Les Jardins de la Paix dans les Hauts-de-France
Voilà une belle idée d’escapade pour les beaux jours à proximité de Paris : les 20 jardins de la Paix, créés sur des lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale de Compiègne au Quesnoy dans les Hauts-de-France.
Ces créations paysagères forment, selon les souhaits de l’association Art & Jardins/Hauts-de-France à l’origine de cette initiative, un parcours invitant à méditer sur la fragilité de la paix et sur l’histoire de cette région meurtrie par les combats.
Aller d’un jardin à un autre permet également de s’immerger dans des paysages contrastés mais largement reconstruits. Ponctués de villages faits de briques, de clochers pointus et, dans l’ancien bassin minier, de terrils, ils sont baignés par une lumière inimitable et changeante.
Préparez votre voyage avec nos partenaires- Clairière de l’Armistice à Compiègne : le jardin franco-allemand
- Chemin des Dames dans l’Aisne : les jardins italien, allemand, marocain et danois
- Somme : les jardins irlandais, gallois, anglais, chinois et australien
- Arras et ses environs : jardins écossais, tchèque, slovaque et polonais
- Au nord de l’Artois : jardins canadien, français, portugais, belge, néo-zélandais
- Fiche pratique
Clairière de l’Armistice à Compiègne : le jardin franco-allemand
Commençons par l’Oise. À 8 km de Compiègne, sa forêt abrite un site synonyme de fin des combats : la clairière où fut signé l’armistice, le 11 novembre 1918.
À quelques dizaines de mètres à peine, au pied des grands arbres, le dessin tout en courbes du jardin franco-allemand renvoie au tracé des tranchées où souffrirent et périrent tant de combattants. Sous les hautes frondaisons, un cheminement gravillonné délimite des poches jardinées et un immense banc noir orné de petits miroirs s’étire. Il « figure le troisième train, celui de la quiétude et de la paix », précise Gilbert Fillinger, directeur de l’association Art & Jardins/Hauts-de-France.
« Célébrer la mémoire est une nécessité. Si la construction de l’Europe s’est réalisée à la suite des deux conflits mondiaux, rien n’est jamais gagné. Avec ces jardins, nous voulons questionner cette paix sans cesse remise en question, créer des espaces de réflexion, de repos, de méditation », souligne Gilbert Fillinger.
« Ces jardins évoquent toutes les nationalités qui, à un titre ou à un autre, ont participé à cette boucherie. Chacun est réalisé par des paysagistes issus du même pays que les combattants honorés », précise-t-il.
La clairière de l’Armistice abrite le mémorial du même nom. À l’intérieur se trouve un wagon-restaurant identique au numéro 2419D dans lequel fut signé l’armistice de 1918 entre la France, ses alliés et l’Allemagne, mais aussi – Hitler l’avait exigé pour humilier les vaincus ! – l’armistice de 1940 entre la France et le Troisième Reich.
Chemin des Dames dans l’Aisne : les jardins italien, allemand, marocain et danois
Après la clairière de l’Armistice, direction l’Aisne, marquée par des affrontements particulièrement violents. C’est sur le plateau du Chemin des Dames qu’eut lieu, en avril 1917, l’offensive française du général Nivelle pour briser les lignes allemandes. Ce fut un échec terrible. Et un carnage.
À proximité de la RD 18, sur une crête du Chemin des Dames, l’ancien village de Craonne fut entièrement détruit par l’artillerie française. Les trous d’obus déforment encore aujourd’hui le site ! Un peu en hauteur, le jardin italien honore la mémoire des 592 combattants italiens enterrés dans le cimetière voisin de Soupir.
Ce jardin est tout proche des trois anneaux métalliques des jardins allemands, dispersés dans les sous-bois. À l’intérieur de chacun, des bulbes aux fleurissements saisonniers témoignent de la perpétuelle renaissance de la nature face aux désordres humains.
Un peu plus bas s’étend le jardin des Hespérides, hommage aux soldats marocains morts sur le sol français. Posée sur une plateforme en zellige, une vasque remplie d’eau de pluie symbolise la source de vie des jardins arabo-musulmans.
À 25 km de Craonne, au bord de la RD 22, Braine accueille le seul cimetière danois de la Grande Guerre. Originaires de la province du Schleswig annexée par l’Allemagne, ces Danois furent enrôlés de force dans les rangs allemands : 6 490 d’entre eux moururent au combat.
Au bord de la route, en contrebas du cimetière, le jardin danois est entouré de haies d’ifs rectilignes. Le chemin qui le traverse, pavé de 6 490 briques apportées du Danemark, est entouré de vivaces qui, à la belle saison, fleurissent blanc et rouge, comme le drapeau danois.
