Californie, sur la Route 1

Californie, sur la Route 1
Big Sur © JFL Photography - stock.adobe.com

S’étendant sur un peu plus de 1 000 km entre Dana Point et Leggett, la California State Route 1 (ou Highway 1) fait partie du club très sélect des plus belles routes du monde. La Californie y déroule une côte de toute beauté, où le Californian way of life prend des dimensions autrement plus naturelles.

Le tronçon entre Santa Barbara et Monterey donne à voir, entre deux haltes dans des villes au charme certain, des paysages spectaculaires. Départ de Santa Barbara, entre clichés et palmiers, pour s’engager sur le Camino Real, la voie des vieilles missions espagnoles.

Plus avant, la Route 1 fait cavalier seul. Léchée d’abord par les vagues du Pacifique, elle s’élève en tortillonnant au flanc d’une côte sauvage, toute de falaises, de criques cachées au sable doré et de forêts de séquoias. Une vraie ode à la Californie sauvage.

Partiellement fermée depuis 2017 en raison d'un glissement de terrain, la Highway 1 rouvre intégralement fin juillet !

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Santa Barbara, la Riviera américaine

Santa Barbara, la Riviera américaine
County Courthouse © giumas - stock.adobe.com

Santa Barbara. C’est sur la promenade longeant East Cabrillo Blvd que commence la balade, à l’ombre des palmiers. Tout contre, joggers et patineurs en roller, casquette vissée en tête, glissent sur le ruban de béton lancé à même le large tapis de sable d’East Beach

À son extrémité, l’interminable Stearns Wharf, la plus ancienne (1872) et la plus longue jetée de Californie, prend le large avec ses 700 m de planches appuyées sur une forêt de 2 307 piliers de bois. À ses pieds, West Beach, large comme un aérodrome, accueille les pirogues à balancier du club local.

En tournant le dos au grand bleu, State Street joue les colonnes vertébrales. Dès les premiers yards, la ville affirme son héritage hispanique, à grand renfort de bâtiments de style renouveau colonial espagnol, bâtis après le séisme dévastateur de 1925. Le vieil Arlington Theater, matiné d’Art Déco, fait écho à la proche County Courthouse, aux influences mauresques. Jolie unité, renforcée par les authentiques murs en adobe du Presidio, l’une des 4 places fortes de la Californie espagnole, bâti en 1782.

À deux pas, le Santa Barbara Museum of Art ne manque ni de Chagall ni de Matisse, légués par de grandes fortunes locales. Starifiée par la série Santa Barbara dans les années 1980, la ville, qui a vu naître le cinéma américain avant Hollywood, abrite l’une des plus hautes concentrations de hauts revenus des États-Unis… Parmi eux, Kevin Costner, Tom Cruise, Leonardo DiCaprio et le presque centenaire Kirk Douglas.

Californie, terre de missions

Californie, terre de missions
Mission de Santa Barbara © Frankix - stock.adobe.com

L’escale à la vieille mission de Santa Barbara (1820) ouvre une fenêtre plus spirituelle, avec les filets d’eau de sa jolie fontaine moussue annonant leurs prières. Derrière la façade néoclassique à colonnes roses, les lourdes poutres, les stucs colorés, les sombres crucifixions affirment une volonté farouche de traverser le temps.

Dès le XVIe s, la mythique Californie inventée par les conquistadores se révèle décevante. Le temps d’avaler l’affaire et un franciscain, Junipero Serra, entreprend de justifier la conquête en convertissant les païens. Entre 1769 et les années 1820, 21 missions sont édifiées au fil du Camino Real, le « chemin royal », à plus ou moins une journée de cheval les unes des autres. Bien des villes majeures portent aujourd’hui leur nom : San Diego, Santa Barbara, Santa Cruz et jusqu’à San Francisco…

La plupart des missions ont survécu aux siècles et aux séismes. Au nord de Santa Barbara, près des vastes champs de fleurs et de fraises de la Lompoc Valley, La Purisima (1812) restitue superbement le quotidien d’autrefois, avec ses moutons et ses poules.

Les toits de tuiles rousses et les murs roses clairs, écrasés de soleil, renferment les dortoirs des soldats qui veillaient sur les moines, les appartements guère plus reluisants de leur commandant et les ateliers d’artisanat. Les Indiens, convertis à tour de bras, y trimaient jour après jour pour le salut de leur âme… Le lieu serait hanté. Une chose est sûre : il a une âme.

Pismo Beach, le royaume des papillons

Pismo Beach, le royaume des papillons
Papillons monarques © Jeremy - stock.adobe.com

Plantée dans les terres, au pied des sierras boisées de Santa Ynez, où rodent les roasdsters, Solvang détonne dans le tableau californien. Moulin, façades à colombages, bakerei, sabotiers et copie de la Petite Sirène… un décor de cinéma ? Presque. Cette bourgade, fondée il y a un siècle par des Danois, est devenue une escale obligée. Le temps d’avaler une soupe de pois et on file vers le nord.

