Barcelone et la Catalogne, sur les traces de Lluís Domènech i Montaner

Barcelone et la Catalogne, sur les traces de Lluís Domènech i Montaner
Hôpital de la Santa Creu i Sant Pau © Mistervlad - stock.adobe.com

Antoni Gaudí (1852-1926) n’est pas le seul sur le créneau du modernisme catalan, l’Art nouveau à la sauce espagnole. Lluís Domènech i Montaner (1850-1923), dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la mort, n’a pas fait que sertir Barcelone de bâtiments foisonnant de mosaïques et de motifs floraux : cet intellectuel très en vue et engagé politiquement a également tenté de théoriser sa pensée architecturale dans son ouvrage À la recherche d'une architecture nationale (1878).

Père du modernisme catalan, il fut professeur et directeur de l’école d’architecture qui vit défiler Antoni Gaudí, Josep Puig i Cadafalch (1867-1956) ou Josep Maria Jujol (1879-1949). On lui doit, rien qu’à Barcelone, quelques joyaux où se pressent des visiteurs avides de féeries décoratives, d’allégories d’albâtre et autre ornementation polychrome. Palau de la Música Catalana, Recinte modernista de Sant Pau, des casas rivalisant de verrières et de faïences, mais aussi, à portée de train régional, d’autres projets régionaux.

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Le Palau de la Música Catalana à Barcelone

Le Palau de la Música Catalana à Barcelone
Palau de la Música Catalana © mitzo_bs - stock.adobe.com

Commandé à Domènech i Montaner par l’Orfeó Català, le Palau de la Música Catalana a été érigé dans le quartier de la Ribera tandis que de nombreux choristes, ouvriers textile la journée, y habitaient. Construit entre 1905 et 1908, il fut fort logiquement inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco le 4 décembre 1997.

Les yeux écarquillés, on détaille sur la façade les sculptures d’un fidèle de l’architecte, Miquel Blay et les bustes, dressés comme des pinacles, de Bach, Beethoven, Palestrina et Wagner, que l’on doit à Eusebi Arnau, un autre dévoué à Domènech i Montaner. Mais le vrai spectacle se trouve derrière la porte tambour : à l’intérieur, tout n’est que courbures et on ne s’amusera pas à contredire le poète Joan Maragall, une autre fierté locale, qui y voyait un « jardin de pierre ».

Palau de la Música Catalana - salle de concert © mitzo_bs - stock.adobe.com

La salle de concert reste la star de cette pépinière. Pas surprenant quand on est couronné d’une si belle coupole. Les bleus se noient dans les verts et composent de gracieux visages. Tout autour, des parterres de roses (400 !) encadrent joliment la salle qui peut également s’enorgueillir de superbes colonnes s’ouvrant comme des cocotiers.

L’orgue de style romantique, 3 772 tuyaux au compteur, surplombe la scène patronnée par deux bustes : l’un de Josep Anselm Clavé, père du chant choral catalan ; l’autre de Ludwig van Beethoven, décidément incontournable. Rassurez-vous, vous pourrez reprendre vos esprits sur le grand balcon du premier étage. Quoique. Car, là encore, vous risquez d’être estomaqué par les colonnes maculées de mosaïques végétales en trencadis.

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Le mur de scène est constellé de 18 figures féminines, 18 muses à instruments censées imager la musique sous toutes ses formes. Le Palau de la Música Catalana organise plusieurs conférences et concerts pour fêter les 100 ans de la mort de son architecte. Le programme est ici.

Recinte modernista de Sant Pau et hôpital de la Santa Creu i Sant Pau à Barcelone

Recinte modernista de Sant Pau et hôpital de la Santa Creu i Sant Pau à Barcelone
Bâtiment de l'hôpital de la Santa Creu i Sant Pau © TOimages - stock.adobe.com

Inauguré en 1930, après le décès de l’architecte, le nouvel hôpital de Sant Pau, au bout de l’avenue Gaudí, constitue le plus grand ensemble d’architecture civile du modernisme catalan. Inscrit depuis 1997 au patrimoine mondial de l’Unesco, il égrène ses 27 pavillons d’infirmerie raccordés par des tunnels et ceints de jardins. Douze de ces bâtiments se visitent (ou s’observent de l’extérieur – le parcours officiel comporte neuf spots).

On commence la visite par une salle hypostyle, soubassement de brique et de céramique du Pavillon de l’Administration, qui distribue l’ensemble des tunnels. Le Pavillon de Sant Salvador, le premier à avoir accueilli des malades dès 1916, déploie aujourd’hui une installation plutôt massive qui retrace notamment les travaux de Domènech i Montaner.

