Portugal : l’Alentejo, terre et mer

Que voir dans l'Alentejo ?

Vu de Lisbonne, l’Alentejo est la région au-delà du Tage (« Alem do Tejo »), située entre la capitale au nord et l’Algarve au sud. Aussi étendu que la Belgique, ce territoire – le plus vaste du Portugal – recouvre le tiers du pays, tout en n’abritant que 5 % de sa population. C’est une région rurale, sillonnée par de petites routes et en dehors des sentiers battus, où l’on découvre l’un des visages authentiques du Portugal.

Peu peuplé, l’Alentejo a de quoi séduire les amateurs de grands espaces avec, à l’intérieur des terres, des paysages de plaines et de collines ondulant à l’infini, recouvertes d’oliviers, de vignes, d’arbres fruitiers, de pâturages, de forêts de chênes-lièges et de champs de blé. Garde-manger du Portugal, la région produit aussi près de la moitié du liège mondial ! Et, au printemps, recouverte de fleurs, elle offre au regard une superbe explosion de couleurs.

Faiblement urbanisé, l’Alentejo compte toutefois quelques petites villes souvent fortifiées et des merveilles de villages perchés veillant, du haut de leur nid d’aigle, sur ce territoire jadis convoité par l’ennemi castillan. Son histoire souvent tumultueuse – l’Alentejo a été une zone d’affrontement entre Portugais, Castillans et Maures – lui a légué un patrimoine architectural particulièrement riche.

Enfin, côté mer, hormis le port industriel de Sines, l’Alentejo demeure tout aussi protégé, à mille lieues de la bétonisation et du tourisme de masse. Le long de la côte de l’Atlantique, un immense ruban de sable invite à la baignade et à la contemplation de l’immensité de l’océan.

Évora, un voyage dans le temps

Un temple romain du II^e s., aux colonnes et chapiteaux corinthiens encore intacts, au Portugal ? Ça existe, à Évora, la plus grande ville de l’Alentejo (56 000 hab.), située à 1 h 20 de route au sud-est de Lisbonne. Avec plus de 20 siècles d’histoire, cette cité fortifiée, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est l’une des plus belles du Portugal.

Ancienne ville royale, au XV et au XVI^e s., Évora a conservé un patrimoine exceptionnel que l’on découvre avec plaisir en déambulant à pied dans ses ruelles pavées. Outre son emblématique temple, la ville séduit le promeneur avec ses vénérables palais et demeures colorées, mais aussi sa monumentale cathédrale (Sé), érigée au XIII^e s., qui est la plus grande du Portugal. Faisant la transition entre roman et gothique, elle recèle de nombreux trésors, dont un magnifique chœur baroque en marbre, un cloître gothique et une étonnante Vierge polychrome enceinte.

Autres édifices religieux majeurs d’Évora, l’église et le monastère Sao Francisco méritent également le détour pour une curiosité quelque peu macabre : la capela dos Ossos (« chapelle des os ») dont les murs et les piliers sont recouverts des ossements (crânes et tibias) de quelque 5 000 personnes. Un memento mori des plus efficaces…

Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’atmosphère d’Évora, avec quelque 8 000 étudiants, est loin d’être funèbre ! Siège de l’une des universités les plus anciennes et plus belles du Portugal (à visiter absolument), la ville est particulièrement animée pendant l’année scolaire et jusqu’à tard. Faites donc un tour en soirée du côté des arcades de la belle Praça do Giraldo, au cœur de la ville, ou dans les ruelles adjacentes (Alcarcova de Baixo, 5 de Outobro) !

Elvas : une forteresse face à la Castille

Située à une dizaine de kilomètres de l’Espagne et à 1 h de route d’Evora, Elvas, perchée sur une éminence, compte parmi les cités fortifiées les mieux conservées du monde, avec le plus grand « système défensif de remparts à douves sèches ». Elle est d’ailleurs inscrite à ce titre au patrimoine mondial de l’Unesco.

Construite en étoile à partir du XVII^e s. sur le modèle de Vauban, la forteresse enserre toujours la vieille ville que l’on rejoint par trois portes fortifiées. Elle fut érigée au moment de la restauration de l’indépendance du Portugal pour résister aux assauts des Castillans.

Juste à côté s’élève l’aqueduc de Amoreira, l’un des plus hauts d’Europe, qui servait à alimenter Elvas en eau lorsque la ville était en état de siège. Le dispositif défensif est complété par deux forts : le forte Santa Luzia (17^e s.) et le forte da Graça (18^e s.) qui offre une vue magnifique sur la région et jusqu’à la ville espagnole de Badajoz.

Elvas se révèle pleine de charme avec son lacis de ruelles bordées de demeures blanches menant vers la Praça da Republica où s’élève la cathédrale. De là, on continue via une ruelle vers le largo Santa Clara où se trouve un pilori manuélin, avant de rejoindre l’esplanade du château édifié par les Maures et remanié par la suite. Avec un superbe panorama pour récompense…

Monsaraz : nid d’aigle sous la voûte étoilée

En redescendant vers le sud depuis Elvas, on rejoint par des petites routes l’une des régions les plus rurales et isolées de l’Alentejo, quand surgit, comme un navire échoué au sommet d’un petit éperon rocheux, un village tout blanc surmonté d’une forteresse.

Bienvenue à Monsaraz (700 hab.), l’un des plus beaux villages fortifiés du Portugal, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-est d’Évora. Nid d’aigle imprenable juché à 300 m d’altitude au-dessus de la plaine, il offre un point de vue à 360° sur les environs, ce qui l’a protégé des assauts au cours de l’histoire.