La route 101 retrouve l’océan Pacifique à Pismo Beach. Une station typiquement californienne avec ses larges avenues rectilignes (Speed Limit : 35), ses motels, ses fast-foods et ses RV Parks où hivernent les snow birds (retraités fuyant le froid) descendus des États du nord.

Ils ne sont pas les seuls à avoir fait le voyage. A Butterfly Grove, les gros bosquets d’eucalyptus, baignant dans une odeur de feuille sèche mentholée qui envahit les narines, voient revenir chaque mois de novembre des papillons orange et brun par centaines.

Sous des abords discrets, le monarque est un véritable phénomène : chaque automne, il parcourt entre 1 000 et 5 000 km pour gagner ses aires d'hivernage. Parcourant 35 km par jour en moyenne (avec des pointes à 130 km !), il lui faut entre un et quatre mois pour rejoindre sa destination finale…

La population née à l'est des Rocheuses gagne jusqu’aux sierras mexicaines. Celle née à l’ouest descend, elle, sur les côtes californiennes. Elle y restera jusqu’en février ou mars, avant d’entamer la longue remontée vers le nord, que poursuivront les 4 ou 5 générations suivantes. Étonnante mémoire génétique.

Hearst Castle, le palais de Citizen Kane

Hearst Castle, le palais de Citizen Kane
Piscine intérieure du Hearst Castle © Chris - stock.adobe.com

À San Luis Obispo, née elle aussi autour d’une mission espagnole, la route 1 bifurque vers le nord. Progressant entre l’océan et des troupeaux de collines moutonnantes à l’herbe rase, elle atteint la gentille bourgade de Cambria : une halte très honorable, avec ses bâtisses de briques, ses magasins “d’antiquités” remontant au moins à l’ère Nixon, son saloon et son liquor store Art déco.

Le lendemain, il faudra être à pied d’œuvre, résa en main, pour toquer à la porte de Hearst Castle. Au programme : la visite de l’invraisemblable résidence secondaire de William Randolph Hearst, magnat de la presse du siècle dernier. Perchée sur une crête à 500 m d’altitude, au terme d’une route tortueuse accessible seulement en bus depuis le Visitor Center, cette modeste masure de 115 pièces (dont 38 chambres et 41 salles de bains) commença d’être bâtie en 1922. Elle n’était toujours pas achevée à la mort de Hearst en 1951…

Un château croulant sous les chefs-d’œuvre glanés dans toute l’Europe, éclectique en diable, démesuré et grandiloquent avec sa piscine romaine aux mosaïques bleues et son zoo personnel où gambadaient antilopes, kangourous, girafes et drôles de zèbres…  Hearst Castle fit dire à l’acteur George Bernard Shaw que “Dieu aurait bâti la même s’il avait eu l’argent pour le faire”!

Charlie Chaplin, Clark Gable, Cary Grant ont tous traîné leurs guêtres ici… bien obligés, les critiques maison faisaient la pluie et le beau temps. Orson Welles, qui s’inspira de la vie de Hearst pour Citizen Kane, faillit d’ailleurs finir ruiné.

Piedras Blancas et ses éléphants de mer

Piedras Blancas et ses éléphants de mer
Eléphants de mer à Piedras Blancas © htrnr - stock.adobe.com

6 h, plage de Piedras Blancas. Le soleil franchit à peine la barrière des monts Santa Lucia, refuge inaccessible des derniers condors de Californie. En contrebas, déjà, quelques éléphants de mer se prélassent. Des femelles et des jeunes, formes oblongues, grassouillettes, blotties les unes contre les autres, au pied du talus.

Les uns après les autres, ils débarquent. Luisants d'eau froide, ils observent un instant les lieux, puis traversent en se déhanchant le carré de sable, pour s'entasser toujours plus nombreux aux rayons du soleil levant. Plus loin, à la limite du ressac, deux mâles immatures miment les combats à la mode des adultes : face à face, ils se jettent l'un sur l'autre, projetant vers l'avant, par grands mouvements brusques, la tête et le corps.

Dans quelques années, le sang giclera lorsque s'affronteront ces mêmes animaux devenus des monstres de chair pouvant peser jusqu’à 2 tonnes, emmanchés d'une trompe de chair flageolante pouvant atteindre 60 cm ! Pour l'heure, la plupart des grands mâles sont au large, en attendant de revenir bientôt muer.

Quasiment exterminés pour leur graisse au XIXe siècle, réfugiés sur quelques îlots mexicains, les éléphants de mer ont peu à peu reconquis le Pacifique Nord. Ils étaient une vingtaine, en 1990, à prendre possession de cette jolie plage isolée au pied de la route côtière. Ils seraient 17 000 désormais à fréquenter les lieux à un moment où l’autre de l’année — plus particulièrement fin janvier, fin avril et fin octobre.

