Il faut toujours se méfier des endroits touristiques. Il y a un principe qui est toujours vrai : si on vous vend du paradis, c’est que c’est l’enfer. Certes c’est un peu exagéré, c’est une formule, mais il y a du vrai là-dedans. J’attends encore de voir un contre-exemple pour invalider cela.
On vous vend de l’image de paradis, pas du paradis. Ça fait une sacré différence. L’image de paradis ce sont les cocotiers, le soleil, la grand-mère mauritienne typique qui cuisine un plat traditionnel et vous le sert avec un grand sourire, etc. La réalité, c’est que l’île Maurice est entrée dans le capitalisme comme la totalité des pays de la planète, et que pour accomplir la croissance économique que ce système requiert, il lui faut se transformer progressivement en Disneyland.
Quand vous voyez une publicité pour l’île Maurice (il y en a car le gouvernement mauricien essaie de se vendre en usant de marketing), on ne vous montre pas un immeuble en béton, on ne vous montre pas une décharge, on ne vous montre pas un Mac Do, on ne vous montre pas un bidonville, on ne vous montre pas une fashion-victim qui ressemble à Paris Hilton et qui fait du shopping sur son IPhone. Pourtant, toutes ces choses existent à Maurice. C’est censé être paradisiaque ?
Les gens lisent les récits de Bougainville en imaginant que les îles exotiques possèdent encore des points communs avec l’époque de cet explorateur. Bougainville a dit de Tahiti qu’il s’y croyait dans le jardin d’Eden. Forcément, quand il n’y a pas de Mac Do, quand il n’y a pas de béton, pas de décharge, pas de SDF, pas de bidonville, pas de pollution, pas d’embouteillages, pas de fashion-victim, pas d’usines, et que personne n’essaie de vous vendre quoi que ce soit parce qu’il n’y a pas de commerce, ça aide un peu. Heureusement nous avons été les coloniser pour leur dire “maintenant, vous vivrez comme nous, point barre”. Grâce à nous, ils peuvent enfin jouir du Mac Do, du béton, de la pollution, du fric, de la mode, du shopping, etc.
Il faut bien comprendre qu’une fois entré dans la société de consommation, il ne reste plus qu’à vendre les résidus du passé, dans un joli emballage marketing, pour vous donner l’impression que vous allez vous rendre au paradis. Peu importe que la grand-mère authentique laisse de plus en plus la place à sa progéniture qui regarde des séries télés, bouffe de la junk-food et porte des strings, on met en lumière les résidus de vie traditionnelle pour vous donner l’impression que c’est toujours comme avant.
Et si on le fait, c’est que ça marche. Maintenant, on voit même des gens se plaindre quand ils vont quelque part et qu’il n’y a pas de boite de nuit. Je l’ai déjà vu. Alors si en plus les gens le réclament, ils auraient tort de se priver. Heureusement ça ne va pas durer éternellement.