Andalousie : les villages blancs des Alpujarras, aux portes de Grenade
Évidemment, l’Andalousie évoque les remparts de Séville, l’Alhambra de Grenade ou encore la Costa del Sol et ses plages saturées. Pourtant, en s’extrayant un peu du flux, on s’offre un admirable patrimoine agrippé au profil montagneux de l’arrière-pays.
Direction les Alpujarras, une région préservée et authentique qui se trouve sur le versant sud de la Sierra Nevada, à 50 km de Grenade sur la route de Malaga. Outre les sentiers de randonnée, les Alpujarras méritent le détour pour leurs ravissants – et méconnus ! – villages blancs perchés, qui comptent parmi les plus beaux de l’Andalousie, mais aussi le délicieux jambon de Trévelez.
Un monde à part où le temps semble presque avoir suspendu son vol, dont on peut compléter la visite par celle des villages des sierras Tejada, Almijara et Alhama. Cap sur les villages perchés d’Andalousie, entre Grenade et Malaga !
Préparez votre voyage avec nos partenaires- Les Alpujarras : pourquoi y aller ?
- Soportújar : le village des contes de fées
- Pampaneira, Bubión et Capileira : les plus beaux villages des Alpujarras
- Trevélez, capitale du jambon
- Un peu plus loin… Frigiliana, dans l’arrière-pays de la Costa del Sol
- Un peu plus loin… Cómpeta, porte des sierras Tejeda, Almijara et Alhama
- Fiche pratique
Les Alpujarras : pourquoi y aller ?
Des montagnes enneigées en Andalousie ? L’image peut surprendre tant cette région du sud de l’Espagne est associée au soleil, aux champs d’oliviers et aux plages. Pourtant, à une heure de route de Grenade et de la Costa del Sol, l’imposante sierra Nevada (« montagne enneigée » en espagnol) déploie une quinzaine de sommets culminant à plus de 3 000 m d’altitude, recouverts de neige en hiver.
Si le nord de la cordillère attire surtout les amateurs de ski, le flanc sud de la Sierra Nevada invite à de belles découvertes, au cœur d’une région à l’authenticité préservée : les Alpujarras. Au pied de la Sierra Nevada, des vallées recouvertes de chênes, d’amandiers cultivés en terrasses, de châtaigniers et de pins, invitent à de belles randonnées.
Au fil des balades, on croise immanquablement les joyaux de la région : un chapelet de coquets villages blancs, accrochés entre 1 000 et 1 500 m d’altitude aux montagnes, un admirable festival d’entrelacs de venelles, de passages sous voûtes, d’escaliers, de blanches façades maculées du fuchsia des bougainvillées…
La région a conservé sa beauté sauvage grâce à son isolement. Longtemps difficiles d’accès, les Alpujarras servirent pendant des décennies de refuge aux Maures après la prise de Grenade par les catholiques en 1492. Éperons, tétons, éminences portent des petits bijoux de villages issus de médinas créées sous l’émirat de Grenade L’influence mauresque se lit dans l’architecture des villages, dont les maisons cubiques à toit plat évoquent les villages de l’Atlas marocain.
Les Alpujarras attirent les voyageurs épris de nature préservée depuis longtemps. Naturalistes et géologues au XVIIe et XVIIIe s, puis les écrivains Alexandre Dumas et Théophile Gautier venus y puiser l’expression du sentiment romantique de la nature. Dans les années 1960 et 1970, les hippies aimaient bien la tranquillité des lieux, tout comme Chris Stewart, ex-batteur de Genesis qui s’est installé dans une ferme de la région au début des années 2000.
Soportújar : le village des contes de fées
Crampée à la montagne à 1h de route de Grenade, Soportújar s'est mise au diapason des contes et légendes de l'enfance, proposant une quinzaine de sites scénographiés. On parcourt ses rues étroites et pentues comme on tournerait les pages d’un grimoire de sorcière. L'une d’entre elles, forte de ses 50 cm de large, serait la rue la plus étroite d'Espagne : autant ne pas s’y engager après un repas plantureux.
De la fontaine du dragon à la maison gourmande d’Hansel et Gretel , en passant par la statue d’un gigantesque serpent jaillissant d’un passage couvert ou d'une araignée géante descendant d’un muret, l'ensemble du patelin joue le jeu. Les luminaires ont adopté le profil d’un porteur de lanterne décapité. Chaque numéro de porte est surmonté d’une sorcière sur son balai. Jusqu’au blason de la municipalité constellé d’un symbolisme qui amusera les amateurs d’héraldique... C’est potache à souhait et les gamins adorent.
