New York : Queens, reine de la diversité
Queens est connu pour le quartier de Flushing et l’aéroport JFK. Mais, avec 2,5 millions d’habitants répartis en 91 quartiers, le plus vaste borough de New York est peut-être aussi le plus inattendu. Vous aimez les lieux multiculturels ? Ici, plus de 130 langues sont parlées et un habitant sur deux est né dans un autre pays !
Relié à Manhattan par le pont de Queensboro et partageant avec Brooklyn la partie new-yorkaise de Long Island, le district s’accorde la plus grande plage urbaine du pays réputée pour le surf, Rockaway, et dispatche quelques musées éclectiques. Queens est bien une reine !
Préparez votre voyage avec nos partenairesHistorique et portrait du Queens
En 1683, le duc Jacques d’York aurait baptisé ce comté en hommage à la reine consort Catherine de Bragance, épouse de son frère le roi Charles II d'Angleterre. Ça, c’est pour la petite histoire du Queens.
Il faut attendre son rattachement à New York en 1898, la construction du pont de Greensboro en 1909 et l’arrivée du métro pour que Queens commence vraiment à se développer. Les immigrants déferlent alors en vagues successives : d’Europe de l’Est et centrale jusqu’en 1920, Irlandais et Italiens en suivant, Mexicains et Sud-Américains dans les années 1950, puis Grecs et Chinois dix ans plus tard…
L’architecture emboîte le pas à l’histoire : des immeubles en coopérative agrémentés d’espaces verts, avec des appartements conçus pour des familles nombreuses, de modestes maisons mitoyennes en briques ou en bois, des ateliers désormais convertis en lofts, boutiques ou bars branchés, Queens cajole son héritage.
Un temps capitale du cinéma, brandissant la maison mère des Mets, elle porte haut ses parcs luxuriants, détonne par ses musées étonnants et surtout bouscule les repères, révèle mille saveurs et senteurs. Un voyage cosmopolite que n’épargne pas une gentrification attendue dans les ricanements stridents du métro aérien, la mythique ligne 7.
Corona et Flushing : au bout de la ligne 7
Main Street-Flushing : terminus tout le monde descend à l’ultime station de la ligne 7 pour s’immerger dans Chinatown, le vrai. Dans les années 1970, les communautés juive et italienne se sont vu supplanter par les immigrants taïwanais puis ceux de la région chinoise de Fujian.
Devant une échoppe s’étire une longue file d’attente : il se dit que Fu Yuan cuisine les meilleurs rouleaux de printemps du quartier. Des épiceries, des herboristeries, des distributeurs de journaux tout en sinogrammes, et ces étals débordant de fruits exotiques : rien à voir avec le folklore de Manhattan, ici on est littéralement transporté en Asie.
En 1939, New York se prépare à accueillir sa première Exposition universelle et aménage, en lieu et place des marécages, le parc verdoyant de Flushing Meadows-Corona Park, à un quart d’heure à pied de Main Street.
Le parc est réutilisé pour l'Exposition de 1964, ajoutant le New York Hall of Science signalé par deux fusées de 30 m de haut et l’incroyable maquette de New York en bois et en plastique posant près de 900 000 bâtiments pour lesquels œuvrèrent une centaine d’artisans : elle a trouvé sa place dans le musée d’art de Queens, austère bâtisse grise érigée en 1972, qui met également en lumière l’art contemporain.
Devant le parc, l’Unisphere fait le fier : ce globe terrestre en acier de 43 m de haut, construit pour l’Exposition de 1964, est devenu le symbole du district. Il vous semble familier ? Vous l’avez certainement aperçu dans Men in Black !
Et, oui, c’est bien dans ce parc, au Citi Field que les Mets jouent au baseball. Les inconditionnels peuvent visiter le musée et son Hall of Fame. Et c’est aussi ici que l’on vient pour le non moins illustre tournoi de tennis de l’US Open.
Des voitures qui crachent du merengue, des façades bariolées : c’est un joyeux melting-pot latino qui cueille le visiteur à la station Corona Plaza. On s’éloigne de l’animation, arpentant des rues feutrées, aux jardinets bien peignés. Un rire d’enfant, des arbres et des fleurs.
Une plaque discrète apposée sur une coquette maison en briques : pour échapper à la célébrité, Louis Armstrong s’installa ici avec sa femme Lucile de 1943 jusqu’à sa mort. Une visite – guidée uniquement – permet de découvrir, figé par les ans, l’univers du musicien sur fond de ses plus grands airs. « What a Wonderful World » résonne : le tube fut largement inspiré par la tranquillité qui transpirait à Corona.
D’avril à octobre et de 18 h à minuit se tient devant le New York Hall of Science, le Queens Night Market (marché de nuit de Queens) : 15 000 visiteurs, 90 pays représentés dans l’assiette et des prix qui snobent l’inflation (entre 5 et 6 $). Désormais s’y mêlent vêtements vintage, artisanat local et international et jusqu’aux friandises pour chiens ! Et on paie cash.
