Les premiers horizons
Une jeunesse indochinoise
" En ce temps, le Viêt-nam s'appelait l'Indochine.
" Bernard Moitessier naît en 1925 à Hanoi. Il passe son enfance
à Saigon à l'ombre des manguiers et tamariniers avec ses frères
Jacky, Francou, Gilbert et sa sœur Babette. Son père s'occupe d'une
maison de commerce florissante. Il achète des terres pour planter
des caféiers et créer des rizières. Moitessier, le fils d'agriculteur,
fera sa première évasion en mer à bord d'une jonque. Première navigation
de nuit avec les étoiles comme guide, pour rejoindre l'île de Tamassou.
Ce voyage d'une quarantaine de milles, avec, à l'arrivée, le soleil
levant sur le golfe de Siam, donnera à l'adolescent le virus de
la mer.
En 1945, à l'âge de vingt ans, Moitessier connaît les horreurs de la guerre avec le combat fratricide entre les Français et les Vietnamiens. Il s'engage aux côtés de l'armée française pour combattre les communistes vietnamiens. Le respect de la vie des autres le pousse à détourner son fusil quand l'ennemi se présente dans sa ligne de mire. Après la guerre, Moitessier quitte l'entreprise familiale, prospère pour se mettre à son compte dans une affaire de cabotage à la voile. Sans succès. Il part alors six mois en Europe qu'il découvre avec émerveillement. À bord du paquebot qui le ramène à Saigon, il rencontre son premier amour dont son premier bateau portera le nom : Marie-Thérèse. Les fiançailles sont aussi rapides que la rupture. Il est trop tôt pour se fixer avec femme et enfants. L'appel du large est plus fort.
Escales et naufrages
À vingt-six ans, c'est enfin le premier vrai grand départ, sur le Snark, un vieux bateau en bois en compagnie de son ami Deshumeurs. Les navigateurs en herbe veulent rejoindre l'Australie. Après avoir traversé le golfe de Siam et une escale à Singapour et aux îles Anambas, ils se retrouvent bloqués en Indonésie, faute de visas valides. Six mois plus tard, c'est le retour à Saigon, dépités mais heureux d'avoir vécu l'aventure. Revenir pour mieux repartir. Un départ en solitaire, sans le sou, avec le strict minimum sur la jonque Marie-Thérèse pour un long périple dans l'océan Indien qui mènera le navigateur de Kampot en Indochine jusqu'à l'atoll de Diego Garcia où, après quatre-vingt-cinq jours de mer, le bateau fera naufrage sous la violence de la mousson. Une longue escale forcée de trois ans où Moitessier exercera divers métiers pour se renflouer financièrement : charbonnier, pêcheur à l'île Maurice et conférencier… Toutes ses économies seront alors dilapidées dans la construction d'un nouveau bateau, un ketch de 8 m, Marie-Thérèse II, sur lequel il embarquera le 2 novembre 1955 pour une nouvelle aventure maritime. Très vite, le manque d'argent le forcera à jeter l'ancre sur les côtes d'Afrique du Sud. Les poches pleines à nouveau, Moitessier reprend la route pour finalement connaître un nouveau naufrage aux Antilles qui l'oblige à tourner le dos à ses rêves et à rejoindre la France comme matelot sur un pétrolier.
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