Sur la carte, la réalité saute aux yeux… Pataugeant entre mer du Nord et mer Baltique, passage du Cattégat, détroits et chenaux, le Danemark s’éparpille en une multitude d’îles. Quatre cents, dit-on généralement, dont 70 « seulement » sont habitées.
À sortir la calculette, les statistiques sont formelles : si le Jutland, l’appendice continental soudé au nord de l’Allemagne représente deux bons tiers du pays, tout le reste est constitué d’îles ! Les côtes s’étirent d’ailleurs sur une distance considérable (8 750 km) compte tenu de la petite taille du pays.
Si Sjælland (le Seeland en VF, où siège Copenhague) et Fyn (en VF, la Fionie, où se trouve Odense) attirent l’essentiel de l’attention, ce sont les petites îles qui expriment le mieux la poésie champêtre du Danemark, entre côtes basses aux teintes d’aquarelle, rares falaises, rues pavées, maisons à colombages et chaumières fleuries, bois et forêts de pins, tapis de galets et plages, pâturages et mer saupoudrés d’éoliennes. Autant de lieux idéaux pour des balades à vélo.
Au sud de la bien nommée Sjælland, à une bonne heure au sud de Copenhague, un pont sur l’Ulvsund permet de jeter les amarres une première fois. Droit devant : Møn. Dixième île danoise par la taille (218 km² pour 9 180 habitants), cette paysanne, classée réserve de la biosphère, déroule des champs à perte de vue. Morne ? Loin de là.
À Keldby, à Elmelunde, à Fanejord, les grandes églises médiévales chaulées (XIe-XIIIe siècles) se couvrent de fresques colorées d’une touchante naïveté. Personnages bibliques et saints y côtoient des fermiers moissonnant ou conduisant l’araire, des chasseurs et des cerfs, des licornes joviales et tout plein de diables rouges et cornus à l’air abruti.
Passent des tertres cachant tumulus et dolmens. Des cerisiers. Des chaumières. Et, tout à l’est, des bois de feuillus denses. Ils s’entrouvrent sur des sentiers calmes, avant de butter sur un obstacle apparemment infranchissable : les falaises de craie de Møns Klint. Une barrière de 7 km de long, culminant à 128 m au-dessus des vagues. À bien chercher, quelques longs escaliers de bois dévalent à leur pied, jusqu’à une étroite plage de galets de silex noir.
La balade s’étire, côté nord, jusqu’au château de Liselund, fondé à la fin du XVIIIe siècle par un aristocrate protestant franco-hollandais pour son épouse danoise, Lisa. Il y a là deux édifices, à vrai dire. Imaginé par Calmette (c’est son nom), le premier, follement attachant avec son toit de chaume, se mire dans un étang. Tout autour : un vaste parc romantique.
Le + de routard.com :
Le château de Liselund est devenu hôtel. Si ses chambres sont bien chères en considération du confort, on peut déjeuner très agréablement au café, face au parc.
Ærø, sérénité nordique
Cinq grands ponts et un ferry plus tard, les quais de Marstal se dessinent, précédant un noyau de brique rouge et le clocher fluet de l’église des Marins. Dans la nef, une flotte entière d’ex-voto de bateaux rappelle que, au XIXe, siècle d’or de la marine marchande à voile, Marstal fut l’un des plus importants ports danois. Le musée local apporte sa pierre à l’édifice, avec ses vieux coffres, ses gravures, maquettes et trois-mâts en bouteilles.
Flottant au sud de l’archipel fionien, pas très loin des eaux territoriales allemandes, Ærø n’est certes pas une grande île (88 km² pour 6 000 habitants), mais une île charmante – sereine, bercée de plages et de courtes dunes, au climat et aux paysages plus doux que la moyenne, préservés grâce au choix d’une énergie 100 % renouvelable.
Côté nord, Ærøskøbing s’ancre au pied d’une presqu’île plate et fort longiligne dont les champs courent jusqu’à la mer. Quelques ruelles pavées irriguent son cœur, bordées de maisonnettes basses aux grands toits de tuiles des XVIIe et XVIIIe siècles – comme échappées d’un conte d’Andersen. Beaucoup de colombages et d’ornements baroques ici, plein de plantes aussi, sans oublier des portes ciselées de tridents et… d’étonnants rétroviseurs aux fenêtres. Une manière discrète d’observer la vie de la rue depuis son salon !
À Smedegade, le Flaskepeters Samling expose une folle collection de 200 bateaux en flasques de rhum, de gin, de whisky… Quelques pas plus loin, le musée d’Ærø et la maison Hammerich ouvrent leurs propres fenêtres sur le passé.
Le + de routard.com :
Repartez donc d’Ærø (vers Fynshav) à bord d’Ellen – le premier ferry 100 % électrique au monde, alimenté par les éoliennes et la ferme solaire de l’île (autonome à 140 % !).
