Espagne : Valence, 5 raisons d'y aller
Valence, troisième ville d’Espagne (près de 800 000 habitants), est une cité jeune, en plein développement, et pourtant vieille de 2 000 ans : elle a vu passer Phéniciens, Grecs, Carthaginois, Romains, Wisigoths, Arabes et… le Cid Campeador - le fameux héros de Corneille - qui reconquit la ville en 1094.
Capitale de la Méditerranée au 15e siècle grâce, notamment, au commerce de la soie, elle donne à voir un réjouissant patchwork de monuments islamiques, gothiques, baroques, Art nouveau ou plus contemporains. Des architectes (Norman Foster, Ricardo Bofill, David Chipperfield), parmi lesquels trône en majesté l’enfant du pays, Santiago Calatrava Valls et sa Cité des Arts et des Sciences, s’y sont fait la main.
Profitant de la 32e America’s Cup (2007) pour dégrossir sa façade maritime, la ville a su se réinventer, capitalisant sur la richesse de l’Albufera et la fertilité de son Horta, sur la beauté des plages et surtout son riche patrimoine.
Valence, l’une des dernières villes à avoir résisté aux troupes du général Franco, la cité qui a vu naître l’iconique paëlla, 300 jours d’ensoleillement par an, mérite vraiment qu’on se perde dans ses rues ou dans son parc urbain, l’un des plus grands d’Europe.
Préparez votre voyage avec nos partenairesBalades dans le centre historique de Valence
Construite entre 1262 et 1429 sur les fondations d’une mosquée, la grande dame de Valence, la cathédrale Sainte-Marie, avec son clocher culminant à 70 m, ne semble pas s’offusquer de la modernité de sa principale rivale, la Cité des Arts et des Sciences.
Il faut dire qu’elle a quelques trésors à faire valoir. Tout d’abord ses trois portails (pas mal de travaux en ce moment) : le portail dels Ferros, le portail de l’Almoina et le portail dels Apostols devant lequel se tient, tous les jeudis à midi, le Tribunal des Eaux (de les Aigües) et ce depuis le 10e siècle. Aujourd’hui l’événement ne tient plus que du folklore mais à l’époque, les problèmes d’irrigation étaient légions et demandaient une rapide résolution.
Autres atouts dans sa manche, le bras momifié de San Vicente Mártir (Vincent de Saragosse), le protecteur de la ville et son musée d’Art sacré. Mais sa vraie carte maîtresse, même s’il n’y a pas consensus œcuménique dessus, reste le Saint Calice, exposé dans la capella del Sant Calze.
Elle joue des coudes avec la cathédrale alors ne snobez pas la basilique de la Virgen de los Desamparados et son camarín (chapelle dédiée à la Vierge) d’autant que la place de la Mère de Dieu (ou plaça de la Verge en VO, ça ne s’invente pas) est l’une des plus animées de la ville.
La Lonja de la Seda (ou Lonja de Mercaderes) – « Llotja de la Seda » en valencien –, merveille de gothique flamboyant inscrite au patrimoine de l’Humanité par l'Unesco en 1996, est l’un des joyaux de la ville. Si vous n’êtes pas effrayés par les gargouilles qui en gardent l’accès, vous traverserez son patio d’orangers (on vous déconseille de goûter aux fruits) pour arriver à la Sala de Contratación, là où s’effectuaient les transactions commerciales. On se sent tout petit dans cette pièce (17 m 40 de hauteur sous plafond), désormais vide, supportée par 24 colonnes torsadées. À l’étage, c’est dans la salle du consulat de la mer, surplombée d’un fastueux plafond à caissons, que se réglaient les affaires commerciales maritimes.
Dans le centre historique, d’autres bâtiments méritent le détour. Le complexe Real Colegio Seminario de Corpus Christi avec, en son sein, le musée du Patriarche (des toiles du Caravage et du Greco), un cloître de style Renaissance, l’église, la chapelle de la Communion et une bibliothèque. Mais aussi l’église San Juan del Hospital, hybridité romano-gothique et la pétulante église de San Nicolás de Bari et San Pedro Mártir, récemment rénovée et considérée depuis comme la « chapelle Sixtine » de Valence.
Sachez sinon que plusieurs tours étreignent la ville. Les tours de Serranos, chouchoutées par les Valenciens et derniers vestiges de l’ancienne muraille, ont encore fière allure malgré leurs 630 ans. Les tours de quart ont, quant à elles, joué un rôle important pour contenir les troupes napoléoniennes en 1808.
Enfin, l’Estación Del Norte (la Gare du Nord, moderniste en diable avec sa façade et ses plafonds mosaïqués), l’Hôtel de Ville ou l’Edificio de Correos (la poste centrale sertie d’une coupole) méritent le coup d’œil.
L’ultramoderne Cité des Arts et des Sciences et les musées classiques de Valence
C’est un projet pharaonique qui continue de délier les langues des Valenciens. Tout le monde a un avis sur la Cité des Arts et des Sciences, la grande utopie architecturale de la ville qui raccrocha son centre historique à sa façade maritime, mais plomba dangereusement ses finances.
