Le Brésil au XXIe siècle
Auteur : Alain Rouquié
Editeur : Éditions Fayard
420 Pages
Où en est le Brésil après la réélection de Lula le mois dernier ? Écrit par un éminent spécialiste de l’Amérique latine, Le Brésil au XXIe siècle permet de mieux connaître ce pays paradoxal qui, champion du monde des inégalités sociales, a porté à sa tête un ouvrier-tourneur, fils de paysans misérables du Nordeste.
Alain Rouquié, directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques, a été un observateur privilégié du Brésil, car il fut ambassadeur de France à Brasilia de 2000 à 2003. Après un panorama exhaustif et passionnant de l’histoire brésilienne, son étude donne les clés pour comprendre le géant sud-américain : ses mythes fondateurs, le rôle prépondérant de sa géographie, le poids du colonialisme, le rôle clé de l’État, le culte du progrès et des nouvelles frontières à conquérir sont successivement abordés au fil des chapitres.
Selon Rouquié, l’élection de Lula n’a rien d’un hasard. L’irrésistible ascension du président, élevée au rang de mythe, reflète la prodigieuse mutation du Brésil qui joue aujourd’hui un rôle de premier plan sur la scène internationale. Or, Lula doit en partie sa victoire à son prédécesseur.
Sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso (de 1995 à 2002), le géant sud-américain a connu une formidable modernisation, qui a permis l’alternance tranquille avec le « révolutionnaire » du Parti des Travailleurs. Les progrès économiques et politiques des années Cardoso – essentiellement la stabilisation de la monnaie et la diminution du clientélisme – sont indéniables. Mais ils ont conduit à ce double paradoxe : l’élection de Lula, son adversaire, et la continuité politique dont a fait preuve ce candidat de la « rupture » antilibérale, devenu social-démocrate une fois au pouvoir.
Aujourd’hui, le Brésil, qui montre une remarquable stabilité économique et monétaire, est devenu une puissance diplomatique incontournable dans la région et dans le monde. Voulant servir de contre-poids à la domination de Washington, Brasilia tisse de nombreux liens avec les pays du Sud et s’oppose de toutes ses forces au protectionnisme agricole des pays riches.
Il y a toutefois une sérieuse ombre au tableau : la pauvreté, qui touche près d’un Brésilien sur deux, et la violence demeurent endémiques, malgré le programme volontariste « faim zéro ». Le poids du passé est lourd dans cette « terre d’avenir » (comme l’appelait Stefan Zweig) qui compte, avec la Chine et l’Inde, parmi les grandes puissances émergentes de ce début du siècle. Le Brésil porte toujours les stigmates de trois siècles d’esclavage, du coronélisme et du clientélisme. Cette démocratie, qui se veut métissée, a encore du chemin à faire pour voir chacun de ses enfants accéder à une pleine citoyenneté.
Texte : Jean-Philippe Damiani
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