Samsø, une île dans le vent
Baignant dans les mêmes eaux qu’Ærø, mais au nord de la Fionie, Samsø n’a pas sa beauté évidente. En forme de guitare au large manche, « le potager du Danemark », comme on le surnomme (112 km² pour 3 775 habitants), étale à perte de vue ses pâturages et ses champs de pommes de terre, de choux, d’asperges, de betteraves, de concombres et autres fraises. De loin en loin, de hauts clochers médiévaux à pas de moineaux dressent leurs amers, éclatant de blancheur sous le soleil. Quelques moulins aussi, à Brundby et Kolby.
Sont-ce eux qui ont donné l’idée aux insulaires ? En 1997, Samsø s’est lancée dans un projet d’envergure : atteindre l’autonomie énergétique. Dix ans plus tard, grâce à l’investissement de tous dans l’éolien, le solaire et la méthanisation, plus un litre de pétrole ne brûlait sur l’île pour alimenter la centrale électrique… Le secret du succès ? La quasi-totalité des insulaires ont cofinancé les projets et en touchent aujourd’hui les bénéfices financiers.
Depuis un bon moment déjà, Samsø produit davantage d’énergie qu’elle n’en consomme. Qu’à cela ne tienne… l’excédent nocturne devrait bientôt servir à fabriquer de l’hydrogène, retransformé en électricité le jour quand la demande s’accroît. Devenu modèle du genre, l’île a vu se multiplier les voitures électriques, a inauguré le premier terrain de golf 100 % vert du monde et ouvert une Energy Academy, qui conseille désormais particuliers, entreprises et gouvernants de toute la planète. Mais elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le ferry, ici, devrait bientôt fonctionner aux… pets de cochon (enfin, au méthane) !
Le + de routard.com :
Des 22 villages de Samsø, plusieurs conservent de jolies chaumières à colombages, à l’image de Nordby (centrée sur un étang) et d’Østerby.
Sejerø, l’oubliée
Après les îles qui attirent l’attention, en voici une qui apparaît rarement sur les radars… Grande comme un mouchoir de poche (12,4 km² pour 328 habitants), Sejerø n’est pas du genre à faire les gros titres. L’actualité, ici, se résume à peu : le changement saisonnier des horaires du ferry ou le prix d’un stand à la foire de Pâques.
Parti de la côte nord-ouest de Seeland, le bateau double à tribord la petite île de Nekselø (18 habitants), avant de sentir la houle se former. Une heure plus tard, un large port se dessine, bien grand pour la poignée de voiliers qui y relâche. Aux quelques baraquements succèdent des champs de blé doré à perte de vue, avançant jusqu’à fleur d’eau.
Église des XIVe-XVIe siècles, mini-musée, phare (trapu) de 1852 à la pointe nord de l’île : le tour des monuments est fait. Et maintenant ? Respirer. Faire des courses au Dagli Brugsen pour le pique-nique. Pédaler ou marcher sur des chemins d’herbe tondue, entre bois de pins et haies d’églantines, jusqu’à ces liserés de sable beige et de galets soulignant les côtes. Et grimper, à Kongshøj, jusqu’au point culminant, à… 30 m d’altitude. Bien assez pour voir la mer de part et d’autre.
Emblématique de ces dizaines d’îles danoises découpées en un patchwork de fermes, Sejerø leur ajoute, tout au sud, un surprenant isthme de sable et galets, large de quelques mètres mais long de 600 à 700 m. En arrière-plan veille un dolmen, vieux de 5 500 ans.
Le + de routard.com :
Selon le jour et la période, l’île de Sejerø est desservie par 3 à 6 ferries quotidiens au départ de Havnsø, à 1 h 30 à l’ouest de Copenhague.
Læsø, l’isolée du Nord
Pour trouver Læsø sur la carte, il faut remonter au long du Cattégat, cet énorme détroit reliant la mer du Nord à la Baltique, qui sépare le Danemark (à l’ouest) de la Suède (à l’est). La voilà, tout en haut, peu avant Skagen, qui marque l’extrémité nord du pays.
Tenant son nom d’un géant personnifiant la mer dans la mythologie scandinave, Læsø (101 km² pour 1 790 habitants) fait partie des îles les plus isolées du Danemark. À 1 h 50 (aujourd’hui !) de ferry du port de Frederikshavn, les insulaires ont appris à vivre en autarcie. Élevage. Pêche. Sel.
Faute de soleil suffisant, Læsø se retrouva déboisée au XVIIIe siècle pour nourrir les feux qui permettaient à l’eau de mer de s’évaporer… Les grandes forêts de pins sont depuis revenues au nord et les Saltsyderiet ont redonné vie aux méthodes d’antan – produisant une fleur de sel superbe vendue au poids de l’or ! On y saute à bord du Rønnerbussen, un bus-tracteur, pour explorer les vastes estrans de la réserve voisine.