Astoria : de l’ouzo au ciné
La cathédrale orthodoxe Sainte Markella, l’église Sainte Catherine et Saint George, des restaus de bleu et de blanc vêtus, et jusqu’à ce kiosque à souvlákis : Astoria parle grec, à n’en pas douter. Un ancien maire d’Athènes a d’ailleurs fourni les fonds pour orner l’Athens Square d’une arche façon antique et de statues en bronze de Sophocle et de Socrate.
Une atmosphère paisible, entérinée par les rues aux charmantes maisonnettes qui mènent en un quart d’heure à l’Astoria Park. Depuis 1936, on y trouve la plus ancienne et la plus grande piscine de tout New York : près de 3 000 personnes peuvent barboter dans ce bassin Art déco de 110 m de long conçu par Robert Moses et initialement dédié aux sélections de natation en vue des JO de Berlin. Elle subit cette année un inévitable lifting pour mieux rouvrir l’été 2024.
On reprend la ligne N, direction 36e rue. En 1920, les studios de la Paramount s’installent ici. Elle y produira une centaine de films muets. En 1979, George Kaufman reprend le site. Plus d’un siècle plus tard, c’est un monstre de béton gris qui héberge les 50 000 m² des Kaufman Astoria Studios.
Pas de tour guidé, mais on peut entrer par la petite porte, celle du musée de l’Image animée (Museum of the Moving Image), consacré à l’histoire du cinéma, de la télé et des médias numériques. Un parcours ludique et interactif qui, outre les premières caméras ou postes de télévision – de véritables antiquités au XXIe siècle ! –, permet de créer une minute de film en stop motion, de doubler quelques acteurs célèbres et d’imaginer les bruitages de films non moins fameux. Et l’on ne manque pas l’expo permanente dédiée à Jim Henson. Vous ignorez peut-être son nom mais vous le connaissez : il a créé les marionnettes du Muppet Show !
Queens aussi vante son street art, avec le Welling Court Mural Project, un projet né en 2009 auquel ont depuis participé plus de 150 artistes – certains célèbres –, décorant murs et rideaux métalliques de leurs fresques colorées.
Long Island City : de PepsiCola au MoMA
Appelez-la LIC. Long Island City – à ne pas confondre avec l’île homonyme – glisse sa gentrification galopante entre voies de chemin de fer à l’est et l’East River… à l’ouest.
Cet ancien fief industriel – des pianos Steinway à l’usine d’embouteillage de PepsiCo – tombé en décrépitude dans les années 1960, devient, une décennie plus tard, le squat favori des artistes avant-gardistes.
Le quartier a vu fleurir un bouquet de tours mais a su conserver une forte imprégnation de son passé. Ce n’est qu’en 1986 qu’un terrain en friche devient le Socrates Sculpture Park, éparpillant de monumentales œuvres contemporaines en plein air. Des cours de méditation, de yoga ou de tai-chi lui confèrent une belle sérénité, tout comme sa discrète plage bordant les eaux de l’East River.
Juste en face, l’esprit indus d’un bâtiment de grès rouge – un ancien atelier de photogravure – compose un poétique prolongement ; on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! C’est ainsi que l’Américano-Japonais Isamu Noguchi a transformé, de son vivant, sa maison-atelier en musée. Sculptures aux contours apaisants, iconique lampe en papier Akari, croquis au pinceau, décors de théâtre s’épanouissent au gré des 2 500 m² de galeries et jardin.
Sex and the City, Les Sopranos, Manifest… Cela vous dit quelque chose ? S’ils ne se visitent pas, les Studios Silvercup font partie intégrante du paysage de LIC : ouverts en 1983 dans l’ancien silo de la boulangerie éponyme, ils constituent les plus grands plateaux de tournage de télé et de cinéma du nord-est des États-Unis.
On descend tranquillement vers Hunter Points, pour jeter un coup d’œil aux expos temporaires et souvent très avant-gardistes du MoMA PS1, l’annexe du musée d’art moderne de Manhattan hébergée dans une ancienne école.
C’est au Gantry Plaza Sate Park, devant d’anciens portiques nautiques et la gigantesque enseigne rouge Pepsi Cola que s’achève la journée : il réserve l’une des vues les plus époustouflantes sur la skyline de Manhattan. À contre-jour, l’Empire State Building, l’ONU ou encore la One Vanderbilt découpent alors leurs inimitables contours sur le ciel qui s’embrase au couchant.
New York Off Road propose un tour guidé de Queens, en français et en 3 h, qui détaille Jason Heights et LIC mais sans oublier une foule d’infos et d’anecdotes sur le reste du district. En petits groupes ou sur-mesure, les guides, résidents souvent de longue date à New York, voire dans le borough, vous donneront en plus leurs adresses préférées !
