Îles Féroé, l’archipel spectaculaire

Îles Féroé, l’archipel spectaculaire
Gasadalur © Alexander Erdbeer - stock.adobe.com

Les Féroé ? Un archipel de 18 îles volcaniques aux paysages grandioses, qui ont jeté l’ancre à mi-chemin entre l’Écosse et l’Islande. Mais encore…

Sait-on, par exemple, que ce territoire danois est si largement autonome qu’il se considère comme un pays ? Qu’il refuse de faire partie de l’Union européenne ? Et qu’il va bientôt voter, au printemps 2018, pour choisir une possible voie vers l’indépendance ?

En vérité, on ne sait pas grand-chose des Féroé. Ceux qui les abordent débarquent souvent du ferry de la Smyril Line, qui relie le Danemark à l’Islande. Le coup de foudre est assuré. Comment résister à ces îles bardées de falaises, à ces millions d’oiseaux marins, à ces maisons en bois aux toits d’herbe et à ces vallées solennelles où des fermes solitaires s’amarrent dans la contemplation ?

Les Féroé rejouent la partition islandaise, sans volcan, mais en version bien moins touristique.

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Tórshavn, capitale des Féroé

Tórshavn, capitale des Féroé
Tórshavn © Foto Zihlmann - stock.adobe.com

Les statistiques sont formelles : aux Féroé, le pic d’ensoleillement est atteint en juillet. Mais que valent les statistiques ? Depuis 48 heures, un véritable déluge s’abat sur Tórshavn, la capitale féringienne, balayée de plein fouet par une grosse dépression atlantique. Aux Féroé, le ciel est plus souvent gris que bleu.

À peine le nez mis dehors, les bourrasques collent les vêtements à la peau. L’eau ruisselle et s’infiltre jusqu’aux parties les plus intimes de l’anatomie. Les Féringiens, rodés, ne sortent guère, si ce n’est entre le parking du centre commercial SMS et leur enseigne favorite de fast-food…

Séparant le port de commerce du port de plaisance, la courte péninsule de Tinganes courbe l’échine sous les grains. À sa base, un noyau de vieilles maisons de bois fardées de goudron disparaît sous des toits nappés d’herbes folles. Le vent s’engouffre entre les lattes disjointes des hjallur, les abris à sécher le poisson.

À la pointe, les vieux bâtiments en bois rouge du gouvernement (17e-18e s) affrontent stoïquement la tempête. Ils en ont vu d’autres. Le Parlement, l’un des plus vieux au monde, plus vieux même que l’Alþingi islandais, siège ici depuis le 9e siècle ! Un instant, le voile gris se déchire et un rayon illumine, sur les quais, les gréements du Norðlýsið, un vieux voilier de pêche reconverti dans les sorties en mer.

Aux origines était Kirkjubøur

Aux origines était Kirkjubøur
Eglise à Kirkjubøur © Nick Fox - stock.adobe.com

De Tórshavn, un bus gratuit mène en moins d’une demi-heure près de la pointe sud de Streymoy. C’est là, face au large Hestfjørður, que les Vikings féringiens établirent leur siège épiscopal vers le début du 12e siècle, une bonne centaine d’années après qu’ils eurent finalement renoncé à invoquer Thor et Odin.

Une poignée de maisons aux toits d’herbe et fenêtres rouges s’y amarre au-dessus de champs peuplés de poneys féringiens à la longue crinière blonde. En face se détachent les grosses îles-fermes d’Hestur (25 habitants), « l’île-cheval », et Koltur (2 habitants), « le poulain ».

Dominant de peu la mer, une cathédrale de pierre étêtée, Saint-Magnus, bâtie vers l’an 1300, laisse pénétrer les courants d’air entre ses quatre solides murs percés d’arcs ogivaux. Sur son flanc ouest, les voussures du modeste portail ont été rongées par l’érosion marine.

À quelques pas, au plus près de l’océan, la jolie petite église blanche d’Ólavskirkja se dresse au sein d’un cimetière dont l’épure confine à la pénitence. Plus vieille encore (1111), mais entièrement restaurée, elle reste ancrée dans l’imaginaire local comme le trône de Dieu sur Terre. Les splendides sculptures en bois qui ornaient ses bancs sont désormais exposées au Musée national (au nord de Tórshavn).