Direction les jardins, essentiels pour la santé des patients selon le projet de l’architecte. De là, on prend le temps d’étudier la façade et les balcons de la Maison des Opérations avant de pénétrer dans le Pavillon de Sant Rafael qui recrée une infirmerie et revient sur son fonctionnement dans les années 1920. Juste avant de s’engouffrer dans le Pavillon de l’Administration, on peut se perdre dans les galeries souterraines ou décortiquer l’espace brut du Purissima Pavilion.

Plafond céramique et galerie - Hôpital de la Santa Creu i Sant Pau © Florent Oumehdi

Ce n’est pas faire ombrage aux autres que de reconnaître la prévalence du Pavillon de l’Administration dans ce somptueux panorama. Sa façade principale est gardée par un monument hommage à Pau Gil, le banquier et mécène de Sant Pau, réalisée par Eusebi Arnau.

Chaque porte est, elle, flanquée d’une sculpture représentant une vertu, œuvre de Pau Gargallo. À l’intérieur, admirez les plafonds néo-mozarabes de l’ancienne bibliothèque de l’hôpital (salle Francesc Cambó) et la céramique polychrome de la salle Pau Gil, là où se trouvaient les anciennes archives de l’hôpital.

L’impayable salle Lluís Domènech i Montaner, pas avare en décorations, colonnades et marbres, mérite une longue halte. Enfin, en sortant du Pavillon de l’Administration, attardez-vous sur les mosaïques qui embellissent ses murs. Elles font revivre le passé de l’hôpital depuis le Moyen Âge.

Plus d’infos : https://santpaubarcelona.org/fr/ Visite libre 16 € (+4 € avec l’audioguide) ; visite guidée 20 €.

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À l’occasion de centenaire, Sant Pau propose plusieurs activités : une présentation du fonds documentaire Lluís Domènech i Montaner, des expositions, des concerts-hommage à Lluís Domènech i Montaner, un cycle « Dialogues avec Lluís Domènech » et une série de conférences « Domènech, Catalogne, Europe »).

Les casas : maisons de particuliers à Barcelone

Les casas : maisons de particuliers à Barcelone
Intérieur Casa Thomas © Florent Oumehdi

Tout comme Antoni Gaudí ou Josep Puig i Cadafalch, Lluís Domènech i Montaner a travaillé pour des particuliers, majoritairement de riches propriétaires qui souhaitaient faire de l’épate avec leur maison.

On commence dans le quartier d’Eixample par la Casa Thomas (Carrer de Mallorca, 293), sortie de terre entre 1895 et 1898. L’extérieur est un condensé de son travail : balcons et galeries de pierre, des fleurs partout, des colonnes, de la faïence (aigle et blason de la famille). Si vous êtes chanceux et, surtout, discret, l’intérieur vous ravira tant le vestibule déborde de détails et de beauté, que ce soit dans les vitraux, dans l’escalier d’honneur, dans cet ascenseur taillé dans un bois superbe, dans cette céramique bleu charrette figurant aigles et végétaux.

À quelques pas de là, vous trouverez le Palau Montaner (1885-1893 ; Carrer de Mallorca, 278). Aujourd’hui, le Palau Montaner est le siège de la délégation du gouvernement espagnol à Barcelone et ne se visite que quelques jours par an. Guettez les dates, car l’intérieur (escalier impérial, verrières, caryatides, sgraffite) vaut le détour.

Fondation Tapiès © alzamu79 - stock.adobe.com

La maison d’édition Montaner i Simon (1879-1886) abrite depuis 1990 la fondation Tapiès (Carrer d'Aragó, 255). Sa façade amalgame briquettes et fer. Elle a été coiffée d’une sculpture, aux faux airs de barbelés, de l’artiste espagnol. On retrouve les obsessions de Domènech i Montaner. Des bas-reliefs symboliques, un travail précis des balcons, des motifs floraux sur la balustrade, des vitraux et des inspirations mudéjars (arabesques).

La Casa Lamadrid (Carrer de Girona, 113), construite en 1902, étrenne sur sa devanture des balcons semi-circulaires richement ornementés (de fleurs, bien sûr) et d’autres faisant la part belle au fer forgé. Tout en haut, en prenant un peu de recul (pas facile), vous distinguerez un étrange blason gothique, typique du travail de Domènech i Montaner.

Sur le Passeig de Gracia (au 35), la Casa Lleó i Morera (1903-1905) ne passe pas inaperçue malgré la forte concurrence alentour (La Pedrera, la Casa Batlló). Contemplez ses balcons et galeries de pierre. Malheureusement, la Casa Lleo i Morera ne se visite que virtuellement (et encore quand le lien fonctionne). On ne verra pas « pour de vrai » l’entrée chargée en sgraffites, mosaïques, vitraux, ni même l’ascenseur en bois ou les verrières chatoyantes d’Antoni Rigalt. Un magasin Loewe a pris ses quartiers dans une partie du rez-de-chaussée. De rares éléments décoratifs d’époque subsistent.