Après une balade bucolique dans les jardins du Turia, on se prend un shoot de futurisme marmoréen lorsqu’apparaissent les structures du bébé de Santiago Calatrava, dont le premier ensemble fut inauguré en 1998.
Quoi qu’on en pense, ces six rejetons – l’Hemisfèric, un cinéma numérique ; le musée des Sciences dans son ossature de dinosaure ; le palais des Arts toutes voiles dehors ; l’umbracle, un jardin de 17 000 m2 comme sorti d’un film de science-fiction, le pont de l’Assut-de-l’or et le petit dernier, l’Agora (et dans l’axe l’Océanografic, le plus grand espace océanographique du monde que l’on doit à Félix Candela) – sont aujourd’hui devenus les symboles de la ville.
Retour dans le centre-ville, pour le plus classique musée des Beaux-Arts, dans l’ancien collège-séminaire San Pío V (17e siècle). Parmi les joyaux de sa couronne, un troublant autoportrait (peut-être le seul) de Velázquez, un toujours aussi efflanqué Saint Jean-Baptiste du Greco, un musculeux San Bartolomé en el martirio de Luca Giordano, des Goya bien sûr, sans oublier quelques Sorolla (un autre enfant du pays) et de nombreuses œuvres allant du 15e au 19e siècle qui en font la deuxième plus grande pinacothèque d’Espagne.
Dans le centre historique, le musée national de la Céramique a pris ses quartiers dans le palais du Marquis de Dos Aguas. Et on peut dire qu’il ne passe pas inaperçu dans son genre baroque jusqu’au bout des cloisons. Les Dos Aguas, ce sont les deux fleuves locaux, le Turia et le Júcar, représentés avec force allégories et albâtre autour de la porte d’entrée. À l’intérieur, le plus intéressant n’est pas l’histoire de la céramique, noyée dans une muséographie plutôt vieillotte, mais la découverte des appartements d’une famille noble valencienne. Plafonds finement décorés, fresques flamboyantes et surtout une magnifique cuisine décorée d’azulejos.
Paella, horchata, bodegas… L’art de vivre de Valence
Valence est également une destination gastronomique. Pour acheter des produits frais, c’est au Mercado Central (8 000 m2) qu’il faut se rendre. Dans cette halle moderniste, tout en verrière, vitraux et colonnes de fer, dotée d’une superbe façade en céramique, on mange et on négocie serrano et pulpo.
L’autre marché couvert de la ville, le Mercado de Colón, conçu par Francisco Mora y Berenguer en 1914, n’a rien à lui envier côté fer forgé et majolique. Une différence notable : point ici d’étals à perte de vue, mais des restaurants qui ravissent les habitants du quartier huppé de l’Ensanche.
Mais Valence est avant tout la capitale du plat emblématique de la gastronomie espagnole. C’est dans les rizières de l’Albufera, où on cultive le riz bomba, qu’aurait été concoctée la première paëlla. Attention, la recette traditionnelle n’a rien à voir avec celle que vous avez l’habitude de dévorer. Elle mélange poulet, lapin, escargots, haricots verts et garrofons (des haricots blancs). Toute une histoire.
Ici, on mange également l’esgarraet valenciano, de la morue avec des poivrons rouges ; les clochinas valencianas, des petites moules made in Valencia ; et on tartine son pain de titaina, un dips à base de thon, tomates, pignons, poivron et ail.
Et ne manquez pas de goûter aux doux breuvages qui réveillent les gosiers des Valenciens. En journée, l’horchata (de chufa), une boisson à base de souchet, un petit tubercule tout fripé, et, le soir, l’agua de Valencia, composée de vodka, de gin, de cava et de jus d’orange… avec modération.
À la nuit tombée justement, deux quartiers pourront vous faire sentir toute la chaleur valencienne. El Carme, qui préserve son charme médiéval autour de ses places Mossen Sorell, de la Santa Creu ou del Carme. Et Ruzafa, le nouveau secteur à la mode, où se bouscule une jeunesse branchée et cosmopolite, éprise de restaurants, de musique alternative et d’art.
Valence, une ville verte de la Turia à l’Albufera
Valence est aussi une ville agréable à vivre pour son environnement, à commencer par les jardins du Turia qui étaient à l’origine… un fleuve !
Il y a 65 ans, lorsqu’une crue du Turia inonda Valence et fit 81 morts, il fut décidé de dévier le cours du fleuve et d’en faire… une autoroute. Bronca des locaux, gel et rétropédalage des autorités qui lancèrent, dans les années 1980, de grands travaux afin d’aménager le lit du fleuve asséché en parc urbain, le Jardín del Turia (100 hectares, 9 km de long), ouverts en 1986.
Aujourd’hui, les Valenciens sont fiers de leur coulée verte qui distribue plusieurs édifices culturels (le Palau de la Música de Ricardo Bofill, le musée des Beaux-Arts) et s’étire du parc de Cabecera (vous pouvez aussi visiter le Bioparc, un zoo) à la Cité des Arts et des Sciences sous une enfilade de ponts (18 au total, dont le pont des arts par Norman Foster), terrains de sport, parc de toboggans, voies cyclables et arbres d’essences multiples (des pins, des palmiers, des dattiers et des orangers évidemment…).
