Madrid hors des sentiers battus

Madrid hors des sentiers battus
Fresque "Run away" par D*Face dans le quartier de Lavapies © Wirestock - stock.adobe.com

On ne présente plus les trois grâces de l’art madrilène (Prado, Reina Sofía, Thyssen-Bornemisza), les palais majestueux de la capitale (Palacio Real, Palacio de la Bolsa), ses places incontournables (plaza Mayor, Puerta del Sol, plaza de España), la cathédrale de l’Almudena ou les principaux barrios (Sol, Chueca, La Latina), encore moins le Parque del Retiro… Pourtant la cité royale fourmille de chemins de traverse, d’endroits plus confidentiels qui n’attendent que leur (re)découverte. En voici quelques-uns…

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Vous connaissez les musées du Prado et de la Reina Sofía, découvrez :

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Cerralbo © Florent Oumehdi

Museo Sorolla. Dans le quartier de Chamberí, au nord de la ville, le musée Sorolla a investi l’ancienne demeure-atelier du peintre Joaquín Sorolla y Bastida (1863-1923). Ses jeunes femmes dans des toilettes légères et immaculées, ses lumineuses scènes estivales, ses enfants batifolant dans l’écume nous feraient presque oublier que la plage la plus proche de Madrid se trouve à 360 km.
Paseo del General Martínez Campos, 37, 28010 Madrid 3 €, gratuit le samedi (à partir de 14 h) et le dimanche.

Cerralbo. Fastueuse demeure que celle du 17e marquis de Cerralbo ! Dès l’escalier d’honneur, orgueilleux avec sa rampe en fer forgé et son tracé très découpé, on comprend que l’aristocratie madrilène coulait des jours heureux à la fin du 19e siècle. Le reste est à l’avenant. Profusion de tableaux et d’objets d’art (près de 50 000) jusqu’au clou du spectacle, une salle de bal tout en marbre, stuc, chandeliers et miroirs vénitiens où trône une surprenante horloge.
Calle de Ventura Rodríguez, 17, 28008 Madrid. 3 €, gratuit le jeudi (de 17 h à 20 h), samedi (à partir de 14 h) et dimanche.

CentreCentro. Niché dans l’imposant palacio de Cibeles (ancien Palais des Télécommunications), aux côtés de la mairie, d’une ancienne chapelle et du Mirador Madrid, CentroCentro se love sur 8 000 m2 et propose chaque année plusieurs cycles d’expositions et des rencontres.
Plaza Cibeles, 1A, 28014 Madrid.

Museo Lázaro Galdiano © Florent Oumehdi

Museo Lázaro Galdiano. Le palais Parque Florido, délicieuse bâtisse dans les tons écrus et saumonés, abrite la collection d’art (60 ans de boulot tout de même !) de l’homme d’affaires et éditeur José Lázaro Galdiano (1862-1947). Goya (Le sabbat des sorcières), la grande Passion de Galdiano, Bosch (La méditation de saint Jean-Baptiste), Le Greco, Zurbarán, Murillo, Velázquez et une surprenante collection de peintures britanniques y jouent des coudes et des canevas. Au plafond, les boiseries et les fresques ont fière allure.
Calle de Serrano, 122, 28006 Madrid. 7 €. Tous les jours gratuits entre 13 h 30 et 14 h 30.

Museo Geominero. Hébergé par l’Institut Géologique et Minier, le Museo Geominero étrenne sur trois niveaux et plusieurs balcons son impressionnante (plus de 10 000 spécimens) collection de minéraux, pierres et fossiles. Le bâtiment vaut à lui seul le détour. On ne reste pas longtemps de marbre devant son escalier de… marbre blanc de Macael, son parquet mosaïque qu’on dirait tressé ou son plafond en vitrail floqué du blason royal.
Calle de Ríos Rosas, 23, 28003 Madrid. Gratuit.

Casa Encendida. Ambitieux et pluridisciplinaire programme que celui de La Casa Encendida qui souhaite hybrider art, économie solidaire, environnement et éducation. Résultat : des expositions, des ateliers, des rencontres… Et en été, sur le toit-terrasse de ce bâtiment néo-mauresque inauguré en 1913, des séances de cinéma et des concerts sous les étoiles.
Ronda de Valencia, 2, 28012 Madrid.

