Fêter Saint Patrick en son fief
Le 17 mars, l’Irlande célèbre son saint patron et, à travers le monde, la diaspora irlandaise lève son verre en l’honneur de Patrick. Si c’est à Dublin qu’ont lieu les festivités les plus spectaculaires, Downpatrick fait la fête pendant dix jours, du 10 au 20 mars, en l’honneur du grand homme irlandais. Et pour cause : Saint Patrick est enterré dans cette petite ville, berceau du christianisme irlandais, qui se trouve... en Irlande du Nord. Une terre où l’héritage de Saint Patrick est revendiqué par les Irlandais de toutes les confessions.
Préparez votre voyage avec nos partenairesLa fierté du pays de Down, en Irlande du Nord
Aléa ironique de l’histoire, Saint Patrick, que l’on célèbre le même jour que
la fête nationale irlandaise, repose en territoire britannique. En effet, selon
la légende, l’homme serait enterré en Ulster dans un cimetière de Downpatrick,
capitale du comté de Down. Nul ne sait au juste si son squelette se trouve vraiment
sous la grosse dalle qui porte son nom. Mais l’histoire a retenu qu’il est mort
en 461 à Saul, à quelques kilomètres de Downpatrick, après avoir évangélisé
l’Irlande.
Le comté de Down regorge d’ailleurs de traces du passage de Patrick au Ve siècle.
Et Downpatrick, comme il se doit, a ouvert un intéressant musée qui lui est
consacré. Installé dans un superbe bâtiment de verre et d’ardoise, le St Patrick
Visitors’ Center abrite une exposition multimédia sur ce célèbre Irlandais né
en Écosse, qui mena une vie de routard évangélisateur.
Véritable aventurier, Saint Patrick fut kidnappé à seize ans par des
pirates, vendu comme esclave en Irlande, avant de se réfugier dans les monastères
de Gaule et de devenir celui qui, en réponse à un appel divin, convertit au
christianisme le peuple irlandais. Selon la légende, Patrick a expliqué les
mystères de la Trinité aux Irlandais à l’aide d’un trèfle (devenu depuis symbole
du pays) et... chassé les serpents d’Irlande. On peut dire qu’il a bien réussi
son coup, puisqu’il n’y en a plus un seul aujourd’hui sur l’île verte !
Jamais canonisé par Rome, Patrick ne doit pas son statut de saint à son art
de charmer les reptiles, mais à une volonté populaire incontestable... C’est
dire si les Irlandais l’aiment, et, particulièrement en Irlande du Nord, où
Saint Patrick est considéré par les catholiques comme le fleuron de l’identité
irlandaise.
Un saint, deux religions
Mais, ici, rien n’est simple : les protestants d’Ulster revendiquent également
l’héritage culturel et spirituel de Saint Patrick. Leur argument paraît irréfutable :
Patrick a vécu bien avant le schisme entre catholicisme et protestantisme. Il
n’appartiendrait donc à aucune communauté.
Armagh, la ville voisine de Downpatrick
où Patrick a fondé son église principale en 445, est devenue, par exemple,
le siège des archevêchés catholique et protestant et la capitale spirituelle
de l’Irlande. Sur l’emplacement de la première église fondée par Saint Patrick
s’élève aujourd’hui une église anglicane. Le 17 mars, à Armagh, les primats
catholique et anglican d’Irlande disent traditionnellement un service dans leur
cathédrale respective pour célébrer leur saint patron commun. Mais, en Ulster,
et notamment à Belfast, les célébrations sont souvent sujettes à controverse
entre les deux communautés : par exemple les catholiques défilent habillés
en vert, les protestants en rouge.
Downpatrick, pour sa part, organise un festival qui se veut fédérateur et consensuel.
L’an dernier, la ville a ainsi accueilli plus de mille cinq cents danseurs et
musiciens de fanfares représentant les deux principales traditions nord-irlandaises :
gaélique et irlando-écossaise. Le festival qui se déroule cette année du 10 au
20 mars, se revendique haut et fort comme inter-communautaire : c’est
la fête de tous les Irlandais.
Un marathon festif de dix jours
Et il y a de quoi s’amuser... Downpatrick a concocté un marathon de dix jours,
avec une centaine d’événements, dont des concerts de musique, des pièces de
théâtre (avec, curieuse idée, l’adaptation de La Métamorphose de Kafka
par Steven Berkoff), des jeux pour enfants, des randonnées sur les traces de
Saint Patrick, des soirées au pub, des courses cyclistes et hippiques, une fête
foraine, des lectures de contes traditionnels... En cas d’épuisement, don’t
worry : il y a toujours une bonne Guinness au pub du coin pour se désaltérer
et la bière coule à flots.
Deux concerts sont très attendus : le jeudi 16, celui du groupe de
musique celte Blazin’Fiddles et, le lendemain, celui du chanteur populaire Sean
Kane. Enfin, le 17 mars, jour de la Saint Patrick, le traditionnel défilé
réunit, à Downpatrick et à Armagh, plusieurs milliers de personnes costumées,
des chars et des groupes de musique folk, sous le thème de la jeunesse, à Downpatrick,
et de la vie de Saint Patrick, à Armagh. Enfin, pour ne fâcher personne, ni
le vert ni le rouge ne seront officiellement les couleurs dominantes. À Downpatrick,
toutes les couleurs de l’Irlande se réunissent en l’honneur du patron de tous
les Irlandais. On peut même y trouver des trèfles multicolores !
Sur la terre de Saint Patrick, la fête bon enfant, familiale et conviviale,
veut faire oublier les crispations communautaires. Reste à savoir si elle y
parviendra véritablement... Le routard de passage, quant à lui, pourra apprécier
la légendaire joie de vivre et l’hospitalité des Irlandais. Et humer un peu
de cet air pacifié qui flotte sur l’Irlande du Nord, qui a su évoluer depuis
l’accord de paix historique du 10 avril 1998 entre catholiques et
protestants.
Pour en savoir plus
Où dormir ?
- Denvir’sHotel : English Street, Downpatrick. Tél. : (00-44)
28-44-61-20-12. Internet : www.denvirshotel.co.uk.
Dans la rue qui mène à la cathédrale, l’un des plus anciens relais à chevaux
d’Irlande, ouvert depuis 1642. Chambres pleines de charme à tarifs B&B
(55 £, soit 82 €) et bon resto avec des plats à partir de 7 £
(11 €).
Sur le Web
- Programme complet du festival de la Saint Patrick à Downpatrick :
www.st-patricksdayfestival.com
- Office du tourisme de Downpatrick : www.downdc.gov.uk
- Saint Patrick Centre : www.saintpatrickcentre.com
Texte : Jean-Philippe Damiani
Mise en ligne :