Le + de routard.com :

Dans le parc de la Ciutadella, vous trouverez le Castell dels Tres Dragons (1887-1888, « Château des trois dragons »), pas une maison mais l’ancien restaurant de l’Exposition universelle de Barcelone en 1888. On le dirait pourtant tout droit sorti du Moyen Âge avec ses briques, ses tours d’angles, son chemin de ronde et ses créneaux. Fermé au public, ce château abrite certains services du musée de Zoologie dont il fut l’écrin jusqu’en 2010.

Lluís Domènech i Montaner à Reus

Lluís Domènech i Montaner à Reus
Casa Navàs © Florent Oumehdi

Direction Reus, à 1 h 30 de Barcelone en train, où se trouve la Casa Navàs (1901-1908), une bâtisse de deux étages qui porte le nom d’un riche commerçant local.

Vous tenez là la maison la plus richement dotée en vitraux d’Europe : 200 m², rien que ça ! Et cela commence dès l’impressionnant escalier d’honneur. Partout, le moindre ornement est soigné : les mosaïques, les poignées, les portemanteaux, les lampes et les lustres, la marqueterie (magnifiques visages et mains en relief dans le salon).

À côté de la visite guidée basique (il n’y a pas de visite libre, on vous conseille de réserver ; 12 €), la Casa Navàs en organise des plus thématisées : une spéciale « vermouth » avec musique et dégustation du breuvage (17 €), une autre théâtrale qui nous projette à la fin de la guerre civile espagnole (19 €). La Casa Navàs propose une activité spéciale par mois pour fêter les 100 ans de la mort de Domènech i Montaner.

Casa Rull © Florent Oumehdi

Il existe d’autres bâtiments de Domènech i Montaner à Reus. Si on n’oublie pas les voisines Casas Gasull et Rull (qui ne se visitent pas), il faut s’excentrer pour découvrir l’Institut Pere Mata (1904), un hôpital psychiatrique dont la livraison précède celle de Sant Pau. Là encore, la circulation s’organise en pavillons. Et si vous deviez n’en visiter qu’un, ce serait le numéro 6, appelé dels Distingits (classé bien d’intérêt culturel ou BIC) qui reprend la « Sainte Trinité » du modernisme : verrières, mosaïques, céramiques.

Le + de routard.com :

Il n’y a pas eu que Barcelone et Reus dans la vie de Domènech i Montaner. À Canet de Mar, à 46 km au nord de Barcelone, vous pouvez visiter la maison-musée Lluís Domènech i Montaner, qui amalgame Can Rocosa, une demeure du XVIIe siècle, où l’architecte se plaisait à travailler, et sa toute dernière construction datant de 1919. La Casa Roura (1889-1892), qui cultive sa ressemblance avec le Château des trois dragons, le Panthéon de la famille Font (1912), certains éléments du château de Santa Florentina agrandi et rénové (1907-1909) ou l’Ateneu Canetenc (1885-1887) raviront les curieux. Enfin, les plus fervents admirateurs de l’architecte pousseront jusqu’à Olot et la maison Solà-Morales que Domènech i Montaner rénova entre 1913 et 1916.

Fiche pratique

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Lire aussi Catalogne, pays de Gaudí

Office de tourisme de Barcelone

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Où dormir  dans le style moderniste ?

– Hôtel Casa Fuster (1908-1910) : 132, Passeig de Gracia. À partir de 350 €. 5 étoiles pour cet hôtel de luxe (rénové en 2004) qui squatte la Casa Fuster de Domènech i Montaner. Si la façade blanche est étonnamment sobre, l’intérieur reprend les obsessions (végétales) de l’architecte. Le Café Vienés avec ses colonnes en marbre rose et ses voûtes dorées est une pure merveille. Les 105 chambres sont spacieuses et confortables.

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Où manger ?

– La Fonda Espanya (1902-1903) : la Fonda Espanya dans l’hôtel Espanya, à deux pas des Ramblas, a quelques atouts à faire valoir. D’abord, son cadre buriné par Domènech i Montaner entre 1902 et 1903. Dans la salle principale, on ne sait plus où donner de la tête : sur les caissons du plafond ou sur les plinthes, qui alignent d’intéressantes mosaïques reprenant les emblèmes des provinces espagnoles. L’ancienne salle à manger (appelée La Peixera) déploie, elle, une jolie fresque de sgraffites qui lui a valu son autre nom de salon des Sirènes. Là encore, on passe un certain temps à suivre la plinthe en bois tressé, ponctuée de sphères en céramique. Mais on n’oublie pas l’autre raison de notre venue. Car le restaurant, parrainé par le directeur gastronomique Martin Berasategui et son chef, Germán Espinosa, proposent plusieurs menus, selon les appétits et les bourses (35 €, 65 € et 79 €), qui font la part belle aux poissons, aux fruits de mer et au porc.

Texte : Florent Oumehdi

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