Et pour ne rien gâcher, ce très mignon village en balcon offre de belles échappées du regard sur les piémonts de la sierra Nevada. Pour obtenir le descriptif de chaque lieu scénarisé sur le Smartphone, un coup de QR code magique et zou ! Des visites guidées en espagnol permettent également de mieux décrypter ce petit monde enchanté. Magique, non ?
Soportújar abrite le centre de méditation O Sel Ling, premier centre bouddhiste d’Espagne créé par le Lama Yeshé et consacré par le Dalaï-Lama en personne.
Pampaneira, Bubión et Capileira : les plus beaux villages des Alpujarras
Perchés sur les flancs du barranco (défilé) de Poqueira, à 50 km environ de Grenade, Pampaneira, Bubión et Capileira sont les plus ravissants villages des Alpujarras. Ils dégagent un charme irrésistible avec leurs petites maisons-cubes aux murs blancs, leurs ruelles tortueuses débouchant sur d’adorables placettes fleuries, leurs passages voûtés et leurs terrasses donnant sur la vallée et, au loin, la Méditerranée…
Pampaneira, d’abord. L’altimètre affiche 1 060 m. Le plus touristique des trois patelins, peut-être. Pas le moins charmant, assurément. On oublie la voiture sur un parking extérieur et on gravit les rues pentues, parcourues par une rigole centrale que rafraîchit en permanence l’eau de la montagne. La plaza de la Libertad est idéale pour s’installer à une terrasse ombragée par des tilleuls, face au portail de l’église gothique.
Mais cette place est également l’épicentre de l’activité touristique et donc parfois surfréquentée. Dès qu’on s’en éloigne, le calme monte et le silence gagne pour profiter en solo des façades immaculées. Les perspectives sur les toits plats surmontés de cheminées cylindriques sont un ravissement. En particulier lorsqu’on accroche du regard les deux villages frères perchés tout là-haut dans la montagne.
Bubión, à 1 296 m d’altitude demeure le plus préservé des trois. Cure de ruralité montagnarde et larges ouvertures sur le défilé de Poqueira garantis. Le museo-casa Alpujarreña, maison du XVe s typique de la région, donne l’occasion de reprendre son souffle avant de poursuivre la grimpette.
Enfin, Capileira trône à 1 436 m d’altitude. Un avant-goût d’un paradis fait de rues et de places qui rappellent par endroits des villages d’Amérique latine. La plaza del Calvario, en particulier, est adorable, dominée par le massif clocher de l’église. Capileira est également la porte d’entrée de la haute montagne.
Par-delà, la route devient piste donc on troque rapidement les lacets pour ceux des croquenots de rando. On se trouve des circonstances exténuantes pour explorer le cœur de ce parc naturel de la sierra Nevada, riche d’une faune abondante : sangliers, bouquetins, chats sauvages, genettes, blaireaux, aigles royaux… Bref, de quoi demander son chemin si on s’est perdu. En évitant la vipère qui est mauvaise langue !
Un sentier relie en 1h Pampaneira à Bubión, puis à Capileira en 1h supplémentaire. Qu’on s’entende, ça grimpe sec, hein… Hardi !
Trevélez, capitale du jambon
Le village de Trevélez est allé se réfugier tout au fond d’une ample vallée enchâssée dans la sierra Nevada. Au passage, on a marqué un arrêt à l’ermitage de Las Angustias de Pórtugos et à sa Fuente Agria qui alimente une étonnante cascade, El Chorrerón, dont les eaux ferrugineuses ont gravé un sillon de rouille dans la roche.
Trevélez, donc, étire sur trois niveaux son bâti tantôt chaulé, tantôt fait de schiste grossier au charme tout montagnard. Trevélez bajo d’abord, relativement plat, où la route distribue restaurants et boutiques. À partir de Trevélez medio, la grimpette se corse quand la bien nommée calle Cuesta prend d’assaut les courbes de niveau. Les rues en arêtes de poisson offrent des échappées sur la montagne si proche qu’il semble qu’on puisse la toucher. Tout en haut, bien moins fréquenté, Trevélez alto.
Plus que pour son architecture, on vient à Trevélez pour un héros célèbre entre tous en Espagne et au-delà : el jamón IGP Trevélez. Le fameux serrano, c’est-à-dire de la sierra (la montagne). Les jambons proviennent de porcs élevés dans tout le pays. Le climat favorise l’affinage sans ajout excessif de sel (marin, svp !), ce qui garantit un goût plus carné. On stocke tout ce beau monde les pattes en l’air pour séchage et durcissement de la viande, entre 14 mois et 2 ans.
Le village compte certainement plus de jambons pendus au plafond des séchoirs et des boutiques que d’habitants et les effluves de salaison imprègnent les rues à pleines narines. De quoi mettre l’eau à la bouche.