Vous connaissez la cathédrale de l’Almudena, rendez-vous à :

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Basilique San Francisco el Grande © Florent Oumehdi

La basilique San Francisco el Grande. De l’extérieur, elle ne paie pas de mine. À quelques minutes de marche de l’Almudena, la basilique San Francisco el Grande, toute de sobriété néoclassique vêtue, ne manque pourtant pas d’atouts. On pense notamment à ses grandes peintures de Goya ou Zurbarán, à ses six chapelles rayonnantes et, par-dessus tout, à cette coupole monstrueuse (58 m sous la toise, 33 m de diamètre). Ne cherchez pas, vous tenez là la plus grande d’Espagne, la 4e d’Europe. On reste de longues minutes le nez en l’air à scruter ce dôme mêlant les dorés des stucs et le bleu céleste d’une fresque monumentale représentant saint François recevant les stigmates.
Calle San Buenaventura, 1, 28005 Madrid. 5 € l’entrée.

L’église de San Antonio de los Alemanes (anciennement « de los Portugueses » mais on dut bien la débaptiser à l’indépendance du Portugal) joue depuis 1606 de ses originalités. La plus intrigante reste cette fresque sur la vie de saint Antoine de Padoue qui tatoue intégralement ses murs. Impressionnant et légèrement oppressant.
Calle de la Puebla, 22, 28004 Madrid. 2 € (du lundi au vendredi de 10 h 30 à 14 h, le samedi de 10 h 30 à 11 h 30 et de 12 h 30 à 14 h. Office à 18 h 30 en semaine).

Vous connaissez les monuments historiques (Palais Royal, Palais de la Bourse, etc.) de Madrid, essayez :

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CaixaForum © Florent Oumehdi

La Tabacalera. Dans le quartier de Lavapiès, voilà un lieu qui continue de faire un tabac (fumeux ?) depuis sa transformation en 2010. La Tabacalera, ancienne manufacture de tabac de la ville, est désormais bien connue d’une jeunesse branchée mais responsable, adepte d’art urbain tout autant que de recyclage. Ce centre social autogéré accueille plusieurs collectifs spécialisés dans l’art, la récupération et le dialogue social. Dédale de couloirs et de salles restées dans leur jus, quoique rehaussées de graffitis (comme son mur d’enceinte, côté Calle de Miguel Servet).
Calle de Embajadores, 53, 28012 Madrid. Entrée gratuite.

Matadero. Tiens, tiens, encore un endroit qui a su tirer un trait sur son passé, plutôt sanglant ici… À Matadero, ancien marché aux bestiaux, l’abattage n’est plus que culturel depuis 2006. Cinéma documentaire, arts visuels, résidences, lectures… Chaque hangar de style néo-mudéjar (oh les jolies briquettes) a son cheval de bataille bien vivant. La Francachela et sa terrasse font le plein aux premiers rayons. On vous aura avertis.
Plaza de Legazpi, 8, 28045 Madrid. Entrée gratuite.

CaixaForum Madrid. Il aurait de quoi être intimidé, le CaixaForum, lui qui voisine avec les trois mastodontes de l’art madrilène. Pourtant, depuis la fin de son ravalement de façade (2008) par l’agence Herzog & Meuron, il étrenne crânement sa silhouette crénelée et son jardin vertical de 24 m de haut. À l’intérieur, cette ancienne centrale électrique fait la part belle à l’art et au design. Effet vertigo garanti en haut des escaliers blancs.
Paseo del Prado, 36, 28014 Madrid.

Vous connaissez l’edificio Carrion (Schweppes), le Metropolis ou l’edificio España, levez les yeux sur :

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Torres Blancas © Florent Oumehdi

Les différents gratte-ciel de Madrid.

Dans le quartier des affaires, les Cuatro Torres (qui seront bientôt Cinco après l’inauguration de la petite dernière, Caleido), toutes à plus de 220 m, font leurs belles en cassant la relative horizontalité de la ville (flagrante quand on atterrit à Barajas). Paseo de la Castellana.

