Histoire de mes assassins

Auteur : Tarun Tejpal

Editeur : Buchet-Chastel

565 Pages

À Delhi, un dimanche, un journaliste indien réputé pour son intégrité… un dimanche, que l’on devine ne pas être le premier, où il fuit le domicile conjugal pour se retrouver devant son bureau de journaliste, dans un immeuble quasi vide. C’est là qu’une drôle de nouvelle lui parvient : la police vient d’arrêter des hommes qui s’apprêtaient à l’assassiner…
Font alors intrusion dans son univers toute une série de nouveaux personnages : un inspecteur de police avec lequel il va nouer une relation presque littéraire, d’innombrables ombres tout aussi policières et plus ou moins interchangeables chargées de sa protection, et la personnalité de ses 5 assassins… Lesquels viennent enrichir la galerie des portraits qui font déjà son quotidien : sa femme Dolly-Doll (« super-poupée », en gros), alibi social qu’il ne fait guère que croiser ; Sara, sa maîtresse, une intellectuelle féministe engagée, avec laquelle il s’envoie en l’air après des joutes intellectuelles et des salves d’injures ; Jai, son associé dans le journal d’investigation qu’ils tentent tout deux de maintenir à flots ; son Guru, consulté régulièrement par téléphone…
Paradoxalement, c’est Sara qui semble la plus préoccupée par la tentative d’assassinat et la personnalité des « assassins » désormais en prison… Le lecteur ne sait pas trop qui narre l’histoire assez terrible de chacun d’eux, héritier individuel et collectif de la destinée du pays. Chaku, issu de l’Inde rurale dans toute sa misère, soumise aux potentats locaux, artiste du couteau ; Kabir, malheureux destin généré par la partition du pays en 1947 ; Kaliya et Chini, les enfants abandonnés grandis tout seul dans la gare de Old Delhi ; Hathoda Tyagi, le tueur à gage-justicier au marteau assassin…
La question se pose aussi de savoir si le complot a vraiment été fomenté, ou n’est qu’un prétexte pour se débarrasser de ces assassins, tous victimes très –trop – jeunes d’une société profondément inégalitaire et largement corrompue… Les différentes hypothèses seront nourries ou déjouées par des personnages parfois inattendus.
Histoire de mes assassins est une subtile fresque de la société indienne, pétrie dans ses contradictions, entre nouveaux riches, magouilles politiques et corruption généralisée, castes toujours omniprésentes, laissés-pour-compte de l’Inde qui brille, bandits de grand chemin redresseurs de torts… Sans oublier une pirouette finale qui rend à un semi-fantôme son existence pleine et entière.
Enfin, Tarun Tejpal étant lui-même un journaliste d’investigation de grand renom en Inde, fondateur du journal Tehelka, se pose la question : qu’est-ce qui relève, dans cette fiction, de la mise en abyme de sa propre condition de journaliste indépendant ?

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