Entre les deux édifices, Roykstova, une grosse ferme additionnant façades et faîtages attire l’œil. Sous ses toits herbus, 17 générations de la famille Patursson ont vécu jusqu’à ce jour. Il s’agirait du plus ancien bâtiment en bois du monde, bâti vers 1200 !

Streymoy, la plus grande des îles Féroé

Streymoy, la plus grande des îles Féroé
Tjørnuvik © swen_stroop - stock.adobe.com

Plus grande des îles de l’archipel (373 km2), Streymoy regroupe à elle seule près de la moitié de la population. Mais pour peu que l’on s’éloigne de la capitale pour remonter vers le nord, des paysages vastes et virginaux se dévoilent.

De la bourgade de Hvalvík, une petite route à voie unique se glisse dans une vallée gondolée où s’écoule un torrent pierreux. Tout au bout, le très photogénique hameau de Saksun se pelotonne sur un promontoire encerclé par un ample amphithéâtre rocheux. Trilogie féringienne : une église blanche, une ferme (musée) et de vieux bâtiments aux toits d’herbe.

De la rive gauche du cours d’eau, un large chemin descend vers la lagune de Pollurin en contrebas. À marée haute, la mer l’atteint par une étroite gorge. À marée basse, on emprunte son lit pour rejoindre une plage de sable noir coincée entre les falaises soulignant presque tout le littoral ouest de l’archipel. Superbe.

Quittant Saksun, un sentier mal marqué se hisse vers le col de Tjørnuviksskarð. La progression est parfois ardue : par grand vent, il faut s’arc-bouter pour réussir à avancer avant de voir s’ouvrir devant soi, deux heures plus tard, la parenthèse heureuse de la vallée de Tjørnuvik.

La bourgade, aux maisons presque soudées, se cramponne face à une large et superbe plage ourlant le fond d’une baie profonde – le meilleur spot de surf des Féroé ! À l’horizon, les aiguilles rocheuses de Risin et Kellingin, le Géant et la Sorcière, survivent temporairement aux assauts de l’océan.

Les Féroé du Nord-Est

Les Féroé du Nord-Est
Gjógv © gije - stock.adobe.com

La progression est naturelle. De Streymoy, un pont franchit le long bras de mer du Sundini pour débarquer sur l’île d’Eysturoy.

La seconde de l’archipel par la taille (286 km2), elle présente le même visage que sa voisine, avec de larges et profonds fjords au sud occupés par les principales agglomérations, et une pointe nord sauvage où les villages se tapissent à l’abri des dépressions. C’est là que s’amarre Gjógv, où les pêcheurs, après avoir treuillé leurs barques depuis la corniche, accèdent à l’océan par une brèche étroite entre les falaises, sermonnée par les rouleaux…

C’est un tunnel sous-marin long de 6,2 km qui conduit à l’île suivante, Norðoy. Percé il y a une dizaine d’années, il plonge à 150 m sous la mer, pour déboucher juste au-dessus de la seconde ville des Féroé, Klaksvík. Relativement peu touristique, ce grand port de pêche s’agrippe sur un pont de terre séparant deux fjords. Les chalutiers, certains notablement rouillés, s’y amarrent au milieu des nuages de goélands.

La route poursuit son avancée. Côté gauche, une chaussée rejoint l’île de Kunoy, la plus accidentée de toutes, dont le seul vrai village est atteint par un tunnel à voie unique plongé dans le noir… Côté droit, un nouveau pont gagne une nouvelle île, Viðoy, la plus septentrionale de l’archipel. On s’y offre un guillemot bouilli (goût de poulet poissonneux) au resto Elizabeth (ambiance de salle mortuaire) avant d’aller admirer les à-pics brodés tout au long des côtes. Juste au nord, le Villingadalsfjall culmine à 841 m.

Sørvágsvatn : le lac au-dessus de la mer

Sørvágsvatn : le lac au-dessus de la mer
Lac de Sørvágsvatn © 재선 윤 - stock.adobe.com

Parfois, le soleil luit des heures entières. C’est le cas, aujourd’hui. L’île de Vágar, atteinte par le second tunnel sous-marin du pays (4,9 km), déroule des pentes jaunes et nues, tantôt solides tantôt spongieuses, que coiffent des châteaux de roche.

