De Dien Bien Phu, au Vietnam, il est simple de se rendre au Laos, le poste frontière de Pang Kok est distant d’une cinquantaine de kilomètres, il nous tend les bras.
Au sein d’un massif rocheux et boisé, la route, joliment se tortille, l’habitat est rare, le poste vietnamien sommaire.
Un policier, curieusement, propose d’échanger de l’argent vietnamien contre des Kip, la devise du Laos… ils ne sont jamais à cours d’idées ces policiers, prudemment, je refuse.
Plus tard, trop tard, je comprendrai …
Nous ne jouons pas le même rôle mais je les devine parfaits ces fonctionnaires laotiens, très professionnels, ils répètent depuis si longtemps.
Les formalités d’entrée au Laos sont en effet, effectuées sous le contrôle de quatre personnes, ces individus organisent différents postes de travail dans lesquels le titulaire, sous divers prétextes, rançonne systématiquement les voyageurs.
En Kip où en dollars, les sommes exigées sont modestes mais il m’est difficile d’accepter cet état de fait… au troisième poste, derrière un guichet, mon passeport est en attente, posé sur un bureau, un sinistre individu couche des lignes sur un registre.
Je suis concentré… à travers le guichet, ma main, fulgurante comme le crotale, reprend possession de mon passeport; oui, je maîtrise encore ce geste, peaufiné sur des terres africaines…
L’employé demeure sans réaction, un autre me barre le passage, je le repousse sans ménagement et m’éloigne du bâtiment.
Le ton monte, le chef de poste me fait remarquer qu’il manque un tampon sur mon passeport, ma sortie du Laos est impossible. C’est vrai.
Le ripou s’estime agressé, le comble ! il apprécie fort peu mon vocabulaire pourtant choisi, non, je ne daigne pas entendre ses arguments.
Hors de lui, il brandit une paire de menottes !
Jean-Marc, un camarade, est livide, il n’en croit pas ses yeux, ses oreilles, qui est ce fou furieux, qu’il découvre aujourd’hui ?
C’est trop, il en est certain. Cette fois, aucune alternative, pas de drap rose cette nuit, je devrais chercher le sommeil dans la cage en bambou !
Take it easy guy ! Je lui tapote familièrement l’épaule, le ripou parait se calmer, il disparaît derrière les guichets.
Patiemment, impassible spectateur, le conducteur du bus vietnamien attend.
Il consent à jouer les intermédiaires et règle les derniers détails de notre passage.
Derniers ? non, pas tout à fait, subsiste le quatrième obstacle, celui que j’ai bousculé, le clown, le bouffon de la sinistre troupe…
Dans ce poste frontière, les fonctionnaires ont une haute idée de la protection sanitaire du pays, la nation laotienne leur sera longtemps reconnaissante.
Appliqué, il se tient debout, un masque à usage médical sur le visage, il porte à la main l’instrument de sa puissance, un thermomètre électronique. Dans l’oreille, je vous rassure, le pantin opère chez chacun des passagers, un simulacre de prise de température, je n’affiche curieusement pas la plus petite fébricule.
L’acte est obligatoirement rétribué et non remboursé, évidemment !