Lucerne et Winterthour, dans les pas des artistes

Lucerne, sur les traces des grands romantiques

S'il n'y avait pas de brouillard à Londres avant Turner, selon le célèbre mot d'Oscar Wilde, Lucerne n’a pas attendu le peintre anglais pour se nimber d’une lumière magnifique. C’est en grande partie celle-ci qui a attiré, à plusieurs reprises, ce peintre romantique à Lucerne, une cité médiévale posée sur les rives du lac des Quatre-Cantons, sur fond de superbes montagnes.

William Turner a su rendre comme nul autre les jeux de lumière si particuliers de Lucerne. Nombre de ses tableaux dépeignent ainsi le reflet des Alpes dans le lac et leurs splendides nuances qui se confondent avec le ciel.

En 2019, ces chefs-d'œuvre sont à retrouver au musée des Beaux-Arts de Lucerne. L'institution, qui célèbre son bicentenaire, présente à cette occasion une exposition exceptionnelle intitulée « Turner, la mer et les Alpes ». Une centaine d'aquarelles et de croquis, dont le célèbre « Rigi Bleu », sont exposés au KKL (Palais de la culture et des congrès de Lucerne), bâtiment dessiné par Jean Nouvel, du 6 juillet au 13 octobre.

Des paysages idylliques, dignes de l'idéal romantique

Turner n'est pas le seul artiste à être tombé amoureux de Lucerne et sa région : Richard Wagner et Mark Twain y ont eux aussi trouvé un sanctuaire propice à la création.

C’est dans une maison, située à 3 km du centre de Lucerne, que Wagner a composé l’un de ses plus beaux airs, la « Siegfried Idyll » dont on peut voir aujourd’hui la partition dans cette même demeure transformée en Richard Wagner Museum. Un petit café dans le parc, située en bordure de lac, invite à une pause des plus inspirantes.

Plus à l'est sur les rives du lac, le charmant village de Weggis offre la possibilité de marcher sur les traces de l'écrivain américain. Comme l'auteur des Aventures de Tom Sawyer, qui adorait cet itinéraire d'une dizaine de kilomètres, on peut relier le bord du lac au sommet de la montagne Rigi. Le sentier sillonne à travers forêts et terres cultivées serties de chutes d'eau éphémères, de chaumières et de jolies chapelles. Le sommet du Rigi culminant à près de 1 800 mètres, cette randonnée offre de nombreux points de vue spectaculaires sur le lac et les montagnes.

Le berceau du tourisme

Avec de tels atouts, il n'est pas surprenant que Lucerne ait attiré d'immenses artistes, mais aussi de très nombreux voyageurs. La ville est même considérée comme le berceau du tourisme ! Au milieu du XIX^e siècle, de somptueux palaces, des bateaux de plaisance et autres infrastructures ont facilité l'accès à ces paysages dont la beauté correspond à l'idéal romantique de l'époque. Les visiteurs de marque, dont la reine d'Angleterre Victoria et l'aristocratie tsariste, abondent alors de toute l'Europe. Lucerne reste à ce jour un pôle touristique particulièrement prisé ; son dynamisme culturel en fait une destination de choix pour les city breaks.

Croisières sur le lac des Quatre-Cantons

Les excursions sur le lac des Quatre-Cantons constituent également une expérience unique pour s'immerger dans les toiles de Turner. A bord d'un navire de croisière ou d'un pittoresque bateau à vapeur, on peut voguer sur les eaux paisibles du lac tout en contemplant les montagnes qui ceinturent la ville.

C'est l'occasion de rejoindre le village de Weggis, la splendide presqu'île de Bürgenstock dont les hauteurs dominent le lac, ou encore la commune de Vitznau nichée dans une baie idyllique. Autant de points de départ idéaux pour des randonnées en montagnes qui prolongeront la magie lucernoise.

Fanny Fetzer, directrice du musée des Beaux-Arts de Lucerne, vous fait découvrir la région à travers les yeux de William Turner.

Winterthour, une perle de culture

Les amateurs d’art visiteront également avec plaisir Winterthour, un petit paradis de culture et de verdure situé au nord de la Suisse. Environnée de vignobles et de collines boisées, cette jolie ville de 110 000 habitants n'a rien à envier à son illustre voisine, Zurich. Winterthour se distingue notamment par son offre culturelle remarquable : au-delà des festivals en tout genre et des innombrables rendez-vous artistiques, pas moins de dix-sept musées émaillent cette ancienne cité industrielle.

Ces institutions sont d'autant plus agréables à découvrir que les nombreux jardins, le cœur médiéval animé et les charmantes places arborées de Winterthour en font une ville particulièrement harmonieuse. Pour parfaire le tableau, sa longue tradition culturelle est également relevée d'un zeste d'audace artistique.

Trois musées sous le même toit

Situé au centre de la ville, le musée des Beaux-Arts de Winterthour s’est en effet enrichi d'une nouvelle aile en 1995. Cette extension regroupe depuis 2018, outre le musée des Beaux-Arts, le musée Oskar Reinhart et la Villa Flora, instaurant ainsi un dialogue fécond entre leurs magnifiques collections.

On y trouve des chefs-d'œuvre de l'art contemporain qui font la part belle à la création internationale. Les peintures et sculptures des postminimalistes américains, tels que Richard Tuttle, y côtoient notamment les œuvres du peintre allemand Gerhard Richter, dont l’expressionnisme abstrait dresse des ponts avec le passé.

C'est l'une des plus belles collections suisses d'art moderne, particulièrement bien mise en valeur par les visites guidées. Les expositions temporaires et les nombreux évènements qui y sont organisés achèvent de faire de cette annexe un haut-lieu artistique de Winterthour.

L'extension du musée des Beaux-Arts, une prouesse architecturale

Le bâtiment lui-même de cette nouvelle aile constitue un intérêt majeur ainsi qu’un parfait écrin pour la collection du musée. Conçue par les architectes zurichois Annette Gigon et Mike Guyer, l'annexe tranche radicalement avec le bâtiment principal du musée des Beaux-Arts. Si ce dernier témoigne d'une architecture néoclassique typique du début du XX^e siècle, l'extension arbore quant à elle des lignes épurées et résolument modernes.

Ce vaste parallélépipède de couleur cyan couvre une surface totale de 1 000 m². La simplicité formelle et la transparence des matériaux confèrent une grande élégance au bâtiment, tout en attirant le regard sur les œuvres exposées. En Suisse, Gigon et Guyer sont également à l'origine de nombreux autres édifices comme la Fondation Marguerite Arp de Locarno, qui suscite l'admiration des visiteurs. 

A ne pas manquer en 2019 : le festival international de Brahms et l'exposition Böcklin

Du 2 mai au 2 juin 2019, le musée des Beaux-Arts s'associe à l'Ecole de musique de Winterthour pour célébrer l'œuvre de Brahms. Un festival international est consacré au compositeur allemand qui a séjourné en Suisse en 1887 ; c'est ici qu'il a rencontré les peintres symbolistes Arnold Böcklin et Ferdinand Hodler.

Plusieurs concerts de Brahms seront ainsi proposés par l'École de Musique, tandis que le musée des Beaux-Arts exposera de remarquables tableaux de ces deux artistes majeurs du XIX^e siècle, rendant ainsi hommage à l'inspiration que le compositeur a largement puisé dans la peinture.

Le chef d'orchestre de l'Ecole de musique de Winterthour, Thomas Zehetmair, partage avec vous sa passion pour cette ville qui cultive le dialogue entre les arts.