Le
métier
La formation d'officier
Portrait |
Après s'être essayé au journalisme, Laurent Cazalis est entré
dans la marine marchande à 23 ans. Quatre ans plus tard, son diplôme
en poche, le voilà fin prêt pour embarquer en tant que pro. Il s'installe
du côté des Antilles françaises où il sait pouvoir obtenir rapidement
un commandement.
À 29 ans, il commande son premier bateau, une jonque chinoise de 25
m qui est maintenant à Paris et qui est devenu, depuis, un haut lieu
des nuits de la capitale. En 1994, après cinq années de navigation
non-stop, Laurent Cazalis marque une pause pour travailler à terre
toujours dans le monde du maritime ou du para-maritime du côté du
Havre, puis de Marseille. C'est en septembre 2000, après des déconvenues
salariales avec un employeur véreux, qu'il décide d'embarquer à nouveau.
Actuellement, Laurent est chef mécanicien sur un cargo frigorifique
qui transporte jusqu'à 4 500 tonnes de thon congelé entre Les Seychelles
et des conserveries d'Europe du Sud. " Je n'avais jamais touché
au froid, c'est très intéressant et assez cérébral parfois. Quand
il y a des problèmes de froid et qu'une cargaison de plusieurs dizaines
de millions de francs est en train de remonter en température, il
faut faire travailler ses méninges, vite et bien. "
À la suite de quoi es-tu devenu marin ?
J'étais à Paris en prépa Sciences-Po, c'était l'été, j'avais le nez dans les bouquins et j'ai eu envie de respirer le grand air et voler de mes propres ailes. À la rentrée de septembre, j'ai raté le concours de Sciences-Po, en novembre, j'ai trouvé une prépa au Havre pour me remettre à niveau en maths et physique. Moins d'un an après, j'étais reçu au concours et j'intégrai le cours de capitaine de 1ère classe de la navigation maritime, en première année au Havre. Quelques mois après, j'avais mon livret professionnel maritime et j'ai su que c'était gagné. Je ne l'ai jamais regretté.
Quels sont les pays que tu as traversés ?
J'ai bien tourné dans les Caraïbes, d'Haïti et Saint-Domingue jusqu'au Venezuela. J'ai fait des voyages merveilleux sur le paquebot Mermoz comme officier mécanicien, dans le grand Nord en été, au Spitzberg et jusqu'à la limite de la banquise, dans les fjords de Norvège, puis ensuite à Madère, au Maroc et dans le Sud espagnol. Peu après, j'ai embarqué sur un autre paquebot et là c'était encore plus fabuleux : des escales tout au long de la côte chinoise de Shanghai à Hong Kong, le Vietnam, puis la Malaisie. Une fois, avec un pétrolier, nous avons remonté l'Amazone jusqu'à Manaus, cela a duré trois jours et j'ai débarqué là, trois jours à attendre l'avion pour São Paulo, j'ai visité deux fois l'opéra qui venait juste d'être restauré ! J'ai fait aussi plusieurs escales dans l'océan Indien, à Madagascar, un pays fantastique, sur Tamatave ou Diego-Suarez, à Port-Louis, la capitale de l'île Maurice, à La Réunion, à Mahé aux Seychelles...
Quels sont les types de bateaux sur lesquels tu as navigué ?
J'ai eu la chance de pouvoir toucher à tous les types de navires ou presque : du petit caboteur tropical à la Tintin, au cargo frigorifique automatisé en passant par les paquebots, un pétrolier, un trois-mâts, une jonque traditionnelle, une drague aspiratrice de sable, un porte-conteneur, des navires d'assistance qu'on appelle supply-ship pour l'activité pétrolière off-shore, un transporteur de vrac sec (charbon, minerai, tourteaux de soja, sucre ou autres), un poseur de pipe-line, et même, pour quelques jours, un bateau avec une rue dans la cale !!!
Combien de temps dure une mission ?
Dans une compagnie régie par le droit du travail national pour ses officiers français, la durée d'un embarquement est de cent jours, à quelques jours près. À l'international, c'est-à-dire pour des compagnies étrangères, ou sous régime non français, chaque embarquement constitue un contrat la plupart du temps et celui-ci dure de deux à trois ou quatre mois, selon l'activité du navire et selon la compagnie.
À ton avis quels sont les avantages de ce métier ?
Pouvoir faire un métier qu'on aime c'est déjà un gros avantage. Ensuite si l'on s'adapte au rythme embarquement, éloignement /congés, liberté totale vis-à-vis du travail, je trouve cela plutôt positif. Peu de gens peuvent ainsi aligner deux à trois mois de congés payés.
Les inconvénients ?
Le revers de la médaille des congés, c'est la durée des embarquements. Personnellement, mon maximum c'est environ trois mois. Certaines compagnies font du deux mois / deux mois. Il y a aussi sept jours / sept jours sur les ferries trans-Manche ou au dragage et même mieux encore dans les activités portuaires comme le remorquage ; là, c'est plus facile pour la vie familiale. Car c'est là que le bât blesse, dès qu'on est en famille, celle-ci, en général, supporte mal la longueur des absences.
Est-ce un métier que l'on fait toute sa vie, ou y a-t-il des débouchés pour exercer à terre ?
Bien sûr, ce métier est si complet qu'il permet toutes sortes de reclassement à terre. En général, beaucoup se tournent vers le pilotage portuaire, c'est intéressant, stable et aussi bien payé qu'un pilote de ligne. Par ailleurs, tout le shipping, le secteur maritime et para-maritime, est ouvert aux anciens navigants.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui aimerait devenir marin ?
Vérifier avant tout qu'il peut faire ce métier en embarquant avant de commencer l'école, c'est d'ailleurs obligatoire maintenant. Commencer le plus tôt possible vers 20 ou 21 ans. Être courageux et curieux, surtout au début afin d'acquérir une bonne expérience le plus vite possible. Et enfin garder un certain recul pour arriver à gérer sa vie personnelle dans ces conditions de travail particulières.
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