Pour un aperçu de l’importance de cette production, on peut faire un tour au Museo del jamón de la maison Vallejo dont les premiers séchoirs remontent à 1951…
Un jambon de 21 mois se reconnaît à son étiquette noire, elle est rouge pour un affinage 17 mois et bleue pour le plus jeune, de 14 mois.
Un peu plus loin… Frigiliana, dans l’arrière-pays de la Costa del Sol
Au sud-ouest des Alpujarras (1h20 de route), dans l’arrière-pays de la Costa del Sol, le vieux Frigiliana (casco antiguo) révèle un charme fou. Cet autre village blanc magnifique, élu plus beau d’Andalousie en 1988, se niche dans le massif des sierras Tejeda, Almijara et Alhama .
Au prix d’une bienheureuse fatigue, on gravit ses ruelles dont le pavement de galets dessine de magnifiques motifs. Les façades chaulées contrastent avec le rouge écarlate des géraniums. On fait une halte à la Casa del Apero, siège de l’office de tourisme de Frigiliana, dont les deux tours offrent des points de vue inespérés avant l’ascension du vieux village.
On s’égare avec émerveillement dans des rues en corniches, largement ouvertes vers les hauts replis du paysage où les oliviers cèdent peu à peu le pas aux villas. C’est le revers de la médaille. La réputation du site aidant, les résidences secondaires y poussent comme autant d’agaves dopés par un soleil insolent toute l’année. On y est donc rarement seul.
Pour dégoter quelque coin secret, on s’enfonce alors dans l’ombre bienfaisante des adarves, ces adorables passages couverts desservant quelque courette en cul-de-sac où se prélassent des chats sur une marche d’escalier ou contre un pot de terre cuite…
Des plaques de céramique ornant les murs de la partie haute du village rappellent la violente éviction des Maures du califat de Grenade par les catholiques lors de la Reconquista. Elles rappellent combien cette communauté était attachée à la terre conquise plus de 700 ans auparavant. En souvenir de la période faste où les cultures juives, arabes et chrétiennes coexistaient (tant bien que mal) se tient chaque année, la dernière semaine d’août, le Festival Frigiliana 3 Culturas.
Après cette visite, on dévoile aux plus aventuriers un de nos coins favoris des environs. El Acebuchal, un pueblito escondido officiellement à 6 km de Frigiliana, mais en réalité à des années-lumière ! Peut-être à cause des 2 derniers kilomètres à parcourir sur une piste caillouteuse ? L'aventure se mérite !
Au détour d'une courbe, on découvre avec ravissement une poignée de maisons blanches venues s'accrocher au fond d'un vallon couvert de pins. Franco en délogea les habitants maquisards en 1949 et le pueblo demeura sans âme jusqu’en 1998. Rien à faire ici, outre s'offrir une bienheureuse sensation de bout du monde...
Un peu plus loin… Cómpeta, porte des sierras Tejeda, Almijara et Alhama
Non loin de Frigiliana, à 630 m au-dessus du niveau des flots, une tache blanche annonce l’escale du soir : Cómpeta. La Costa del Sol, qui n’est qu’à quelques kilomètres, semble bien loin. Au détour de la route qui y conduit, on surprend même un ânier chevauchant son baudet : on tapote l’écran de sa montre connectée, oui, on est bien au XXIe s ! Plus on grimpe, plus les virages tissent un paysage admirable de champs d’avocatiers, d’amandiers dont la floraison enchante le cœur de l’hiver ; de figuiers aux fortes senteurs qui régalent les étés de leurs fruits défendus ; d’oliviers, bien entendu, arbre sacré entre tous, pilier de la culture méditerranéenne.
Les rues de Cómpeta, profondément andalouses, semblent ruisseler de la colline. On y laisse agir on instinct pour relier par petits bonds une placette saturée de verdure, une façade merveilleusement tapissée de pots fleuris, une maison maigrichonne enclavée entre deux rues, en admirant les pavements superbement travaillés, ou les encadrements de portes et de fenêtres coquettement surlignés d’un trait de couleur vive.
Mine de rien, on aboutit à la merveilleuse plaza Almijara où fleurissent les parasols des bars devant l’église de style néomudéjar. On finira cette vendange de paysages urbains par la plaza de la Vendimia, adossée à un cirque de façades, qui lève le verre chaque année autour du 15 août pour la Noche del Vino : le pays produit des raisins secs de réputation mondiale et un excellent moscatel. À siroter en laissant errer le regard sur les maisons blanches agrippées à leur falaise rousse. À l’horizon, la bande bleue de la Méditerranée…
Visiter impérativement le Museo de Artes y Costumbres populares. Une réjouissante présentation de la vie locale sous forme de reconstitutions scénarisées, de dioramas peuplés de personnages costumés et d’un petit musée religieux.