Sur la côte sud, un chemin, indiqué par des cairns épars, s’élance le long du plus vaste plan d’eau des Féroé, alternativement baptisé Sørvágsvatn, Leitisvatn, ou simplement Vatnið, le « lac ». La balade n’a rien de très ardu et, 1 h plus tard, les hauteurs de Trælanípa sont atteintes.

Étonnant spectacle : dos aux falaises, on découvre comment le lac, à son extrémité, se déverse directement en mer par une chute haute de 30 m, Bøsdalafossur ! Par mauvais temps, elle se transforme en authentique cataracte.

Au nord-ouest de Vágar, passé l’aéroport, une autre cascade attire l’attention. Pour y parvenir, il faut emprunter la route longeant le Sørvágsfjørður et traverser la montagne jusqu’au hameau de Gásadalur – en s’offrant éventuellement en chemin une déambulation dans les deux ruelles mignonnes de Bøur.

Planté dans sa théâtrale solitude, Gásadalur n’est aisément accessible que depuis le percement d’un tunnel en 2006 ; avant, sa quinzaine d’habitants devait escalader la falaise pour rejoindre l’embarcadère, franchir la montagne à pied ou prendre l’hélico pour aller faire leurs courses ! Juste avant d’y parvenir, un point de vue spectaculaire se dégage sur la chute de Múlafossur qui, elle aussi, se jette en mer depuis les falaises.

Tindhólmur : l’île aux macareux

Tindhólmur : l’île aux macareux
Macareux © Claude Hervé-Bazin

Il est 10 h 20 précises lorsque le Jósup quitte le quai de Sørvágur. S’extirpant du fond du fjord, le bateau passe la pointe, frôle l’arche de pierre de Drangarnir et cingle vent de bout vers Tindhólmur. De toutes les îles, de tous les îlots, de tous les écueils des Féroé, voilà le plus incroyable. Ce navire de roche crénelé, constitué, d’un bord, d’une interminable falaise haute de 262 m et, de l’autre, d’un à-pic guère moins vertical, semble sur le point de chavirer, emporté par son propre poids.

La houle forcit. Le Jósup gigote. Après 40 minutes de navigation, le ciel se couvre d’oiseaux marins et les falaises de Mykines s’entrouvrent sur une échancrure de la côte. C’est là, sur le seul terrain un peu plat de l’île, que s’enracine son unique village (20 hab.), largement coupé du monde de novembre à mai. Une église au toit d’herbe, des maisons aux toits d’herbe, des moutons broutant l’herbe : le panorama est 100 % féringien.

Du port, il faut grimper jusqu’au village. Puis, du village, grimper sur les pentes l’entourant pour gagner le sommet des falaises – en reprenant son souffle tant la pente est raide.

Avant même les crêtes, les premiers macareux apparaissent. Ils vont et viennent, rapportant dans leur bec des brochettes de jeunes harengs ou de fins lançons pour nourrir leur progéniture, planquée au fond d’un terrier creusé à la limite du vide. À l’heure de l’envol, le grand saut ne demandera qu’un timide coup d’aile, mais l’atterrissage, lui, sera beaucoup plus aléatoire…

Le défi de Mykineshólmur

Le défi de Mykineshólmur
Phare de Mykineshólmur © FedevPhoto - stock.adobe.com

Le chemin, longeant les crêtes, se fait de plus en plus aérien. Parvenu au sommet en s’abandonnant au vertige, il plonge vers l’océan en un raidillon étroit agrippé à la falaise. Deux virages et quelques mares de boue plus tard, la combe de Lambi est atteinte, avec un ouf de soulagement.

Les macareux y sont partout, courant vers un nouveau repas, zigzaguant entre leurs congénères trop lents, les goélands voleurs de poisson et les dangereux skuas en embuscade. Le marcheur n’est ici qu’un obstacle de plus à franchir, plus négligeable que les autres.

