années 2000

Ragga rasta. Certains artistes percent le mur du son du ragga et arrivent à capter une audience conséquente avec leurs titres " cultural " ou " conscious " d'obédience rasta. C'est le cas de Luciano et des convertis Capleton, Sizzla, Buju Banton. Les vétérans Sly & Robbie jouent un rôle de premier plan dans la recherche d'artistes et de sons nouveaux (Innocent Kru).

On the roots again. Le ragga, même rasta, ne plaît pas à tout le monde. C'est ce qui explique le succès des revivalistes de Morgan Heritage et le maintien ou le retour des vieilles gloires telles que Burning Spear, Albert Griffith (Gladiators), Culture, LKJ, U-Roy, Lee Perry, Israel Vibration… Tous enregistrent et se produisent sur scène très fréquemment, aux États-Unis et en Europe. Cependant, les avis de décès fréquents nous rappellent que la vie en Jamaïque reste très dure. En permanence, les maladies incurables et les assassinats déciment les rangs des artistes, qui disparaissent souvent à des âges peu avancés. Par exemple, entre 1999 et 2000 sont ainsi décédés Bim Sherman, Dennis Brown, Tommy Mac Cook, Joe Higgs et Augustus Pablo. Et on en oublie…

Les rééditions affluent dans les magasins de disques des pays riches. Des labels excellents - restauration des masters, livrets riches en infos - côtoient malheureusement des trafiquants peu scrupuleux. Parmi d'autres, Blood and Fire, Heartbeat et Pressure Sounds se distinguent particulièrement par la qualité de leur travail.

Jazzmaïque. Nombre d'anciens musiciens de studios jamaïquains, inventeurs dans l'ombre des formes successives du reggae, font une percée sur la scène jazz. C'est le cas du saxophoniste Dean Fraser, du tromboniste Rico Rodriguez et du guitariste Ernest Ranglin. Dans un mouvement inverse, le pianiste Monty Alexander, jazzman jamaïquain qui a fait carrière aux États-Unis, explore le répertoire reggae.

Un ska à part : depuis le revival des années 1979-1980, les groupes sont nombreux, surtout aux États-Unis, à perpétuer ce style mâtiné de punk rock. Cela dit, plusieurs orchestres essaient de retrouver la ferveur originelle. Ainsi Jazz Jamaica ou les délirants Japonais de Tokyo Ska Paradise Orchestra, ou encore les Skatalites, formation historique dont peu de membres originels sont encore vivants.

Reggae ça rime avec français. La scène reggae française des années quatre-vingt a eu du mal à se développer. Plusieurs formations ont pourtant su trouver des formes variées et prometteuses (Savane, Azikmen, Ganja, Pablo Master…) tandis que les sound systems émergeaient. Passée une période de creux, on a vu apparaître de nouveaux talents en marge du boum hip hop (King Daddy Yod, Saï Saï, Tonton David, Raggasonic...). Mais, d'un coup, toute une nouvelle génération explose au pays de Gainsbourg (qui a enregistré deux albums reggae) sans toujours prendre ses distances avec les modèles jamaïquains (Tryo, K2R Riddim, Baobab, Sinsemilla, Pierpoljak, Lord Kossity…). Cas à part : les joyeux lurons de Massilia Sound System, dont le reggae dancehall mâtiné de musiques traditionnelles provençales est unique (et souvent très drôle !). Pendant ce temps, le producteur et musicien Martin Meissonnier ouvre de nouvelles perspectives avec son disque conceptuel " Big Men " qui fait se rencontrer deux styles qui ont beaucoup à se dire, le raï et le reggae.

Et l'aventure continue... Bien que mal considéré parce qu'étant d'origine populaire et parce que venant d'un pays du tiers monde, le reggae a pourtant, par ses constantes innovations, considérablement changé la manière de faire de la musique d'un point à l'autre du globe. C'est un fait historique incontestable, dont on peut toujours percevoir les effets. Cela dit, bien malin qui peut prévoir de quoi va être fait l'avenir de la musique jamaïquaine moderne. On entend dire parfois qu'elle est morte en même temps que Bob Marley. Une querelle des anciens et des modernes oppose en effet les amoureux du son d'avant le dancehall à ceux, les plus jeunes forcément, qui vibrent au martèlement du ragga. En Jamaïque toutefois, l'affaire est entendue : on n'est pas prêt d'arrêter de danser, de se marrer et, souvent, tout de même, de réfléchir à sa condition grâce au reggae. Quelle que soit la forme qu'il prenne. Démentant tous les diagnostics pessimistes, le pouls de ce cœur qui bat depuis quarante ans continue de nous faire palpiter. Et par conséquent de nous aider à mieux vivre.

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