Rhodes, la Grèce aux confins de l’Europe
À 3-4 h de vol de la plupart des villes d’Europe, Rhodes est sans conteste la porte d’entrée de l’Orient. Au cœur d’importants échanges économiques et culturels depuis l’Antiquité, cette île verte, que le dieu solaire Hélios s’appropria à l’issue d’une bataille entre titans (c’est bon signe pour passer ses vacances), offre en réalité deux visages bien distincts.
Il y a d’abord la Rhodes « touristique », avec une tripatouillée d’hôtels, de restos, de bars et de boîtes de nuits et juste ce qu’il faut de « culturel » pour s’en mettre plein les yeux après avoir rentabilisé son tatouage, allongé toute la journée sur la plage… Et puis la Rhodes plus intimiste, celle de l’intérieur, des petits villages endormis dans l’histoire, des forêts de pins d’Alep et des chemins de rando.
À cela il faut ajouter deux tropismes typiquement rhodiens : celui d’une côte est, assez bétonnée, où les complexes hôteliers à l’architecture souvent discutable bordent des plages abritées du vent. Et celui d’une côte ouest, plus sauvage et surtout plus ventée (le Meltem y règne en maître de juin à fin août), paradis des kitesurfeurs.
Quoi qu’il en soit, Rhodes demeure une destination vacances toute trouvée car sa saisonnalité, qui s’échelonne d’avril à octobre, compte parmi l’une des plus larges du bassin méditerranéen.
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Classée au Patrimoine de l’Unesco depuis 1988, la ville médiévale de Rhodes, abritée par de puissants remparts, est l’une des mieux conservées de Méditerranée. Un vrai régal pour les yeux, quand bien même la sensation d’étouffoir est bien présente en plein cœur de l’été. En août, des essaims de visiteurs de toutes nationalités butinent les boutiques à longueur de journée. Là un glacier, ici un fourreur, plus loin un antique café ottoman, un marchand de fripe, la vérité !
Heureusement, à Rhodes, la plage n’est jamais très loin. Et puis il y a la fraîcheur des salles climatisées du Musée archéologique, qui retrace 2 400 ans d’histoire, sans oublier les terrasses ombragées par de grands ficus où il est délicieux de suçoter l’écume d’un café turc (euh… pardon… grec !) devant les restes d’un hammam ou d’une mosquée.
Car, dans la vieille ville de Rhodes, l’empire ottoman, qui s’est emparé d’elle en 1522 pour ne la lâcher qu’en 1912, a laissé de nombreuses traces : dans l’architecture, dans la cuisine, dans la manière qu’ont ses habitants de laisser filer les heures… Car oui, à l’instar de Jérusalem, Rhodes possède l’une des rares villes médiévales au monde qui soit encore habitée et bien vivante !
Aussi faut-il savoir se perdre dans ses ruelles pavées de têtes de chat (galets), en restant attentif aux détails qui ont émaillé sa longue histoire : une colonnade dorique, une croix de marbre enkystée dans un mur, un oculus, une grille en fer forgé, un heurtoir… De la haute Antiquité à la période ottomane, l’architecture de Rhodes conjugue à merveille le style égéen des habitations au gothique de la période franque, les galeries voûtées des vénitiens aux encorbellements de bois de l’architecture musulmane.
Rhodes nouvelle, la ville rêvée de Mussolini
En dehors de la ville médiévale et de ses remparts, Rhodes-City offre deux visages. Au sud, la ville étale ses banlieues jusqu’aux premières pinèdes qui signent la transition avec l’intérieur de l’île. C’est là que vit la grande majorité des îliens. À la pointe nord des remparts s’étend la ville « touristique », un enchevêtrement désordonné d’hôtels et de restos animés de jour comme de nuit en pleine saison. Un univers totalement dépourvu d’âme, mais toujours à un jet de pierre d’une plage de galets.
C’est néanmoins dans cette partie qu’ont œuvré les plus grands architectes romains des années 1920-1930. Leur objectif : faire de Rhodes (à l’instar de Kos), un modèle d’urbanité, en redessinant les espaces publics et en construisant de remarquables bâtiments inspirés des canons de l’Antiquité, de la Renaissance et de l’Art déco.
Il s’agissait pour l’Italie fasciste, qui avait ravi Rhodes à l’empire ottoman 10 ans avant l’arrivée au pouvoir de Mussolini en 1922, d’affirmer son « occidentalité » en gommant le côté « oriental » de la ville. Dans la vieille ville, le palais des Grands Maîtres fut réaménagé dans un style monumental par les architectes fascistes. Ainsi furent construits de nouvelles églises et des bâtiments officiels dans le but de glorifier l’idéologie mussolinienne.
Ultramodernistes, rationalistes et adeptes du novecento s’en donnèrent alors à cœur-joie pour redonner à Rhodes l’aspect d’une ville moderne, structurée et tournée vers l’avenir, comme en témoignent encore aujourd’hui des réalisations comme le Foro Italico, le palais du gouverneur, le théâtre national ou encore – situé à la pointe nord de l’île – , l’aquarium de la ville.