Jackson Heights : le berceau de Queens
Ici, les deux tiers des habitants sont nés à l’étranger ! Peut-être plus que dans les autres quartiers, on navigue de l’Amérique du Sud à l’Asie, de la Colombie à l’Inde ou au Népal. Les premiers, arrivés dans les années 1920-1930, logeaient dans ces immeubles de grès rouge comme Hawthorne Court au style néo-georgien, dotés de vastes appartements et flanqués de coquets espaces verts jalousement dissimulés à la vue.
L’un des plus beaux ? Le Château. Désormais inscrits au registre national des lieux historiques, ils relèguent les moins fortunés dans les locations au sous-sol, abandonnant les grandes surfaces aux New-Yorkais de la classe moyenne.
À l’angle de la 81e rue et de la 35e avenue, on découvre une petite église méthodiste où l’on ne se contentait pas de prier : en 1938, Alfred Mosher Butts, un architecte au chômage, y teste son invention, le Scrabble. Pour l’honorer, le panneau de signalisation mentionne la valeur des lettres (14 points !).
Guidé par les parfums d’encens et les femmes en saris colorés, vous voici à Little India, sur la 74e rue. On entre dans le Butala Emporium, blindé de bouddhas et d’herbes ayurvédiques, on s’émerveille devant les extraordinaires robes de mariées de l’India Sari Palace et l’on fait le plein de sauces au Mannan Halal Supermarket.
On franchit la frontière colombienne, à moins qu’elle ne soit équatorienne, avant d’atterrir sur Diversity Plaza, une place piétonne qui réconcilie toutes les contrées. À noter, le bel immeuble Art déco, the Earle, cinéma porno dans les années 1970, rebaptisé the Eagle en devenant un théâtre Bollywood jusqu’en 2009, avant d’être reconverti en ce petit supermarché doublé d’un restaurant indien.
Jackson Heights concentre l’une des plus importantes communautés LGBTQ+ de New York. Peu de drapeaux arc-en-ciel mais une foultitude d’adresses prisées comme le True Colors ou la Friend Tavern. C’est d’ailleurs dans ce quartier qu’a lieu, le premier dimanche de juin, la parade annuelle de la New Queens Pride.
Fiche pratique
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Office de tourisme de New York
Comment y aller ?
Vols directs quotidiens depuis Paris-CDG vers New York avec Air France (JFK et Newark), Delta, Norse Atlantic (JFK), United (Newark) ; vols depuis Orly avec French Bee (Newark), depuis Paris et Nice avec La Compagnie (Newark). Trouvez votre billet d’avion.
Où dormir ? Où manger ?
– LIC Hotel : 44-04 21st St. À 5 min des studios Silver Square et à 2 min de la station Court Square, un hôtel à prix doux pour New York et avec un chouette rooftop.
– Boro Hotel : 38-28 27th St. Pour sa vue fantastique sur Manhattan et son style indus dans le quartier de Dutch Kills, à Long Island City. À un quart d’heure du musée de l’Image animée, à peine plus du musée Noguchi.
– X'ian Famous Foods : 41-10 Main St, Downtown Flushing. Au cœur de Chinatown et à deux pas du terminus de la ligne 7, un fast-food où goûter les spécialités de la ville de Xi’an comme les nouilles froides ou ces dumplings particulièrement relevés !
– Taipan Bakery : 37-25 Main St. La pâtisserie est hongkongaise, mais elle délivre aussi des spécialités taïwanaises, du salé comme du sucré, à accompagner d’un bubble tea.
– Arepa Lady : 7717 37 Ave, Jackson Heights. Une véritable institution fondée par une ancienne avocate : ses crêpes de maïs (arepa) sont délicieuses. À déguster sur place, ou à emporter.
– Bhanchha GharL : 74-15 Roosevelt Ave. « Bhanchha ghar » signifie cuisine maison en népalais. Jouxtant Diversity Plaza dans Jackson Heights, les plats le confirment. À tester en priorité ? Les momos, des raviolis fourrés : à tomber !
– Fifth Hammer Brewing : 10-28 46th Ave. À LIC, on fait une pause rafraîchissante dans cette microbrasserie réfugiée dans un ancien hangar. De longues tablées à partager pour goûter parmi une vingtaine de mousses originales à accompagner de grignotages.
Où faire du shopping ?
– Astoria Bookshop : 36-19 30th St. Une librairie LGBTQIA+ particulièrement bien fournie.
– Pimbeche Vintage : 22-73 28th St. Pas la peine de faire sa pimbêche pour dégoter ici de très belles pièces.
– Banana Republic Factory : 37-15 82nd St. Un outlet de la marque américaine en plein Jackson Heights.
Où sortir ?
– True Colors : 79-15 Roosevelt Ave. Une boîte gay dont la réputation n’est plus à faire dans Jackson Heights.
– 929 : 42-45 27th St. Implanté à LIC, ce tout nouveau bar à cocktails sur fond de pop asiatique, ode à la diaspora chinoise, a tout du speakeasy.
Texte : Pascale Missoud
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