Espagne : Ségovie, une belle de Castille
Que visiter à Ségovie ?
À 90 km au nord-ouest de Madrid, Ségovie, perchée à 1 000 m, étrenne de jolis atours : d’abord, un impressionnant aqueduc romain, colosse aux pieds de granit et porte d’entrée de la ville depuis le Ier siècle, ensuite l’Alcazar, résidence royale oubliée puis prison d’État, sans zapper la cathédrale et une myriade d’églises romanes qui s’impriment sur une toile de fond des plus majestueuses, la sierra de Guadarrama, à une dizaine de kilomètres de là.
Ségovie, conquise par Alphonse VI en 1088, fut, au XVIe siècle, l’une des villes les plus importantes de la Castille, adoubée par les rois et prospérant grâce au commerce du textile et des draperies. Avant que Charles Quint ne snobe Ségovie et sa région, qui taperont à nouveau dans l’œil des Bourbons au XVIIIe.
Aujourd’hui, la ville constitue une halte culturelle et patrimoniale bienvenue pour tous ceux qui souhaiteraient s’éloigner des frasques de la capitale madrilène.
Préparez votre voyage avec nos partenairesL’aqueduc romain de Ségovie
Le gardien de Ségovie, c’est lui. Il impose d’emblée ses écrasantes mensurations. Les chiffres ont de quoi faire tourner la tête : 167 arcs sur deux niveaux, 28,10 m de hauteur à son meilleur, plus de 800 m de longueur (les 15 km originels, dont une partie souterraine, acheminaient l’eau depuis La Acebeda) et 20 400 blocs de granit, agglomérés sans une lichette de mortier. Tout ça tient bien mieux qu’un Jenga. Ouf. L’aqueduc romain, qui apparaît notamment dans The Pride and the Passion (1957) de Stanley Kramer, s’est payé une petite cure de jouvence entre 1993 et 1999.
Les curieux peuvent flâner à la Maison royale de la monnaie (Real Casa de Moneda, XVIe siècle) de Ségovie, qui revient sur les 2 000 ans d’histoire de cet ouvrage. On vous invite aussi à vous balader le long de l’aqueduc pour le mater sous toutes ses coutures. Du mirador del Postigo par exemple.
L’Alcazar de Ségovie
Pop en diable l’Alcazar de Ségovie. L’ouvrage aurait inspiré Walt Disney pour le château de La Belle au bois dormant. Rien que ça. Il faut dire que cette reconstruction terminée en 1896 n’y va pas de main morte dans le genre « conte de fées ». Tourelles à toit conique, poivrières et créneaux à tous les étages.
Avant l’incendie qui le ravagea, l’Alcazar, première version, plus mesuré, était l’un des palais préférés des souverains de Castille. Isabelle la Catholique en sortit en majesté pour être proclamée reine de Castille en 1474 tandis que Philippe II y célébra ses noces avec Anne d’Autriche. Quand la cour lui préféra Madrid, l’Alcazar perdit de sa superbe puis devint une prison d’État sous Philippe IV et Charles II.
À l’intérieur, on détaille le couronnement d’Isabelle de Carlos Muñoz de Pablos et le plafond de style mudéjar de la salle de la Galère (ou des ambassadeurs), la frise de têtes couronnées dans la salle des Rois et l’austère chapelle.
N’oubliez pas de réserver votre visite de la Torre de Juan II. La vue sur la province de Ségovie mérite bien un tout petit effort (250 marches).
Alcazar, musée d’artillerie et Torre de Juan II (créneau à réserver, toutes les 30 min), 9 € (tarif plein).
La cathédrale de Ségovie
De son vrai nom, Catedral de Nuestra Señora de la Asunción and San Frutos ou la toute dernière cathédrale gothique castillane. Sa construction aurait débuté en 1525 pour remplacer l’ancienne (nommée de façon plus courte « Santa Maria »), qui voisinait avec l’Alcazar et qui fut détruite lors de la guerre des Communautés de Castille (1520-1522, révolte contre Charles Quint, ce roi né à l’étranger qui n’aimait pas trop Ségovie). Elle fut achevée en 1568.
La tour (qui se visite) de la cathédrale de Ségovie culmine à 108 m et se gagne après avoir avalé 190 marches. Vous y découvrirez les quartiers du dernier sonneur de cloches, qui officia jusqu’au milieu du XXe siècle, et tout en haut, les grandes dames de ces lieux, les 11 cloches de bronze, toutes affublées de coquets prénoms. La plus lourde pèse tout de même 1 384 kg.
