ont accès gratuitement à la piscine couverte et à l’espace bien-être avec sauna et hammam. Restaurant et bar sont tout aussi conviviaux, avec terrasse, véranda et coin cheminée, en fonction de la saison…
- Para Loù : Route de Moustiers, 04500 Sainte-Croix-du-Verdon. Tél. : 04 92 77 73 63. Chambre double : 112 € avec petit déj. Le terrain de deux hectares accueille quatre chambres d’hôtes (partageant cuisine et salon avec cheminée) et deux gîtes pour deux à six personnes, bien équipés, à la déco classique. Sans oublier la roulotte climatisée (avec salle de bains et w.-c.), un peu à l’écart, près de la piscine panoramique, toutes deux dominant le lac de Sainte-Croix. Hamacs, ping-pong, jeux pour enfants, terrains de pétanque, volley et badminton complètent le tableau.
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Où manger ?
- Nusa : 10, avenue du Maréchal Juin, 04000 Digne-les-Bains. Tél. : 04 92 83 79 24. Du mardi au vendredi (et le samedi en été) de 9 h 30 à 18 h. Plats : 13-15 €. Juste en face de la maison-musée d’Alexandra David-Néel, ce petit « café et bien-être », comme il se définit, propose une délicieuse cuisine végétale et locale : bol avec riz et légumes, toast ou tartine suivant les saisons.
- Bistrot Au Goût du Jour : Chemin du Lac, 04160 Château-Arnoux. Tél. : 04 92 64 48 48. Du vendredi au mardi, midi et soir. Menu du jour : 19,50 €. Plats : 14,50-17 €. La Bonne Étape, ancien relais de poste du 18e s, héberge aujourd’hui un hôtel 4 étoiles, le restaurant gastronomique de Jany Gleize et son bistro avec des plats du terroir inspirés par le marché et le vaste potager du chef : millefeuille d'aubergine, tartare de tomates, herbes fraîches du jardin et fromage frais ; magret de canard rôti à la fumée de thym ; poisson et risotto au parmesan ; et, pour finir, tarte aux fruits de saison.
Texte : Stéphanie Condis
Mise en ligne :