Le tourisme industriel
Entre tourisme de découverte et opérations de communication
On l'a compris, les entreprises sont devenues un véritable produit touristique. De son côté, le tourisme est désormais pour elles un outil de développement économique et de communication. « Toutes les entreprises ont axé leur communication sur les visites », rappelle Bertrand Labès, auteur du Guide des sites industriels. Pour EDF, par exemple, la démarche est même inscrite au cœur de son cahier des charges, même si les visites de centrales sont interdites dans le cadre du plan Vigipirate.
Ouvrir ses portes est toujours un moyen de se faire connaître. C'est particulièrement vrai dans l'agroalimentaire où les visites sont un tremplin pour les ventes : Perrier, Kronenbourg et bien d'autres proposent des dégustations et une boutique où les visiteurs peuvent acheter leurs produits. C'est une parfaite leçon de marketing direct. Aucune étude précise n'indique le bénéfice qu'en tirent les entreprises qui s'ouvrent au tourisme industriel, mais Bertrand Labès estime par exemple que les cristalleries font jusqu'à deux tiers de leur chiffre d'affaires lors des visites (souvent celles de personnes du troisième âge, qui constituent une part importante de ces nouveaux touristes). L'enquête réalisée par la direction du tourisme confirme cet enjeu commercial de taille, puisque 57 % des entreprises consultées disposent d'un lieu de vente à l'issue de la visite. Et elles ont raison ! Car la moitié des visiteurs effectue finalement un achat, et même 67 % dans l'agroalimentaire. En moyenne, les ventes des entreprises dans ce cadre représentent quand même le tiers de leur chiffre d'affaires.
Même si aucune vente n'est faite sur le moment, c'est une publicité à long terme pour l'entreprise : ainsi Le Creusot, qui fabrique toutes ses cocottes et casseroles en fonte en Normandie, renforce son image de marque en prouvant par la démonstration, le sérieux de la fabrication de ses précieux accessoires de cuisine. À ce titre, une heure passée sur un site à contempler les moindres arcanes de la production sont bien plus efficaces qu'un spot publicitaire de quelques secondes. Voilà une manière intelligente de fidéliser des clients ou d'enrichir son fichier.
Se faire connaître, gagner de nouveaux clients, valoriser en interne les métiers de chacun, faire acte de transparence… les motivations pour s'ouvrir au tourisme sont multiples. Et de l'atelier d'ébénisterie des Ravennes, à Bondues, qui reçoit 600 visiteurs par an, à Arc International (la Cristallerie d'Arques) qui en accueille 60 000, avec un service dédié et sept emplois générés, le retour sur investissement peut être rapide : « J'ai ouvert mon entreprise à la visite il y a trois ans. Ça me prend un dimanche par mois et mon chiffre d'affaires a augmenté la première année de 12 % », témoigne Pierre-Alain Vanderhaeghe, artisan ébéniste qui reçoit 600 visiteurs par an dans son atelier. « Si vous réussissez votre visite, chaque nouveau visiteur est un apôtre, on y gagne toujours en retour », disait-il dans la Voix du Nord (juin 2004).
Pour les visiteurs, l'enjeu est de découvrir un savoir-faire parfois ancestral. Les guides sont donc la plupart du temps (dans 95 % des cas) des employés liés de près à l'histoire de l'entreprise, qui connaissent parfaitement son histoire et les processus de fabrication. Aux Forges Royales de Guérigny, autrefois spécialisées dans la production d'ancres marines pour les navires de la Royale, ce sont d'anciens forgerons qui font visiter ces bâtiments du XVIIIe siècle fermés depuis 1971. De plus, pour des sites de production encore en fonctionnement, avoir recours à un salarié permet de limiter le coût de la mise en place des visites.
Moins concernés par les retombées économiques directes, les laboratoires de recherche, les entreprises industrielles et de service s'ouvrent davantage pour des raisons de communication ou de recrutement et de formation.
Quoi qu'il en soit, les visites d'entreprise sont amenées à devenir un élément majeur du développement territorial. Le rapport du Conseil national du tourisme souligne par exemple le rôle de l'Aérospatiale qui confère à la ville de Toulouse et même à toute la région Midi-Pyrénées l'image d'un territoire dynamique axé sur la haute technologie. Les retombées économiques peuvent aussi être conséquentes : l'entreprise Perrier à Vergèze (Gard) a généré la création de vingt emplois permanents et de dix saisonniers et pourrait embaucher encore avec la création d'un parc aux tortues, d'un centre équestre et l'ouverture d'une ferme biologique.
- Intro
- Aux origines du tourisme industriel - 3 questions à Bertrand Labès, auteur du Guide des sites industriels
- De l’industrie lourde aux créateurs branchés : les différents visages du tourisme industriel
- Entre tourisme de découverte et opérations de communication
- Portfolios
- Quelques pistes ailleurs en Europe
- Pour en savoir plus
Texte : Juliette Serfati