Dans l’ombre du condor
Auteur : Jean-Paul Delfino
Editeur : Éditions Anne-Marie Métailié
315 Pages
C’était au temps où, pour reprendre les mots de Stefan Zweig, le Brésil était « terre d’avenir ». Brasilia venait de sortir de terre. Le président Juscelino Kubitschek donnait aux Brésiliens l’espoir d’une vie meilleure. Et Rio de Janeiro connaissait son âge d’or : João Gilberto et Anton Jobim inventaient la bossa nova… C’était au début des années 1960.
Lucina, seize ans, est une jeune carioca passionnée par la musique et la politique. Esprit libre, son cœur penche à gauche, du côté des anti-colonialistes. Paulo, vingt ans, est un jeune journaliste ambitieux. Tous deux sont amis d’enfance et leur avenir semble s’écrire à deux. Mais les États-Unis s’inquiètent de la fièvre d’émancipation qui gagne alors l’Amérique du Sud. La CIA met sur pied le « Plan Condor », qui vise à renverser les démocraties naissantes, afin de les remplacer par des dictatures à la solde de l’Oncle Sam.
En 1964, les Généraux prennent le pouvoir au Brésil. Lucina, qui milite dans le mouvement étudiant, est arrêtée et torturée dans d’abominables conditions. Marié avec la fille de l’ambassadeur des États-Unis, Paulo collabore avec le nouveau régime. Les chemins des deux amis se séparent. Lucina écoute sa conscience tandis que Paulo, aveuglé par son ambition, vend son âme à la police militaire, autant dire au diable…
Après Corcovado, Jean-Paul Delfino signe le deuxième volet d’une trilogie consacrée au Brésil, un pays qu’il connaît très bien. Reposant sur une solide documentation historique, Dans l’Ombre du condor rouvre une page sombre de l’histoire de ce pays et des États-Unis, emplie de terreur et de meurtres. Le roman de Delfino n’est pas seulement un constat indigné qui fait le procès de la diplomatie aux mains sales de Washington. Grâce à ses personnages attachants, Dans l’Ombre du condor est aussi, et surtout, un récit efficace et émouvant. Delfino rend un chaleureux hommage aux combattants de la liberté brésiliens qui durent s’exiler pour survivre. On referme ce beau roman le cœur lourd, mais aussi rempli d’espoir.
Texte : Jean-Philippe Damiani
Mise en ligne :