Côte est de Rhodes : à l’abri des caprices d’Éole
Bien à l’abri des fureurs du Meltem, le vent thermique de secteur nord-ouest qui balaye l’île de juin à fin août, la côte est de Rhodes égraine un chapelet quasi-continu de programmes immobiliers à vocation touristique qui tend à s’essouffler à mesure que l’on avance vers le sud.
Pas de quoi en faire une feta. Des plages de galets nappées de transats et de parasols accueillent, à la belle saison, les armées de vacanciers d’Europe du Nord et de l’Est en quête de vitamine D. Cependant, cette côte recèle un véritable bijou : la ville de Lindos. Une cité mythique, puisque c’est sur sa plage qu’aurait débarqué saint Paul lors du voyage qui le conduisit de Milet à Jérusalem.
Lindos n’est pas sans évoquer les Cyclades. Avec ses ruelles tortueuses, ses murs blanchis à la chaux et ses lourdes portes de bois, la patrie de Cléobule (l’un des 7 sages de l’Antiquité à qui l’on doit la citation « la modération est la meilleure des choses ») sert d’écrin au piton rocheux sur lequel se dresse le temple d’Athéna Lyndia (4e s av. J.-C.).
Son unité architecturale, son emplacement, son histoire, son ambiance et un soleil globalement plus généreux qu’ailleurs, ont fait de Lindos « the place to be » du Dodécanèse. Résultat : nombre de célébrités et d’artistes y ont une résidence secondaire. Alors ne soyez pas surpris si vous y croisez David Gilmour, le chanteur et guitariste de Pink Floyd !
Côte ouest de Rhodes : un œil sur la Turquie
Contrairement à la côte est, la façade ouest de l’île de Rhodes est exposée au Meltem. Si vous n’êtes pas adepte du kitesurf, mieux vaut bien vérifier l’adresse de votre hébergement car les plages sont ventées (doux euphémisme, puisqu’en été, Éole peut souffler jusqu’à 8 Beaufort), dotant par la même occasion les plages d’une laisse de mer assez conséquente.
Néanmoins quelques sites anciens méritent le détour, comme celui de l’ancienne Kamiros (34 km au sud-ouest de Rhodes-City), l’une des 3 cités anciennes de l’île avec Ialyssos et Lindos. Le site connut son apogée entre la période archaïque (4e s av. J.-C.) et la période hellénistique (4e s-2 s av. J.-C.) et se déploie aujourd’hui en amphithéâtre sur un coteau orienté vers la mer. Entre autres ruines, on y remarque les restes d’un temple dorique dédié à Apollon.
Une bonne vingtaine de kilomètres plus au sud, le château de Kritinia mérite aussi une petite halte. Si la ville de Kritinia en elle-même aurait, selon la légende, été fondée par le petit fils du crétois Minos en personne, le château qui la domine a bel et bien été construit par les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem à la fin du 15e s.
En balcon sur la mer, il est encore bien conservé et offre un panorama époustouflant particulièrement apprécié par les amateurs de selfies romantiques au soleil couchant. Sinon pas grand-chose d’autre à y faire, à part y reprendre son souffle si vous y êtes montés à pied. Mis à part quelques blasons enkystés dans les murs, dont celui du Grand-Maître Emery d’Amboise (1434-1512), il est d’une sobriété toute franque.
Le sud de Rhodes, l’Afrique en ligne de mire
C’est, pour nous, avec le cœur vert et les montagnes du centre, la partie la plus intéressante de l’île. Primo parce que la pression touristique s’efface à mesure que la route plonge vers le sud et, secundo, par la diversité de paysages qu’il offre. Côte est, les derniers soubresauts de « bétonnite » qui enlaidit la côte nord s’arrêtent à Gennadi. Côte ouest, c’est à partir de Monolithos que la route devient plus sauvage.
Si à l’extrême sud le tombolo de Prassonissi attire toujours autant d’amateurs de sport de glisse (funboardeurs et kitesurfeurs réunis), l’arrière-pays ainsi que les côtes décharnées qui le délimitent, n’en sont pas moins dignes d’intérêt car elles offrent des plages le plus souvent désertes.
À 3 km au sud-ouest du village de Monolithos se dresse la forteresse éponyme. Perchée sur un rocher à 236 m au-dessus du niveau de la mer, cette forteresse vénitienne, déjà connue comme place forte à l’époque byzantine, fut érigée par le grand-maître d’Aubusson en 1476 dans le but de surveiller la partie occidentale de la côte méridionale de l’île. Là-haut (bonne grimpette en perspective), petite église byzantine dédié à saint Pantéléon.
Les petits villages du « sud-intérieur » méritent aussi quelques arrêts. Reliés entre eux par des petites routes qui tournicotent à l’envi, ils comptent encore parmi ces adresses épargnées par le tourisme de masse dont les habitants vous saluent de la main lorsque vous faites irruption en scooter dans leur petit monde.