Le sentier, raide, dévale à présent vers le pont métallique jeté entre Mykines et l’île de Mykineshólmur, au-dessus d’un gouffre peuplé de mouettes où s’insinue la mer. Portillon anti-moutons franchi, une longue pente herbeuse s’offre au randonneur. Il faut la traverser de part en part pour rejoindre le phare, but ultime de la balade et point le plus occidental des Féroé. Au-delà, il n’y a plus que le Groenland.

Reste à rebrousser doucement chemin jusqu’au village, en espérant que le beau temps perdure. Il n’est pas rare, en effet, de rester coincé ici 1 ou 2 jours avant que le bateau ne puisse reprendre ses rotations. Mais pourquoi ne pas rentrer plutôt en hélicoptère ?

Soucieux de faciliter la vie des habitants des îles les plus isolées, le gouvernement féringien subventionne largement les liaisons. Les visiteurs peuvent y accéder eux aussi s’il reste de la place. Il faut compter 29 € la liaison Mykines-Tórshavn, à ce prix, c'est presque du vol !

Fiche pratique

Consulter notre guide en ligne Îles Féroé

Office du tourisme des îles Féroé

Visit Denmark

Comment y aller ?

Soit on débarque aux Féroé en faisant une escale par le ferry de la Smyril Line reliant le Danemark à l’Islande, soit on y vient en avion en transitant dans l’un des aéroports desservis par la compagnie féringienne Atlantic Airways : Édimbourg en Écosse, Copenhague, Billund et Aalborg au Danemark, Reykjavik en Islande, voire Barcelone pour ceux qui habiteraient dans le sud de la France ou à Andorre.

Se déplacer aux Féroé

Une fois sur place, on peut aller presque partout en bus, mais quelques coins fort jolis ne sont pas desservis et les fréquences sont parfois très réduites. Il existe un pass valide 4 ou 7 jours à prix attractif, qui inclut aussi les ferries (sauf celui de Mykines). Ceux-ci desservent la plupart des îles non reliées entre elles par la route ; les plus isolées sont en outre accessibles par hélicoptère à des tarifs très (très) raisonnables. Plusieurs loueurs de voitures locaux et internationaux disposent d’un petit parc de véhicules ; les tarifs ne sont pas bon marché et il vaut mieux réserver assez longtemps à l’avance.

Quand y aller ?

La plupart des visiteurs débarquent aux Féroé entre mai et août, lorsque les journées sont les plus longues et les plus ensoleillées. Cela dit, même en été, il pleut près d’un jour sur deux, mieux vaut donc venir équipé en conséquence ! L’hiver, grâce à l’influence du Gulf Stream, les températures ne chutent jamais sous -10 °C.

Où dormir ?

L’hébergement classique est vraiment cher aux Féroé. Impossible de dénicher une chambre double avec salle de bains partagée dans une auberge de jeunesse à moins de 450 Kr (61 €) et une piaule dans une guesthouse à moins de 600-700 Kr (81-95 €). Quant aux hôtels, ça oscille plutôt entre 800 et 2 000 Kr (108-270 €) selon le confort et la saison !

Seule solution vraiment abordable, outre les dortoirs des 3 AJ : le camping. Il y en a une vingtaine à travers l’archipel et quelques-uns sont même gratuits ! Autre option intéressante : les chambres, apparts et maisons par Airbnb.

Sites utiles : www.hostel.fo/3/welcome www.giljanes.fo/hostel www.gulahusid.com

Où manger ?

Là encore, le problème du coût s’impose très vite. Il y a quelques bons restaurants à Tórshavn qui mettent à l’honneur les produits et méthodes culinaires traditionnels, mais ils proposent plus souvent des menus qu’un choix à la carte – et ceux-ci peuvent coûter entre 450 et 1 400 Kr (61-189 €) par tête de pipe… C’est l’occasion, néanmoins, de goûter le mouton séché fermenté et le guillemot s’il y en a ! De toute façon, il est rare qu’un plat coûte moins de 250 ou 300 Kr (34-40 €).

Dans la pratique, au quotidien, on s’en remet surtout aux cafés (petit déj, sandwichs…), aux quelques fast-foods à Tórshavn et… aux supérettes et supermarchés. Attention, dans les villages ces derniers ferment souvent dès 18 h ou 19 h.

Texte : Claude Hervé-Bazin

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