Balades insolites dans Paris
Mai-68 au Quartier latin
En 1968, la France gaulliste est un cocktail explosif d’archaïsme et de modernité. Modernisée grâce à la démocratisation de l’école, la société française est archaïque par bien des aspects : patriarcat et machisme dans la famille, bureaucratie et autoritarisme dans l’entreprise. La jeunesse, excédée par la rigidité de « la France de papa », est prête à s’embraser.
C’est l’occupation de la fac de Nanterre le 22 mars 1968 qui met le feu aux poudres. Dans la foulée est créé le « mouvement du 22 mars » dont l’un des animateurs est Daniel Cohn-Bendit. Le 2 mai, le recteur fait fermer Nanterre.
Le lendemain, la police fait évacuer la Sorbonne et les étudiants dressent des barricades dans le Quartier latin. Pendant un mois, les étudiants résistent contre les matraques et gaz lacrymogènes des CRS. Mais, surtout, ils mettent l’imagination au pouvoir. Car Mai-68 est une révolte joyeuse, qui invente de nouvelles utopies, de nouvelles solidarités et va accoucher de la France moderne.
De l’université, la révolte gagne la France entière avec une grève générale qui débouche sur des avancées sociales. Le parti gaulliste aura beau remporter largement les législatives de juin, la France ne sera plus jamais la même…
Le Quartier latin s’est bien embourgeoisé, mais les lieux de mai-68 sont toujours là. Voici quelques-uns des plus emblématiques :
- La Sorbonne (place de la Sorbonne, 5e arrdt, photo) : c’est de la vieille Sorbonne – fondée au XIIIe s. – que part la révolte du Quartier latin, le 3 mai. C’est aussi ici, dans le grand amphithéâtre, qu’ont lieu les débats, les AG, les réunions des étudiants qui occupent la fac (ils ne sont pas les seuls !), réinventent le monde et résistent à la police.
- Place Edmond-Rostand (6e arrdt) : le célèbre slogan « sous les pavés, la plage » est né ici. En déterrant les pavés de la place pour dresser des barricades, les manifestants découvrent au-dessous du sable blond !
- Rue Gay-Lussac (5e arrdt) : épicentre de la mobilisation étudiante, cette rue haussmannienne bien large n’était pas très indiquée pour dresser des barricades. Dans la nuit du 10 au 11 mai, la rue est la cadre d’une lutte homérique entre étudiants et CRS. Le lendemain, le pouvoir recule : la Sorbonne est rouverte et les étudiants arrêtés libérés.
- Le théâtre de l’Odéon (place de l’Odéon, 6e arrdt) : occupé à partir du 15 mai, il est transformé en un forum permanent sur le théâtre populaire, la création dans la société de consommation et la révolution par l’art. Un des hauts-lieux de mai-68.
Texte : Jean-Philippe Damiani d'après "Paris balades"
Mise en ligne :