Aujourd’hui, il est plutôt assailli par les touristes en journée l’été, mais reste calme en soirée et hors saison. L’occasion de déambuler dans ses ruelles pavées aux maisons d’une blancheur éclatante et d’admirer ses demeures seigneuriales aux balcons en fer forgé. Au bout du village, le château fort et son chemin de ronde jouissent d’un magnifique panorama sur les oliviers, le vignoble de Reguengos et l’un des plus grands lacs artificiels d’Europe.

Une véritable petite mer intérieure de 250 km² que ce lac d’Alqueva ! Il a été créé en 2004 avec la construction du barrage du même nom pour irriguer les terres, mais aussi fournir de l’eau potable et de l’électricité aux villages de la région. En été, on peut s’y baigner tout près du Centro nautico de Monsaraz, mais aussi faire de petites croisières sur le lac, louer des canoës ou des bateaux à pédales. Idéal quand le thermomètre voisine avec les 40 °C…

Mértola : melting-pot alentejan

Tout au sud de l’Alentejo, à quelques kilomètres de l’Algarve et de l’Espagne, un autre joyau évoque un pan de l’histoire portugaise : Mértola (7 000 hab.), qui fut aux XI^e et XII^e s. la capitale d’un royaume musulman fondé par Ahmad ibn Qasi. La ville, dont le nom vient de l’arabe, fut reprise en 1292 par les chrétiens qui en firent le premier siège des chevaliers de l’ordre de Santiago.

Perché au sommet d’un piton rocheux dominant la vallée du fleuve Guadiana, au cœur d’un paysage ponctué d’oliviers et de chênes-lièges, Mértola la blanche garde des traces de son passé maure. Ainsi, l’étonnante Igreja Matriz a conservé son plan et son architecture intérieure d’ancienne mosquée.

Au fil de ses tortueuses ruelles, Mértola dévoile un vrai melting-pot culturel : fouilles d’un ancien quartier musulman, musée d’Art islamique, musée d’Art sacré, fondations d’une maison romaine et d’une basilique paléochrétienne…

Au sommet de ce mille-feuille temporel trône un imposant château fort bâti par les Arabes, puis remanié par les chevaliers chrétiens. Du donjon, on embrasse du regard les maisons chaulées au toit de tuiles de Mértola, la rio Guadiana et sa faille, et les collines de ce beau coin de l’Alentejo.

Côte alentejane : Vila Nova de Milfontes, l’escale authentique

Le long de la côte Atlantique, l’Alentejo donne à voir un tout autre visage. Séparé du reste de la région par un léger relief, le littoral, qui s’étend sur plus de 150 km, est précédé de belles pinèdes, lui donnant un air méridional. Mais ce sont surtout ses immenses plages de sable (85 km en tout) qui séduisent le visiteur.

Si certaines sont aménagées, la plupart des plages restent sauvages et préservées. Une bonne moitié du littoral (entre Sines et l’Algarve) est d’ailleurs protégée par le parc naturel du Sud-Ouest alentejan et de la côte Vicentine, qui s’étend sur 75 000 hectares et près de 100 km.

Un itinéraire de randonnée, la Rota Vicentina, permet de découvrir la région à pied, notamment le sentier des Pêcheurs qui longe la côte. Les paysages, magnifiques, alternent falaises ocre enserrant des anses secrètes et grandes plages de sable protégées par les dunes. De belles étendues sauvages prisées par les oiseaux et plus particulièrement les cigognes !

Admirablement situé à l’embouchure du Rio Mira, le village de pêcheurs de Vila Nova de Milfontes constitue un excellent point de chute dans le coin, avec son atmosphère bon enfant, ses ruelles bordées de coquettes maisons blanches, son fort dominant la rivière et son phare défiant l’océan. On est bien loin ici du tourisme de masse de l’Algarve…

À proximité, quelques jolies plages invitent à poser sa serviette, comme la Praia das Furnas de l’autre côté de l’estuaire, la sauvage Praia do Malhão (en partie naturiste) ou celle d’Almograve prisée des surfeurs. À la fin de la journée, le cap Sardão (à 20 km de Vila Nova), avec ses spectaculaires falaises plongeant dans l’Atlantique, est un spot privilégié pour assister à de superbes couchers de soleil.

Cote alentejane : de la praia da Galé à Comporta, l’Atlantique fait son show

Un peu moins sauvage et plus proche de Lisbonne, la partie nord de la côte alentejane possède, elle aussi, de magnifiques plages où l’on peut se baigner et pratiquer le surf. D’infinis rubans de sable s’étendent sur des kilomètres le long de l’Atlantique, entre le port de Sines et l’estuaire du Sado, où s’achève le littoral de l’Alentejo.

La plus belle d’entre elles est incontestablement la praia da Galé – Fontainhas, située à proximité de Melides. Vraiment exceptionnelle, elle est bordée de hautes falaises orangées dans lesquelles l’érosion a sculpté des cheminées de fées rappelant des paysages de l’Ouest américain !

La même impression d’immensité étreint le visiteur qui se rend du côté de Comporta, un coin qui n’est pas avare en plages de rêve. D’ailleurs, depuis quelques années, ce petit village, qui ne paie pas de mine, est devenu l’un des spots prisés par les beautiful people, de Madonna à Christian Louboutin, en passant par Carla Bruni, Harrison Ford, les Casiraghi…

Pourtant, hormis quelques discrètes boutiques de luxe, Comporta n’a rien de bling bling. Au contraire, l’endroit est plutôt rustique et sauvage, avec ses plages de sable fin ponctuées de rares parasols, ses forêts de pins parsemées de cactus, ses marais salants et ses rizières qui lui donnent des airs d’Asie du Sud-Est ou de Camargue. Cette discrète simplicité est sans doute le comble du chic.