Roumanie : la Transylvanie secrète
Les monts Apuseni, loin du monde
Des nuages floconneux glissent vers l’est de l’Europe dans un ciel bleu céruléen, encore frais en ce début de printemps. Parti d’Albac, un village des Monts Apuseni, isolé au fond d’une vallée de Transylvanie, je marche sur un long chemin de terre, entre champs, pâturages et forêts de sapins, en compagnie de Bertrand, mon ami et coéquipier, et Mircea Morar, notre guide francophone.
À 1200 m d’altitude, au-dessus de la plaine, loin de Bucarest et de son agitation, très loin de Bruxelles et de l’Union Européenne, même si la Roumanie en est membre depuis 2007, voici un monde inconnu, une machine à remonter le temps. La Roumanie rurale, forestière et pastorale, déroule des paysages d’un autre âge. Un univers de charrettes et d’attelages tirés par de robustes chevaux, des chemins de terre et de boue, sans voiture, sans feu rouge, des sentiers fleuris dans des bois noirs émergeant de longs hivers rigoureux, un tableau hors du temps qui aurait inspiré les peintres naturalistes du XIXe s.
Paysage éclatant de vert, de jaune, de pastel, parsemé de hameaux et de fermes éparpillés au gré des ondulations du relief. De solides laboureurs poussant la charrue à la main, tapotant sur l’échine de leurs chevaux, des villageois aux épaules larges fabriquant leur pain dans des fours aux parois fuligineuses, des jeunes femmes tenant la faux, des vieilles tenant la serpe, des scieurs de bois maniant la hache avec bonheur, des bucherons qui ignorent Bucarest, des troupeaux de bêtes, vaches, moutons broutant au grand air.
Loin des turpitudes du monde moderne, certains hameaux perchés sur ces crêtes hautaines n’ont reçu l’électricité qu’en 2005. On y vit aujourd’hui comme du temps des grands-parents, parfois encore au rythme des bougies, des lampes à pétrole et des saisons, dans une autarcie économique presque complète. L’horloge des monts Apuseni n’indique pas la même heure humaine que dans le reste du pays.
Texte : Olivier Page et Bertrand Deschamps
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