Losar, le nouvel an tibétain

Losar, le nouvel an tibétain
© Alain Schneuwly

Samedi 21 février, les Tibétains fêteront leur entrée dans l’année du Singe de Bois. Dans le calendrier tibétain, le passage au nouvel an, également appelé Losar, donne lieu à la fête célébrée avec le plus de ferveur. Si les rituels cérémonials sont essentiellement pratiqués en famille, Losar attire également, à Lhassa en particulier, de nombreux pèlerins venus assister aux manifestations religieuses. Mais en-dehors du Tibet occupé, c’est partout où la diaspora s’est réfugiée que l’événement continue d’être fêté.

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Les rouages du calendrier tibétain


Avant de nous intéresser aux festivités du Losar, arrêtons-nous quelques instants sur le calendrier tibétain. Celui-ci, basé sur les mouvements du soleil et de la lune, se décompose en douze mois lunaires de vingt-neuf ou trente jours. Tous les trois ans environ, on ajoute un mois intercalaire pour compenser le décalage avec le calendrier solaire, en fonction duquel s’organisent les travaux agricoles. La première année du calendrier tibétain correspond à l’an 127 av. J.-C. de notre calendrier grégorien, date à laquelle le roi tibétain Nyatri Tsenpo accéda au trône. Le Losar, qui est célébré le premier jour du premier mois lunaire, tombe le 21 février cette année : nous entrerons alors dans l’année 2131 du calendrier tibétain.
À cet aspect mathématique du calendrier se sont superposées de lointaines influences chinoises. Ainsi, on retrouve l’association d’un animal et d’un élément naturel pour dénommer chaque année. Dans ce panthéon astrologique se côtoient douze animaux (lièvre, dragon, serpent, cheval, mouton, singe, coq, chien, cochon, souris, bœuf et tigre) et cinq éléments (bois, feu, terre, métal et eau). Après le Mouton d’Eau en 2130, l’an 2131 du calendrier tibétain sera placé sous le signe du Singe de Bois.

Purification et renaissance spirituelles


Au Tibet comme au sein de la diaspora tibétaine, le Losar est la fête la plus importante de l’année. C’est le moment où l’on se débarrasse symboliquement de tout ce qui a été négatif au cours des douze derniers mois, et où l’on s’apprête dans la joie à entrer dans une nouvelle année pleine de promesses. Les cérémonies de passage au nouvel an sont avant tout familiales et s’étalent sur plusieurs jours.
Les familles tibétaines se réunissent pour commencer les rituels dès le vingt-neuvième jour du douzième mois. On nettoie la maison de fond en comble, afin d’éliminer tout ce qui est considéré comme impur. Puis on partage le Gouthouk, la « soupe du vingt-neuvième jour ». Cette soupe, garnie de boulettes de farine de blé, de viande et de radis, est porteuse de présages, symbolisés par quelques ingrédients inattendus : fil de laine pour la douceur, petit caillou blanc pour un esprit positif, ou morceau de charbon pour les pensées négatives à rejeter... À la fin du repas, on se purifie symboliquement le corps en le frottant avec des boules de tsampa (orge grillée). Chargées des éléments négatifs de chacun, elles seront déposées au-dehors et brûlées en compagnie d’une effigie, également en tsampa, représentant le mal. Enfin débarrassé de toutes ces mauvaises ondes, on peut débuter l’année sous de meilleurs auspices.
Le matin du jour de l’an, chacun endosse des vêtements neufs et c’est le moment de présenter ses vœux. Les divinités ne sont pas oubliées, auxquelles on lance des poignées de tsampa en signe de dévotion. Les autels de chaque foyer sont également ornés d’offrandes de toutes sortes : beignets, chang (bière d’orge), thé, sel, tête de mouton sculptée dans du beurre de yack, etc. La journée se passe en famille, entre prières, jeux et repas de fête.
Dès le lendemain, il est temps de sortir pour rendre visite aux proches et échanger les vœux. Et c’est le troisième jour que l’on peut apercevoir, hissés sur le toit de chaque maison et des lieux de culte, de nouveaux drapeaux de prière tandis que les anciens sont brûlés. Les Tibétains s’éloignent de la ville et vont allumer, sur les collines alentour, de petits feux de genévrier, ultime rituel destiné à invoquer la bienveillance des divinités protectrices.