Big Sur, vertiges de la route en Californie

Big Sur, vertiges de la route en Californie
Mac Way Falls © JFL Photography - stock.adobe.com

Passé Piedras Blancas, la Route 1 amorce son parcours le plus intrépide. Déroulé en 1937 seulement, le ruban de goudron serpente ici à flanc de falaise, franchissant une succession de vallées encaissées, de caps et d'à-pic. La vue est plongeante, le Pacifique omniprésent, le vertige constant.

Lorsque les tempêtes hivernales entrent en scène, il n'est pas rare que les glissements de terrain entravent le chemin. Parfois, quelques jours de travaux suffisent pour remettre la voie en état. Parfois, des mois de labeur sont nécessaires. Pendant plus d'un an, la Route 1 est restée coupée en deux endroits, transformant de fait Big Sur en une île improvisée. Elle rouvre à la circulation à la fin du mois.

Peu avant d'y parvenir, une halte s'impose. Au Julia Pfeiffer Burns State Park, les Mac Way Falls font leur cinéma : les chutes, plus nourries au printemps, se jettent d'un promontoire boisé sur une plage de sable beige, déserte, tapissant le font d'une anse solitaire. Du chemin littoral, perché sur les hauteurs et sous les feuilles longues des eucalyptus, le point de vue est imprenable — et l'odeur entêtante.

Enfin, voici Big Sur, repaire d’artistes depuis qu’Henry Miller y fuit la civilisation. Ici, sapins et séquoias recouvrent tout. D'entre les cimes, des toits dépassent, avec vue sur l'océan.

Une voie étroite descend lentement vers Pfeiffer Beach : un paradis de plus, immensité sauvage de sable gris, ponctuée de rochers noirs et d'un îlot troué d'une arche. Là se jette un ru, au pied de falaises qu'enrobent au matin les bancs de brume formés au contact de la mer froide et de la terre chaude.

Carmel et le 17-Mile Drive

Carmel et le 17-Mile Drive
Lone Pine sur le 17 Mile Drive © Timothy - stock.adobe.com

Rien n'indique le Garrapata State Park sinon le batifolage des loutres de mer. Décimées elles aussi pour leur fourrure, elles reconquièrent peu à peu leur ancien domaine, ici comme à Point Lobos, où elles partagent les eaux et les criques avec phoques et otaries. Sur des lits de kelp, ces algues géantes pouvant atteindre 100 m de long, elles flottent, s'amarrent, cassent d'une patte expertes les coquillages.

Carmel la cossue est vite là, entre pins et cyprès. Sa mission si mignonne, parmi les plus anciennes (1770), s’entoure d’un jardin foisonnant, serein, où se dressent de grands arbres, poussent des glycines et gargouille une fontaine. C’est là que Junipero Serra, le zélateur des missions, a (judicieusement) choisi de reposer pour l’éternité.

La côte rocheuse, cassante, ourlée par l’écume blanche des rouleaux d’un océan pas si pacifique, se livre au regard à travers les branches tout au long du célèbre 17-Mile Drive. En ligne de mire : Monterey, terminus de cette jolie balade.

On en profite pour rendre hommage aux belles demeures victoriennes de Pacific Grove et aux vieilles conserveries de Cannery Row, passées à la postérité grâce à Steinbeck. L’aquarium de Monterey, pionnier dans le domaine des super-aquariums modernes, est de loin plus intéressant. Et les otaries mutines du Fisherman’s Wharf plus attendrissantes.

Fiche pratique

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Climat

En Californie du Sud (donc à Santa Barbara et jusqu’à San Luis Obispo), le soleil brille toute l'année, même si le thermomètre baisse logiquement en hiver (8-18° C). Plus au nord, les pluies se font de plus en plus soutenues à la mauvaise saison et le thermomètre chute de 4-5 °C en raison des courants froids qui longent le littoral. Il n’est pas rare que des bancs de brume s’accrochent aux côtes, y compris en été.

Comment s’y rendre ?

Rien de plus simple : outre les aéroports de Los Angeles et de San Francisco, on peut atterrir à Santa Barbara ou San José, d’où l’on rejoint aisément la route 1. La voiture est presque obligatoire pour bien profiter de l’itinéraire.

À défaut, on peut emprunter les minibus Green Tortoise qui, entre mai et septembre, proposent 1-2 trip(s) mensuel(s) de 3 jours (aller simple) entre San Francisco et LA par la Route 1 (260 $).

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Hébergement

Si on trouve généralement des motels dans les 60-80 $ hors saison, les prix grimpent le week-end, voire s'envolent les jours fériés et en plein été. Pour faire baisser la note, on peut miser sur le camping : on en trouve tout au long de la Route 1, notamment dans les State Parks, souvent très agréables. Il y a aussi des bed and breakfast, parfois très beaux et souvent installés dans des demeures historiques — mais là, bien sûr, les tarifs flambent. Si vous devez visiter la région en haute saison, mieux vaut réserver à l’avance.

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