Ce ne sont pas les seuls poumons verts de la ville. En plein centre halète le jardin botanique de l’université (16e s), l’un des plus anciens d’Europe, ombragé de palmiers géants et de cactus non moins cyclopéens, de plantes carnivores et de bambous noirs plus inoffensifs.
Et si cela ne vous suffit pas, direction le parc naturel de l’Albufera : une oasis de paix et de verdure de 210 km2 dont raffolent les Valenciens, située à 10 km au sud de la ville et facilement accessible à pied ou à vélo. Zone humide propice à la riziculture, à la faune (beaucoup d’oiseaux) et aux balades en barque, l’Albufera (« petite mer » en arabe) offre un tout autre paysage, pittoresque et romantique avec ses six îlots.
Si vous venez en bus (n°24, 1 h environ), descendez à l’arrêt « El Palmar », un petit village dont les maisons traditionnelles, les barracas, vous émerveilleront. C’est de là que partent de nombreuses virées en barque sur le lac.
Valence, côté mer et plages
Si près et pourtant si loin. Pendant longtemps, Valence a tourné le dos à son front de mer. Et puis, en 2007, l’America’s Cup, cette régate vieille de 170 ans, a été l’occasion de, définitivement, se rabibocher à grands renforts de travaux (qui creusèrent la dette de la ville).
Aujourd’hui, Valence fait les yeux doux à ses plages, las Arenas, del Cabanyal, de la Malva-rosa et de la Patacona. Les plus motivés enfourcheront un Valenbisi (le Vélib local) et rejoindront les plages de l’Albufera (l’Arbre del Gos, El Saler ou La Devesa de Valencia, entre 10 et 18 km du port de plaisance).
Plus près, au bout de la Marina, on trouve le Musée maritime et ses anciens arsenaux gothiques et royaux (drassanes del Grau, 14e siècle) et un édifice cantilever, bien plus récent, Veles e Vents, dont les terrasses ont été stratifiées par David Chipperfield et Fermín Vázquez. Il servait de pavillon pour notre compétition nautique internationale et héberge aujourd’hui plusieurs restaurants.
Une balade dans l’ancien quartier des pêcheurs, El Cabanyal, est indispensable. Façades en céramique, devantures colorées, habitations à taille humaine. Et dire que le secteur devait être rasé pour prolonger l’Avenida Blasco Ibañez ! Aujourd’hui, il est l’objet d’une forte fascination touristique et d’une toute aussi robuste spéculation immobilière.
Ceux qui ont le temps, l’envie et un moyen de transport partiront à la découverte de la Costa Blanca (qui peut vite être surpeuplée) et de la Costa del Azahar (allez faire un tour du côté de Peniscola), la côte de la fleur d’oranger.
Fiche pratique
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Pour préparer votre séjour, consultez notre fiche Espagne.
Office de tourisme de l’Espagne
Comment y aller ?
Vols quotidiens depuis Paris-Orly avec Vueling, Transavia et Paris-CDG avec Air Europa. Depuis la province, vols avec correspondance. Trouvez votre billet d'avion.
Bonnes adresses
Restaurante Pulpo : Carrer de Xile, 5, Bajo, 46021 València. Pulpo vous met le poulpe à toutes les sauces : paccheri farcis au poulpe, pizza au poulpe, yakitori de poulpe, poulpe à la burrata… Laissez-vous prendre dans les tentacules de ce restaurant, au nord des jardins du Turia.
Blanqueries : Carrer de la Blanqueria, 12, Bajo, 46003 València. Chez Blanqueries, pas loin des tours de Serranos, honneur au bœuf (miam la joue à la sauce aji) et au poisson, même si les entrées (savoureux nuggets de poulet tikka masala, foie gras mi-cuit excellent) s’en tirent, elles aussi, avec les honneurs.
Navarro : chez Navarro, qui a pignon sur rue (près de l’Hôtel de Ville) depuis 1951, vous pourrez déguster (faire la demande lors de la réservation, la veille au moins) la paëlla valencienne avec lapin, escargot et poulet. La carte variée devrait offrir des alternatives plus conventionnelles aux moins aventureux.
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Les Fallas du 1er au 19 mars
Depuis que des menuisiers ont décidé de brûler des pièces en bois (les parots) devant leurs ateliers, les Valenciens ont une façon bien à eux de fêter l’arrivée du printemps. Sur une semaine, avec le 19 mars pour apothéose, ont lieu les Fallas, une procession de gigantesques statues (des millions d’euros y passent), tantôt satiriques, tantôt artistiques.
Chaque quartier met la main à la pâte de sa Falla. Celle qui sera couronnée « ninot indultat » pourra être épargnée la nuit du 19 mars tandis que ses malheureuses dauphines partiront en fumée (lors de la Cremà).
Costumes traditionnels, liesse populaire, concert de pétards (les masclet), offrande de fleurs, feux d’artifice, cette fête, inscrite en 2016 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, met la ville sens dessus dessous
Texte : Florent Oumehdi
Mise en ligne :