C’est alors l’occasion d’une halte bienfaitrice pour tester la gastronomie locale : fromage, miel, boulettes de pois chiches frites, escargots, feuilles de vignes et légumes farcis, sans oublier les viandes, avec une préférence pour le chevreau, préparé à la tomate et cuit à l’étouffé.
Le centre de l’île, ou quand Rhodes passe au vert
Avec deux bons gros massifs calcaires culminant respectivement à 1 215 m pour le mont Attavyros et à 641 m pour le mont Profitis Ilias, Rhodes est loin d’être une île plate. L’intérieur est une succession de vallons cultivés et de collines verdoyantes que relie un lacis de petites routes de campagne.
Cet environnement bucolique et 300 jours d’ensoleillement annuels n’ont bien sûr pas échappé à l’administration fasciste des années 1920-1930 qui s’était mise en tête de faire de l’intérieur de l’île un modèle en termes de production agricole doublé d’un lieu de villégiature idéal pour les sbires les plus méritants du régime. Le Duce en personne y avait même fait construire une villa en prévision de ses vieux jours. Elle est aujourd’hui à moitié ruinée et l’État grec l’a mise en vente pour éponger une partie de sa dette !
Eleoussa, Platania, Apollona, Laerma, Agios Isidoros et Embonas sont autant de villages où il fait bon faire escale. Par endroit, on se croirait presque en Suisse ! De nombreux sentiers de randonnées partent à l’assaut des pinèdes vers de croquignolettes églises byzantines, un ancien sanatorium (Eleoussa) ou des vallons plantés de vignes (on vinifie ici le fameux retsina, un vin blanc infusé à la résine de pin, caractéristique de Rhodes). Point d’orgue du désir de crapahute, l’ascension du mont Attavyros (ne pas oublier sa petite laine, car ça décoiffe grave une fois arrivé au sommet).
Pour le reste, l’intérieur de l’île se parcourt aisément en deux-roues. Peu de circulation, comparé aux routes côtières (dangereuses, elles, à cause de l’intense trafic et surtout du vent qui souffle en bourrasque). Qui plus est, chaque village possède au moins une taverne où il fait bon s’attabler pour découvrir la gastronomie locale, comme à la taverna Paraga d’Apollona qui réinvente les recettes ancestrales avec juste ce qu’il faut d’originalité pour échapper à la branchitude.
Fiche pratique
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Quand y aller ?
Forte de ses 300 jours d’ensoleillement annuels, Rhodes possède l’une des saisonnalités touristiques les plus étendues du bassin méditerranéen. Reste ensuite à choisir la période en fonction de ses envies. Pour le funboard et le kitesurf, juin-août fera l’affaire (c’est là que le Meltem souffle le plus fort). Pour la plage, on optera plutôt pour juin-octobre en choisissant de préférence la côte est, à cause du vent.
Les randonneurs éviteront les mois d’été pour échapper à la canicule. Le printemps leur permettra de voir la campagne en fleur, tandis que l’automne leur autorisera une petite baignade en fin de journée (la mer est plus chaude en octobre qu’en mai).
Les amateurs de vieilles pierres pourront y aller toute l’année.
Comment y aller ?
Pour l’avant et l’après saison, il faut transiter par Athènes et voyager avec Aegean.
De nombreuses liaisons low-cost sont assurées à partir des principales villes d’Europe d’avril à fin octobre. Parmi elles, citons celles opérées par Ryanair (depuis Bruxelles-Charleroi, Marseille) ; Volotea (depuis Lyon, Paris-CDG) ; Transavia (depuis Lyon, Nantes, Paris-Orly) ; Easyjet (depuis Paris-Orly, Lyon, Bordeaux). Trouvez votre billet d(avion.
On peut aussi se rendre à Rhodes en ferry depuis Le Pirée ou Héraklion, mais ce n’est pas moins cher que l’avion.
Se déplacer ?
On se déplace aisément en bus. Il existe même des forfaits à la journée, sur 3 jours et une semaine pour les bus de Rhodes-city (bus Roda). Certains bus urbains poussent même jusque dans la vallée des papillons. Pour le reste de l’île, bus KTEL pour la côte est, bus Roda pour la côte ouest et l’aéroport.
Pour louer un deux-roues, l’agence Margaritis (17, odos Kazouli : tél.: 22 41 03 74 20) propose des contrats qui tiennent bien la route. Large panel de machines bien entretenues, livrées avec casque et assurance (présenter son permis de conduire en revanche).
Où dormir ? Où manger ?
Parmi nos bonnes adresses à Rhodes-City, citons Anastasia Hotel dans la ville nouvelle, ou encore Domus Studios Hotel dans la ville médiévale ; Art Falafel George & Maria (16, odos Mandilara) ; 4 Rodies (29, odos Kanada) ou encore Niohori Restaurant (angle Kathopouli/Kazouli).
Dans le reste de l’île : Hôtel Elafos à Profitis Ilias ; Nymph Hotel à Salakos ; Thomas Hotel à Monolithos ; Taverna Paraga à Apollona.
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Texte : Eric Milet
Mise en ligne :