Fiche pratique
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Lire aussi L’Andalousie côté nature, de la Sierra Nevada au Cabo de Gata
Office de tourisme d’Andalousie
Parc national de la Sierra Nevada et activités de montagne
Comment y aller ?
Vols directs vers Grenade depuis Paris-Orly avec Vueling et avec correspondance à Madrid avec Iberia depuis plusieurs aéroports français. Vols vers Malaga avec Air France, Air Europa, Easy Jet… Trouvez votre billet d’avion.
Bonnes adresses
– Hostal y apartamentos Las Terrazas de la Alpujarra : à Bubión. Hostal propret offrant de petites chambres parfaitement tenues et agréables. Certaines ont une vue, dont tout le monde profite depuis les 3 immenses terrasses suspendues au-dessus de la vallée. Le perroquet de la maison vous sifflera sans doute La Marseillaise (un client français la lui a apprise !). Double 45 € ; appart 65 €.
– Alfajía de Antonio : à Campileira. Ce petit hôtel rural propose des chambres décorées avec goût dans les tons clairs. Les supérieures, dont certaines sont dotées de terrasses, sont plus spacieuses. Cuisinette, salon avec canapés et terrasse panoramique. Accueil chaleureux. Doubles 40-50 €.
– El Coral del Castaño : à Campileira. Tél.: 958-76-34-14. Tlj sauf mer. Ce petit bout de place triangulaire est parfait pour s'imprégner des saveurs alpujarreñas qui jalonnent la carte : praline de morcilla (boudin maison, svp !) ou joue de porc au vin rouge avec châtaignes, prunes et pignons. Un souci de présentation inattendu à ces prix ! Un sans faute. Plats 8-15 €.
– Hotel La Fragua I et II : à Trevélez. Dans une ruelle tranquille et étroite, ces 2 établissements classiques sont parfaitement tenus et ont tout le confort nécessaire. Bon resto offrant pas mal de choix, des viandes braisées aux plats végétariens. Accueil charmant. Doubles 55-65 €. Plats 10-23 €. ½ pens possible.
– Piedra Ventana : à Trevélez. Tél. : 958-85-85-99. Tlj midi et soir. Pour sonder l'âme des Alpujerras, jambons pendouillant au-dessus du bar, clients hors d'âge accoudés de naissance au zinc, hure de sanglier et outils agricoles aux murs : on est dans le bain pour piocher dans une carte 100 % terroir. Les suicidaires de l'estomac commandent une côte de bœuf (1,2 kg !). Les autres opteront pour une truite au jambon ou de la joue de porc aux amandes. Service au sourire tout intérieur. Plats 10-22 €.
– Hotel Balcón de Cómpeta : à Cómpeta. Établissement classique dont la situation dominante ne manque pas d’attraits, tout comme les terrasses donnant sur la vallée et la grande piscine. Chambres de taille variable, confortables et bien tenues. Accueil sympa. Doubles 60-100 €.
– El Pámpano : à Cómpeta. Tlj sauf lun. La large terrasse voit passer chivos (chevreau à l'ail), bacalau con puerros (morue aux poireaux) et autre poulpe à la braise (pulpo al brasa). Une cuisine d'ici, copieuse et servie avec entrain, jusqu'à la crème andalouse qui donne une bienheureuse note sucrée au repas. Menu déj (mar-ven) 8,50 € ; plats 13,50-20 €.
– La Posada Morisca : à Frigiliana. Resto tlj sauf lun. Longue bâtisse traditionnelle aux chambres rustico-champêtre, accrochée au calme à flanc de colline dans un écrin de verdure et tournée vers le village, la vallée et la mer. Petite piscine entourée de pelouse. La carte du resto, The Avo tourne autour de... l’avocat. Accueil pro. Doubles 100-140 € avec petit déj.
Pour acheter de bons produits du terroir
– Tienda de Vinos Almijara : à Cómpeta. Tlj 10h (11h30 dim)-14h, 17h-20h. Pour goûter au fameux moscatel local. D’autres produits du coin : miel, huile, fruits secs (le bourg est réputé pour ses raisins secs).
– Abuela Ili Fábrica de Chocolate : à Pampaneira. Tlj 10h-20h (coupure déj 14h-15h en sem). Cet atelier-magasin fera fondre les âmes chocolat (même sans gluten !), d’autant qu’on peut goûter toutes les préparations, un œil sur l’atelier de fabrication. Bonnes glaces maison en juil-août.
– El Rincón : à Trevélez. Tlj 10h30-14h, 15h-19h30. Halte obligatoire pour les amateurs de jambon. Séchage dans la plus pure tradition, sans additifs ni conservateurs. La boutique propose aussi fromage, pâtisseries, vin, miel, etc. On peut (sur demande) visiter gratuitement le séchoir et profiter d’une petite dégustation !
Texte : Fabrice Doumergue
Mise en ligne :