Elle paraît un peu vieux jeu, comparée à ses quatre cadettes et pourtant, la Torres blancas en jette à sa manière, toute en rondeurs avec balcons, fier étendard bétonné de l’architecture brutaliste, mais aussi organique (sous ses airs d’arbre fongique). Avenida de América, 37

Sur la plaza de la Castilla, la réputation des Torres Kio, qui « ouvrent » la Puerta de Europa aux côtés de l’Obelisco Calatrava, tige de bronze de 92 m de haut, n’est plus à faire. De guingois, à la manière de tours dansantes qui auraient abusé de la sangria, elles s’inclinent encore plus sévèrement que leur comparse de Pise. Paseo de la Castellana, 216.

Edificio Mirador © Yurii Andreichyn - Shutterstock

À Plaza de Colón, las Torres de Colón s’autorisent, quant à elles, une cure de jouvence éco-friendly. Célèbres pour leur plateforme zénithale et Art déco en forme de prise électrique (qui a déjà disparu avec les travaux), elles visent désormais le titre d’emblème madrilène du développement durable. Calle de Génova, 2.

Des logements emboîtés comme dans Tétris ? Un bâtiment trapu ressemblant à un serveur informatique ajouré d’un segment qui ouvre sur la sierra alentour ? Vous vous trouvez bien en face de l’Edificio Mirador, délire résidentiel post-moderne dans le quartier de Sanchinarro. Calle Princesa de Éboli, 13-21.

Casa Matesanz © Florent Oumehdi

Mais Madrid n’a pas que ses tours dans son sac. Quelques merveilles Art nouveau notamment. On pense au moderniste et gibbeux Palacio de Longoria qui accueille la Société générale des auteurs, et, sur ses façades, des structures arrondies, des motifs floraux, des têtes de femmes. Dedans, de superbes escaliers et une coupole en vitrail du meilleur effet. Calle de Fernando VI, 4.

L’octogonal Hospital de Maudes et sa myriade de tours, qui le jumelle, architecturalement, au palais de Cibeles n’est pas en reste non plus, tout comme le palacio Bermejillo (paseo de Eduardo Dato, 31), typique de l’art plateresque ou le Frontón Beti Jai (calle del Marqués del Riscal, 7), encuvé dans les immeubles chicos, et qui a retrouvé une seconde jeunesse, son éclat rouge-blanc et ses fines colonnes néo-industrielles.

D’autres bâtiments comme l’éclectique Casa Palazuelo (calle Mayor, 4, allez-y avant 19 h) ou la Casa Matesanz (entrée au 27 Gran Via), mouchetée de bow-windows, et dont le plafond est éraflé de néons et de pavés de verre, méritent le coup d’œil (si vous le demandez gentiment aux portiers).

Vous connaissez le Parque del Retiro, baladez-vous ailleurs :

Vous connaissez le Parque del Retiro, baladez-vous ailleurs :
Casa de Campo © herraez - stock.adobe.com

Honneur au plus grand parc de la capitale et ses 1 500 hectares (12 fois le parc du Retiro, 1,5 fois le Bois de Vincennes) au nord-ouest de la ville. La Casa del Campo, domaine royal rendu aux Madrilènes en 1931, sert d’écrin boisé (mais un peu sec par endroits) à un parc d’attractions, un lac, un zoo, une piscine, un entrelacement de pistes pour les joggers et un téléphérique le reliant au Parque del Oeste. Paseo de Puerta del Angel, 1.

En parlant de lui, il semble loin le temps où ses allées et bosquets accueillaient des activités olé-olé qui le rendaient peu fréquentable. Le Parque del Oeste est désormais investi par les familles et des jeunes gens en goguette qui aiment s’affaler sur ses pelouses (attention, ça peut être pentu) ou déambuler le long de son cours d’eau artificiel, près du temple égyptien Debod (surtout au crépuscule), dans sa roseraie ou sous ses arbres en fleurs. Paseo de Moret, 2.

Parque El Capricho © pellescuesta - stock.adobe.com

Plus petit, confidentiel et lointain, le Parque El Capricho, près de l’aéroport, ne compte pourtant pas pour des prunes, lui qui ne craint pas d’adjoindre jardins à la française, à l’italienne et à l’anglaise, kiosques, fontaines et… un bunker datant de la guerre civile (bon, on ne vous cache pas qu’on en trouve dans tous les parcs de l’Ouest madrilène…) Visite sur réservation. Paseo de la Alameda de Osuna, 25, 28042 Madrid

Tant que vous êtes dans le quartier, allez vous perdre au Parque Juan Carlos I (belle collection de sculptures en plein air). Glorieta de Don Juan de Borbon y battemberg s/n.