Sous son air agricole, Læsø n’oublie jamais la mer. Sur toute l’île, une vingtaine de fermes à colombages aux toits d’algues ont ainsi survécu, posées sur le flanc des petites routes ou au fil de chemins bucoliques. Ce sont les femmes, jadis, qui recouvraient les charpentes (en bois d’épave !) de ces plantes marines (zostères). Accumulées en couches successives, elles pèsent jusqu’à 30 tonnes, mais sont naturellement ignifugées et peuvent durer jusqu’à 300 ans. Une technique unique au monde.
Le musée de Læsø occupe l’une de ces bâtisses et d’autres se dressent à Gammel Østerby (dont la Hedvigs Hus, ouverte à la visite).
Le + de routard.com :
À l’est de l’île, le jardin de rhododendrons (Rhododendronstien) de Gammel Østerby, l’un des plus beaux du monde, regroupe des centaines de variétés.
Bornholm, gardienne de la Baltique
Cinquième île danoise par la taille (588 km²), peuplée de près de 40 000 habitants, Bornholmest exilée au large de la Suède, à l’entrée de la Baltique, plus près de la Pologne que de Copenhague.
Une position stratégique qui l’a vue dotée, dès le XIIIe siècle, de la plus grande forteresse de Scandinavie à Hammershus (site d’un grand festival estival), perchée 74 m au-dessus des eaux. Lors de la Seconde Guerre mondiale, Bornholm fut même transformée en station d’écoute par les Nazis, puis occupée par les Soviétiques…
L’île est réputée pour son ensoleillement et ses plages, notamment à Dueodde, à la pointe sud-est, où d’immenses tapis de sable blanc et fin, prolongés de hautes dunes et de forêts de pins, s’étirent sur près de 30 km, au pied du plus grand phare d’Europe du Nord (47 m).
Si le cœur agricole ne retient guère l’attention au premier coup d’œil, il réserve une surprise de taille : quatreéglises fortifiées rondes (oui, rondes !) des XIIe-XIIIe siècles, chaulées et chapeautées de toits coniques – à Østerlars (la plus grande, ancienne et remarquable), à Nylars (fort belle aussi et bien préservée), à Nyker (la plus petite, attachante, conservant des pierres runiques dans le narthex) et Olsker (la plus élancée). Inspirées par l’architecture de la chapelle du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
Elles s’organisent toutes en rotonde autour d’un unique pilier central (plein ou à arcades) peint de fresques – Adam et Ève, Jugement dernier, anges aux joues rouges, scènes comme sorties d’un livre d’heures… Sublime.
Le + de routard.com :
À Østerlars, le Bornholms Middelaldercenter ramène à l’époque médiévale avec ses combats de chevaliers, ses démonstrations d'artillerie et de tir à l’arc, et son grand marché médiéval vers la mi-juillet. Petits et grands, tout le monde participe !
Christiansø, au bout, tout au bout du Danemark
Sur la côte nord de Bornholm, la jolie bourgade de Gudjhem, au cœur de maisons à colombages et roses trémières, glisse jusqu’à un port de pêche animé où s’étalent des terrasses fleuries. L’été, on y embarque à bord de l’Ertholm, direction Christiansø. Un grain de sable, un caillou plutôt, paumé à 10 milles au large, qu’aucune carte ne signale.
Une centaine de personnes habitent sur ce radeau de 22 ha et sur Frederiksø, plus petit encore (4 ha), accessible par une passerelle enjambant le port. Longtemps utilisé comme abri par les marins, ce micro-archipel s’est vu affubler d’une puissante forteresse au XVIIe siècle lors de la guerre dano-suédoise. La garnison compta jusqu’à plus de 800 hommes.
Rien n’a vraiment changé durant les trois siècles et demi qui ont suivi, ni le port niché entre les deux îlots, ni les remparts, ni les canons toujours tournés vers le large, ni l’arsenal jaune aux huisseries vertes et aux rues pavées, ni la modeste église (restaurée) installée dans une ancienne forge d’armes (!), ni d’ailleurs les modestes cabanons de pierre. Seules la Store Tårn (grande tour) et la Lille Tårn (petite tour) ont été transformées en musée.
Toujours gérée par le ministère de la Défense, l’île s’est reconvertie au tourisme, avec artisans d’art (un verrier) et artistes, saurisserie de hareng et microbrasserie ! On y trouve un médecin, une poste, une petite bibliothèque et même une école, où étudient une dizaine d’élèves jusqu’à 14 ans. Bref, tout ce qu’il faut pour vivre au milieu de nulle part !
Le + de routard.com :
On peut passer la nuit à Christiansø au camping ou, si on en a les moyens, dans l’une des 6 chambres du Gæstgiveri (qui abrite aussi resto et mini-épicerie). www.christiansoekro.dk
Pour en savoir plus
Retrouvez tous les bons plans, adresses et infos pratiques dans le Routard Danemark, Suède en librairie.