Les festivités du Losar à Lhassa


Au Tibet, si la ferveur des célébrations du Losar s’est inévitablement tempérée depuis l’occupation chinoise, c’est à Lhassa que l’on pourra encore le mieux apprécier la fête. En-dehors des rituels partagés en famille, la ville est le cadre, pendant plusieurs jours, de courses hippiques, de carnavals et de représentations théâtrales.
Surtout, le troisième jour de l’année, débute le festival du Mönlam Chenmo, « la grande prière ». De grands débats philosophiques sont alors organisés, qui attirent les membres des plus importantes universités monastiques de la région de Lhassa : Drépung, ancien siège de la célèbre secte des « Bonnets jaunes », Séra, Ganden... Le festival attire de nombreux pèlerins et est ponctué de cérémonies impressionnantes. Le quinzième jour, par exemple, de gigantesques statues en beurre de yack sont exposées autour du Barkhor, le chemin de pèlerinage qui entoure le temple sacré du Jokhang, et l’on y assiste à des spectacles de chant et de danse.
Le festival se termine le vingt-cimquième jour, pendant lequel on peut voir la fameuse statue du Bouddha du futur, Maitreya, sortie du Jokhang et promenée en parade autour du Barkhor, en signe de bénédiction de la population.

Pendant ce temps-là, à Dharamsala...


N’oublions pas que le Tibet est un pays sous occupation chinoise, et que son gouvernement siège en exil à Dharamsala, dans le nord de l’Inde. C’est là que sont désormais organisées les cérémonies officielles du nouvel an tibétain, en présence du dalaï-lama. Elles se déroulent en deux étapes, le premier et le deuxième jour de l’année.
Le premier jour, ou Lama Losar, est consacré aux affaires religieuses. Les grands dignitaires des principaux courants monastiques viennent présenter leurs vœux au dalaï-lama. Cette journée est également réservée à des rituels de prières à l’adresse de la déesse protectrice Palden Lhamo, afin qu’elle renouvelle sa bienveillance.
Le lendemain, c’est au tour des dignitaires laïcs, c’est-à-dire les membres du gouvernement en exil, de venir présenter leurs vœux au dalaï-lama. C’est pourquoi le deuxième jour est appelé Gyalpo Losar, le nouvel an du roi. S’ensuivent de nouveaux rituels de prières.
Ainsi à Dharamsala, la perpétuation des cérémonies officielles du Losar autour du dalaï-lama rappelle que même en exil, celui-ci reste le chef religieux et laïc incontesté des Tibétains.

Où s’imprégner de l’atmosphère du Losar en France ?


En France, on pourra fêter le nouvel an, comme un vrai Tibétain, de deux façons principales : en commandant un menu « spécial Losar » au resto (à réserver à l’avance), ou bien en prenant part aux festivités organisées dans l’un des centres bouddhiques tibétains implantés en France. Quelques adresses :

Un resto à Paris
- Kokonor, 206, rue Saint-Jacques, 75005 Paris. Tél. : 01-43-29-96-14. RER B : Luxembourg. Kokonor est le nom du plus grand lac tibétain, situé dans la région de l’Amdo, lieu de naissance de l’actuel dalaï-lama. Sur les hauts murs en pierres apparentes, thanghas, photos, drapeaux de prière, panneaux décoratifs colorés, petit autel avec ses offrandes... Le ton est donné, à la fois calme et joyeux. Une adresse à la fois simple et délicate, pour un petit voyage sur le toit du monde. Menu « spécial Losar » à 34 €, comprenant l’apéritif (essayez le chang !) et la boisson.

Centre bouddhique
- Congrégation Dachang Vajradhara-Ling, Domaine du Château d'Osmont, 61120 Aubry-le-Panthou. Tél. : 02-33-39-00-44. Internet : www.kagyu-dzong.com. Situé en Basse-Normandie, le domaine a été reconnu congrégation monastique en 1999. Le 21 février, les cérémonies du Losar se tiendront toute la journée. Elles se termineront avec un repas tibétain. Participation de 20 €, à réserver avant le 15 février.

Pour en savoir plus


- Sur la situation actuelle au Tibet : Bureau du Tibet à Paris, 84, boulevard Adolphe Pinard, 75014 Paris. Tél. : 01-46-56-54-53. Internet (en anglais) : www.tibet.com. Attention, il ne s’agit pas d’un office de tourisme, mais d’un bureau représentatif du dalaï-lama et de son gouvernement en exil. Il a pour mission de sensibiliser l’opinion publique à la situation du Tibet.
- Un site internet : www.tibet-info.net. Portail d’information sur l’actualité du Tibet, agenda culturel et dossiers sur les traditions tibétaines.

Texte : Clémentine Bougrat

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