Plus au sud, le Parque de las Siete Tetas n’est pas très joli, mais la vue sur Madrid mérite de s’y poser au coucher du soleil. Calle de Ramón Pérez de Áyala, 12.

Vous connaissez La Latina, Sol et la Chueca, explorez :

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Jardin solidaire Esta es una plaza © Florent Oumehdi

La rengaine est connue, n’empêche, on se fait avoir à chaque fois. Lavapiès est passé du statut de quartier défavorisé, squatté, mixte, à celui de barrio populaire en voie express d’hipstérisation. Comprenez des magasins de vente en gros, des coiffeurs indiens, des taxiphones, un marché couvert (San Fernando) frayant aux côtés de galeries et de centres d’art (la Tabacalera, la Casa Encendida, IKONO et la grande sœur, la Reina Sofía), de théâtres (Valle-Inclán, Circo Price, Maria Guerrero), d’un cinéma d’art et d’essai (ciné Doré) et de fresques street-art.

Un joyeux foutoir immobilier, écarquillé entre anciennes écoles religieuses (escuelas pias), habitat plus traditionnel (les fameux corallas... faites un tour au 3 calle de la Ribera ou au musée des Arts et des Traditions Populaires), immeubles colorés, jardin solidaire (le sympathique esta es una plaza) et pisos pimpés en penthouses bobo. Et, à la nuit tombée, on se presse calle Argumosa pour siffler son Estralla Galicia tandis que, chaque dimanche, le marché aux puces, El Rastro, attire les foules.

Plaza Santa Ana © alessandrogiam - stock.adobe.com

De son côté, Las Letras est un tout petit quartier, lacéré par l’emblématique calle de las Huertas, qui fait grand bruit à la nuit tombée et ce, depuis le 17e siècle, alors qu’il accueillait les plus grands noms du Siècle d’Or de la littérature espagnole (Cervantès, Quevedo, Tirso de Molina, Lope de Vega) et de nombreux théâtres (le Teatro Español résiste). Aujourd’hui, les débits de boisson ont remplacé les débits logorrhéiques des tréteaux.

Faut-il vraiment présenter Malasaña ? Un quartier au cœur de l’histoire du pays (théâtre du soulèvement contre les troupes napoléoniennes, berceau de la Movida) et dans le cœur de la jeunesse madrilène qui aime se perdre dans ces entrelacs de rues et de places animées (dont l’incontournable plaza San Ildefonso) où les bars côtoient les friperies.

Enfin, Salamanca, c’est le Monceau madrilène à deux pas du Retiro. Bourgeois, envahi par les magasins de fringues, les terrasses remplies de collets montés et de cols blancs (la chaîne Big Mamma a senti le filon et a ouvert le Bel Mondo). Pour ceux qui souhaiteraient s’immerger dans le côté luxueux de la capitale.

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Où manger ?

- Astor : calle del Almendro, 9, 28005 Madrid. On se sent bien à Astor, dans ce cadre mêlant inspirations industrielles, chandeliers à pendeloques et tables en bois. Dans les assiettes, des pâtes artisanales à la truffe noire (15,50 €), goûtues, savoureuses (on pourrait rajouter des synonymes qu’on serait encore en deçà de la réalité) et une tarta de queso, onctueuse à la texture parfaite. En salle, un service irréprochable et plein d’attentions.

- Los Desamparados : Costanilla de los Desamparados, 21, 28014 Madrid. Il ne paye pas de mine ce resto près d’Antón Martín. On aurait même tendance à presser le pas devant. Pas de terrasse, un parti pris affiché de fusion asiatico-argentino-espagnole. Oui mais voilà, c’est bon et Lucas, aux fourneaux, à l’accueil, est à nos petits soins. Les baos de porcs (17€) ouvrent excellemment les hostilités. La queue de taureau (15 €) est fondante à souhait, tandis que le poulpe à la sauce Kimchi (15 €) affriolerait les papilles les plus blasées.

- Viandas : plusieurs adresses. Quand une petite faim pointe le bout de son nez, on se laisse tenter, rápido, par un casse-croûte de chez Viandas. Sandwichs au lomo ou au jamón agrémentés de queso (ou pas), empanadas fromage-chorizo. Parfait pour se caler sans s’arrêter.

Texte : Florent Oumehdi

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