Prague insolite
Holešovice soigne son identité
En se promenant dans le quartier de Holešovice, à Prague 7, on a parfois l’impression d’un retour à la conquête industrielle du XIXe siècle. Rien de lugubre toutefois car les usines qui parsèment l’arrondissement ne crachent plus de fumée. Certaines ont été rénovées avec goût pour être reconverties, non pas en loft, mais en commerces ou en club. Ce patrimoine industriel sauvegardé fait toute l’originalité d’un quartier en plein renouvellement, situé à seulement quelques stations de trams du centre.
La rue Komunardů condense l’identité des lieux. Au n°5, on peut encore voir la première usine tchèque de compteur à eau, construite en 1884 (la même année, le faubourg de Holešovice était rattaché à la ville de Prague). Jardinet et villa où logeaient les employés, lierre courant sur les briques rouges, cheminée pointant vers le ciel, fenêtres aux fines rainures, tout est là, restauré comme à l’origine avec soin... Aujourd’hui, l’usine abrite une imprimerie et, à l’étage, un cabinet d’architectes. Il y a même une toute petite salle d’expo, ornée d’une colonne cubiste et d’une baie vitrée au plafond.
Également rénovée, la première brasserie industrielle de Prague remonte à 1895 et trône fièrement quelques dizaines de mètres plus loin. Elle abrite aujourd’hui des bureaux modernes mais a conservé sa cheminée semi-couverte et ses façades crénelées. On trouve encore d’autres vieilles cheminées, plus brutes de décoffrage, dans la rue Kommunardů. Ainsi dans la cour intérieure du n°32 (passage ouvert) et, juste à côté, sur le toit de La Fabrika, une ancienne usine reconvertie en club culturel (en 2007, il accueillait Komikfest, un festival international de bande-dessinée). La liste n’est pas close et elle s’étend au quartier de Libeň, au-delà du fleuve...
Le plus étonnant, c’est peut-être l’harmonie conservée entre ces anciens sites industriels et l’architecture du quartier. D’ailleurs, dans la rue Komunardů, quelques chouettes façades Art nouveau-Art déco n’attendent qu’un bon coup de pinceau pour donner leur pleine mesure. Emblématique, Holešovice évoque la puissance industrielle de la toute nouvelle Tchécoslovaquie en 1918 mais aussi son rôle comme vitrine du bloc de l’Est dans les années 1950.
Le quartier abrite aujourd’hui quelques clubs prisés par la jeunesse pragoise, qui déserte un peu les bars branchés du centre. Parmi ceux-ci, le déjà culte Cross Club propose caves en voûtes et mezzanines folles pour se trémousser. En guise d’accueil, une série d’engrenages... industriels bien sûr !
Texte : David Alon
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