L'Algarve hors des sentiers battus

Randonner en Algarve

En Algarve, quelques kilomètres suffisent pour changer radicalement de décor. Ainsi, à moins d’une demi-heure des plages et des stations balnéaires les plus touristiques de la côte entre Albuferia et Lagos, une tout autre région se donne à voir : l’arrière-pays du Barrocal, un territoire sauvage et préservé, entre forêt et vergers, chênes-lièges et oliviers.

Ces paysages, rappelant ceux de la Méditerranée, sont sillonnés de petites routes sinueuses et parsemés de petits villages blancs où le temps semble s’être arrêté. Dans les endroits les plus isolés, la 3G n’a même pas droit de cité.

Cette Algarve secrète et authentique se prête admirablement à la randonnée, ainsi qu’au vélo, au printemps et à l’automne. Un parcours pédestre permet de la parcourir intégralement d’est en ouest : la via Algarviana (GR 13), qui relie Alcoutim (frontière espagnole) au cap São Vicente, à la pointe sud-ouest de l’Europe.

Longue de 300 km et divisée en 14 sections de 30 km maximum, la via Algarviana permet de découvrir l’essentiel de l’arrière-pays : la chaîne de montagnes serra do Caldeirão (région de production de liège), les villages typiques de Loulé, Benafim et Silves, la serra de Monchique où se trouve le point culminant de l’Algarve (902 m d’altitude), puis les étendues sauvages du parc naturel du Sud-Ouest alentejan et de la côte vicentine où le Portugal rencontre l’Atlantique. Une quinzaine de parcours complémentaires et de liaisons pédestres vers la côte couronnent l’itinéraire.

S’il faut compter une bonne dizaine de jours pour la parcourir intégralement, la via Algarviana se savoure aussi par tronçons. Le temps d’une randonnée de quelques heures à une journée, on découvre un paysage gorgé de soleil, embaumant les essences méditerranéennes, où poussent l’olivier, le pin, l’arbousier, le figuier, le caroubier, le chêne-liège et l’amandier. Un vrai bonheur.

À son extrémité sud-ouest, la via Algarviana rejoint un autre itinéraire de randonnée exceptionnel : la Rota Vicentina, qui regroupe 750 km de sentiers entre Algarve et Alentejo, le long de la côte Atlantique.

La Rota Vicentina se divise en trois itinéraires principaux balisés : le Chemin historique (263 km), un GR traversant forêts, rivières et vallées, le sentier des Pêcheurs (226 km), offrant des vues spectaculaires sur les falaises et les plages de l’Atlantique, et les Parcours circulaires (263 km), une vingtaine de courts itinéraires faciles en boucle.

Invitant à la découverte d'une zone naturelle préservée – le parc naturel du Sud-Ouest alentejan et de la côte vicentine –, la Rota Vicentina croise des villages de pêcheurs et des bourgs à l’intérieur des terres, longeant tantôt des falaises escarpées, tantôt des paysages campagnards. Les paysages, magnifiques, alternent falaises ocre enserrant des anses secrètes et grandes plages de sable protégées par les dunes. De belles étendues sauvages prisées par les oiseaux et plus particulièrement les cigognes !

Enfin, à l’est de l’Algarve, le GR 15 de la Grande Rota do Guadiana relie sur 65 km Alcoutim à Vila Real de Santo Antonio. Il est complété par une vingtaine de petits parcours pédestres permettant d’explorer la partie orientale du Barrocal.

Loulé, une ville créative

Située à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Faro et reliée à la via Algarviana, la petite ville de Loulé cache en son cœur un véritable trésor : les vestiges, uniques au Portugal, de bains publics arabes (XII-XIII^e siècles) laissés par les Almohades qui fondèrent la ville (alors nommée Al-Uliya) au Moyen Âge. Un petit musée, ouvert l’an dernier, permet d’en savoir plus sur leur histoire.

Peu étendu, le centre a des airs de médina avec ses ruelles tortueuses aux maisons blanches enroulées autour des murailles d’une forteresse, de l’élégant cloître du couvent de Espirito Santo et de la belle église du XIII^e siècle, dont le clocher est un minaret reconverti. En bordure de la vieille ville, un marché couvert du début du XX^e siècle de style néo-byzantin évoque le passé oriental de Loulé.

Mais le patrimoine de Loulé ne se conjugue pas seulement au passé. La ville a mis en place depuis 2017 une politique dynamique de promotion de son artisanat traditionnel afin d’éviter sa disparition : le projet Loulé Criativo, qui regroupe des ateliers et des magasins labellisés où l’on peut trouver un artisanat de qualité 100 % local, en ville et dans la région.

Un parcours de visite a été créé pour rencontrer les artisans locaux, admirer leur travail et acheter des souvenirs. Au fil des rues de la ville, on visite ainsi un atelier de chaudronnerie sur cuivre, de vannerie à base de palme, de poterie, d’horlogerie, de tissage, de menuiserie… Il est même possible de participer à des sessions d’initiation et de confectionner soi-même ses propres objets. De quoi découvrir in vivo la culture populaire traditionnelle de l’Algarve !