Plus bas, vos gobilles s’écarquilleront devant les spectaculaires vitraux du XIVe siècle, l’orgue baroque du XVIIIe dont les tuyaux sont joliment ouvragés et les 18 chapelles accueillant peintures monumentales et sculptures.
Dans la Capilla de la Piedad, restaurée en 2018, ne passez pas à côté de l’expressif retable en bois polychrome, El Santo Entierro (Saint Enterrement), de Juan de Juni (Jean de Joigny si on francise). Vous y verrez, entre autres, la Vierge Marie, affligée au centre, les bras levés.
4 € la visite libre de la cathédrale, 7 € la visite guidée (1h) de la tour.
Balades dans Ségovie
À taille humaine, Ségovie se visite tranquillement à pied. Sans faire offense à l’aqueduc, la Plaza Mayor, percée en 1461 mais remodelée au XVIe siècle, est l’épicentre-bis de la cité avec son théâtre Juan Bravo et l’hôtel de ville.
Une autre placette donne à Ségovie un drôle d’air italien. La place de San Martin et de Medina Del Campo empile, sur deux niveaux, une fontaine, deux sirènes-sphinx burinées par Francisco Bellver mais aussi une statue de Juan Bravo, pas le plus pleutre des communards. Moins exaltée, la toute proche Iglesia de San Martín, affublée d’arcades et d’une tour de style mudéjar (Torreón de Lozoya), vaut bien qu’on s’y attarde.
À quelques pas de là, autour de l’Iglesia de San Miguel, le quartier de la Juderia rappelle que les Juifs étaient nombreux à Ségovie avant d’en être chassés après la signature par les Rois catholiques d’un édit d’expulsion en 1492. Le Centre didactique du quartier juif (Casa de Andres Laguna), qui a investi l’ancienne demeure d’un rabbin du XVe siècle, se penche sur les traditions de cette époque. Le Monasterio del Corpus Christi (XIVe siècle) était l’ancienne synagogue majeure.
Autre confession, autre quartier. Las Cononjias, considéré comme l’un des plus importants ensembles d’architecture romaine civile, était le lieu de résidence des chanoines de la première cathédrale de Ségovie. La belle du coin se nomme l’Iglesia de San Andrés (XIIe siècle). On pense que le retable majeur d’Alonso de Herrera n’y est pas pour rien.
À Ségovie, ne vous étonnez pas si vous voyez d’étranges arabesques aux murs. Beaucoup de façades sont en effet décorées de sgraffites comme le Palacio de Cascales (XVe siècle). D’autres se la jouent franchement excentriques. On pense à la Casa de los Picos et à ses murs en pointe de diamant. On n’a pas compté mais il se dit qu’il y en aurait 617.
Enfin, une balade consiste à longer les 3,5 km de murailles qui enserrent la ville, même s’il ne reste plus que trois des cinq grandes portes d’origine. Et tant qu’à sortir de la vieille ville, allez faire un saut à l’Iglesia de Vera Cruz, œuvre supposée des Templiers et qui intrigue par sa nef à douze côtés.
Les réfractaires à la marche se perdront, eux, dans les deux musées de Ségovie, le museo de Arte contemporaneo Esteban Vicente, appartenant à l’ancien Palacio Real de San Martin et qui fait la part belle aux œuvres d’Esteban Vicente, l’unique Espagnol membre de la première génération de l’École de New York (expressionnisme abstrait) et le musée provincial de Ségovie, fourmillant d’artefacts archéologiques et ethnologiques de la région.
Fiche pratique
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Office national du tourisme espagnol
Comment y aller ?
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Train de Madrid-Chamartín à Segovia-Guiomar, 22,20 € (AR)
Bus 2 € pour rejoindre le centre.
Où manger le cochonillo asado de Ségovie ?
Interdiction de quitter la ville sans avoir goûté au cochonillo de Segovia, un cochon de lait rôti. On vous prévient, le goût est fort mais la viande d’une tendresse exquise (tandis que la peau craque sous la dent). Pour preuve, on la coupe parfois avec des assiettes qu’on casse ensuite. Les restaurants Duque, Jose Maria ou l’Asador Maribel (réservation obligatoire pour les trois) ne devraient pas vous décevoir.
– Restaurant Duque : calle Cervantes, 12. Portion : 28 €.
– Restaurant José María : calle Cronista Lecea, 11. Portion : 29,50 €.
– Asador Maribel : av. Padre Claret, 16, 40001 Segovia. Portion : 26,50 €.
Texte : Florent Oumehdi
Mise en ligne :