Un routard au Japon, de Kyoto à Osaka

Carpe Diem, l’éphémère est universel

Carpe Diem, l’éphémère est universel
Olivier Page

Carpe diem ? Cette expression latine d’Horace nous rappelle que la vie est courte et qu’il faut se hâter d’en jouir. Curieusement, les Japonais pensent à peu près la même chose mais l’expriment différemment. Dans la culture japonaise, dans l’art, la littérature, la poésie, la beauté est mortelle, le plaisir fugace, le bonheur éphémère. Une maison qui porte cette devise latine à Osaka ? Intrigué, je m’y rends. Un fleuve humain déplace des flots de chevelures noires, s’engouffre dans les trottoirs, se rue vers les couloirs du métro, inonde les quais des gares. Puissante foule nippone affairée et ordonnée où chaque individu vaque à ses occupations. On se frôle, on se touche presque, on s’entasse comme des sardines, mais on ne se bouscule jamais. Harmonie du groupe nippon : c’est la loi secrète qui régit les cœurs et les esprits. Quittons cette agitation urbaine, avançons dans un quartier tranquille d’Osaka aux maisons basses, la mesure après la démesure, pour pénétrer dans un faubourg calme et provincial, où l’on pourrait entendre les poissons nager dans l’eau et les chats marcher sur les toits. Imaginez une vieille et vaste maison japonaise, accessible par un portail à grilles métalliques comme l’entrée d’un manoir en Touraine : voici Carpe Diem.
Le jardin intérieur se décline dans le style japonais : quelques rochers miniaturisés, des buissons soigneusement taillés, des bassins paisibles, des lanternes de pierre (toro), un pagodon pour plaire aux esprits qui sont partout (ah, ces sacrés kami !). La propriétaire de cette maison de charme s’appelle Misa. Japonaise francophone mariée à Frank Riva, un éditeur d’art (qui vit à Osaka depuis les années 70), elle parle très bien le français. Après avoir hérité de la maison de son père (un homme d’affaires mais surtout un grand amateur d’art), elle l’a transformée avec goût en maison d’hôtes, y aménageant de belles chambres (tatami, futon, portes coulissantes avec des treillis en papier de riz) qui donnent sur l’adorable jardin. Carpe Diem abrite aussi un espace d’exposition et un centre culturel. Bref, un havre de paix et de beauté tenu par une fée dans un océan urbain frénétique. La vie est courte, et nos journées passent si vite, le soir vient. Hâtons-nous de jouir de la dernière nuit dans le quartier de Dotombori avant de gagner les nuées célestes du mont Koya.

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Texte : Olivier Page

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