Silves, bijou de l’arrière-pays

Une forteresse de grès rouge coiffant, du sommet d’une colline, des maisons basses et colorées aux toits de tuiles. C’est la première vue – saisissante – de Silves quand on arrive par la route N124-1 depuis la ville côtière de Portimão (15 km à peine).

Situé sur l’itinéraire de la via Algarviana (à 50 km à l’ouest de Loulé), ce superbe village de l’arrière-pays fut la capitale du royaume maure d’Algarve. Jusqu’à la Reconquête, Xelb (c’était son nom !) était la grande rivale de Lisbonne et son château accueillait l’une des plus brillantes cours de l’Occident islamique. Son rattachement au royaume du Portugal en 1242 sonna le glas de Xelb, dont les mosquées et les monuments furent détruits par les chrétiens.

Aujourd’hui, l’imposante forteresse (castelo) et quelques vestiges témoignent de ce passé. Couvrant une surface de 12 ha, magnifiquement restaurée, la forteresse a conservé ses remparts aux 11 tours, son chemin de ronde (superbe panorama), sa citerne du X^e siècle et un joli jardin.

Juste à côté, la Sé (cathédrale), mêlant pierre blanche et grès rouge, abrite une nef, un chœur gothique et des chapelles baroques. C’est dans cet édifice bâti au XIII^e siècle (et reconstruit au XVIII^e siècle) que fut enterré le roi João II. En sortant, on peut redescendre jusqu’à la porte de la ville et à l’hôtel de ville, sis dans un palais baroque. De quoi flâner en beauté.

Monchique : balades en forêt et dans la serra

Pour prendre un peu de hauteur (et de fraîcheur), direction la serra de Monchique, une petite chaîne de montagnes à 30 km au nord-ouest de Silves et à seulement 20 km de la mer.

Frontière naturelle entre l’Alentejo et l’Algarve culminant à 902 m, la serra bénéficie d’un climat plus humide que le reste de l’Algarve, favorisant l’éclosion d’une végétation luxuriante (châtaigniers, chênes-lièges, pins, arbousiers, eucalyptus…) qui tapisse les vallées comme les flancs des montagnes.

Des sources d’eau chaude sont à l’origine de la petite station thermale de Caldas de Monchique, située à quelques kilomètres du village de Monchique, petite capitale de la région dont l’on peut arpenter les jolies ruelles pavées et visiter l’église manuéline.

Traversée par la via Algarviana, la région de la serra de Monchique est sans doute la meilleure pour randonner en raison de la diversité de ses paysages, de sa flore et de sa faune. Outre le GR, elle compte huit sentiers de petite randonnée à faire à la journée (ou demi-journée), quatre liaisons à la via Algarviana, deux randonnées à thème et un parcours audioguidé.

On peut par exemple parcourir le sentier de Foia (6,8 km, 2 h), le point culminant de l’Algarve, offrant de beaux panoramas sur la vallée et jusqu’à la mer, faire la randonnée des cascades avec d’agréables haltes rafraîchissantes, ou celle des chemins d’Alferce formant une belle boucle à travers les chemins forestiers autour de ce village.

Sagres et le cap São Vicente, le Finistère portugais

La partie la plus occidentale de la via Algarviana traverse les paysages, parmi les plus fascinants du Portugal, du parc naturel du Sud-Ouest alentejan et de la côte vicentine. Cette aire protégée de 75 000 ha s’étend sur 100 km le long de l’Atlantique, de la pointe ouest de l’Algarve jusqu’à Sines en Alentejo.

En quittant la serra de Monchique vers l’ouest, les paysages changent radicalement. Les forêts laissent la place à de petites vallées et une vaste garrigue battue par les vents, filant jusqu’à l’océan. Les paysages, où les habitations se font plus rares, ont ces airs de bout du monde typiques des « finistères », évoquant une sorte de Bretagne brûlée par le soleil, sous l’immensité du ciel et face à l’Atlantique.

Autour du village de Sagres, d’où partirent les premières caravelles portugaises aux XV^e et XVI^e siècles, le littoral dessine de profondes anses enserrées de falaises ocre et de puissants promontoires rocheux. Battu par les vents, l’océan forme d’impressionnantes vagues prisées par les surfeurs qui ont investi les lieux. Des sorties en mer permettent d’aller observer les dauphins et les oiseaux migrateurs.

Sur terre, les sentiers de la Rota Vicentina (notamment Os Pescadores), autre GR majeur de la région, conduisent, à travers la garrigue, vers des falaises vertigineuses et des plages de sable qui semblent infinies (praia da Bordeira, Amado, Arrifana, Monte Clerigo…).

C’est dans ces paysages sublimes, où l’on se sent tout petit, qu’un cap aux falaises déchiquetées marque la pointe sud-ouest de l’Europe. Sur le cabo São Vicente, un phare perché à 80 m au-dessus des flots fait face à l’Atlantique. De l’autre côté de l’océan, c’est le Brésil…