Au cœur du Chemin des Dames se trouve la Caverne du Dragon, une ancienne carrière de pierres que Français et Allemands se disputèrent toute la guerre. Un mémorial (émotion garantie dans les galeries souterraines) y est installé, ainsi qu’un centre d’interprétation dédié à l’histoire du Chemin des Dames. À l’extérieur, les neuf statues de bois calciné de la Constellation de la douleur, réalisée par Christian Lapie, rendent hommage aux nombreux soldats africains morts en 1917.
Somme : les jardins irlandais, gallois, anglais, chinois et australien
Si l’Aisne a été ravagée par la Grande Guerre, la Somme, voisine, a abrité son épisode le plus sanglant : en 1916, une bataille de cinq mois entre Alliés (Britanniques et Français) et Allemands y a coûté la vie à plus de 400 000 soldats !
La petite ville de Péronne, occupée par les Allemands puis réduite à un champ de ruines, accueille, depuis 1992, l'Historial de la Grande Guerre, dans un bâtiment moderne qui prolonge le château fort du XIIIe siècle.
Dans ses douves s’étend le jardin de la Paix dédié aux combattants irlandais et nord-irlandais : trois demi-cercles de végétaux font référence aux trois feuilles du trèfle irlandais. Des bouleaux aux troncs blancs renvoient à la paix, des aubépines au retour de la vie et de la lumière.
À 26 km au nord-ouest de Péronne, dans une verte campagne peuplée de champs de céréales, se trouve un haut lieu de la bataille de la Somme : le village de Thiepval, qui fut alors détruit. Depuis 1932, l’imposant mémorial franco-britannique, entretenu par la Commonwealth War Graves Commission, y recense les noms de 72 000 soldats disparus dans les combats.
Juste à côté, sous de grands érables et charmes, le jardin Trwy goetir yn ysgafn (À travers la forêt légère) rend hommage aux soldats du pays de Galles disparus : une assise en chêne et en pierre forme un long ruban qui relie passé et avenir. Au printemps, le sol est tapissé de primevères, fleurs qui, pour les Gallois, incarnent l’amour naissant, et symbolisent ici, la renaissance après les combats.
Quasiment à touche-touche, le jardin anglais Pax Dryades met face à face deux allées plantées d’arbustes. Les platelages aux lignes brisées sur lesquels le promeneur est invité à cheminer symbolisent les tranchées. Le paysage, rempli de cicatrices, évoque la guerre mais aussi la résilience.
Ceux qui veulent, ensuite, voir le jardin chinois devront parcourir près de 100 km jusqu’à Noyelles-sur-Mer. Il se situe à côté du cimetière chinois de Nolette où reposent 800 travailleurs civils employés par l'armée britannique. Quant au jardin australien, il a été inauguré au pied de la citadelle d’Amiens.
À deux pas de l’imposant mémorial franco-britannique de Thiepval, l’Historial de Péronne a installé, en 2004, son second site dans un vaisseau de verre et de brique à moitié enfoui dans la butte. Il est dédié aux batailles de la Somme et à la mémoire des soldats disparus. Exposition permanente et films documentaires sont riches en informations et en émotions. Le must ? Une fresque longue de 60 m dessinée par Joe Sacco qui, à la manière de la tapisserie de Bayeux, ouvre une fenêtre imagée sur la bataille de 1916.
Arras et ses environs : jardins écossais, tchèque, slovaque et polonais
Commencé dans l’Oise, passé par l’Aisne et la Somme, notre périple se termine dans le Pas-de-Calais qui a payé un lourd tribut à la Grande Guerre : 300 communes dévastées, 500 000 sans-abri, 300 000 sépultures militaires...
Commençons par Arras. Détruite à 80 %, élevée au rang de ville martyre, elle a été reconstruite à l’identique. Non loin de son célèbre beffroi – inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco – et de sa Grand-Place aux 155 belles maisons marquées par le baroque flamand, un jardin de la paix est dédié aux sonneurs écossais qui galvanisaient les troupes au son de leurs cornemuses.
Logiquement, des poteaux noirs en forme de tuyaux de cornemuse y ponctuent les massifs qui rappellent les landes écossaises. Le chardon, fleur nationale de l’Écosse, s’y décline en toutes sortes de variétés et, l’été, de fleurs.
À 10 minutes à peine d’Arras, à Neuville-Saint-Vaast, se trouve la nécropole nationale de la Targette où reposent 11 443 « poilus » morts en 1915.
C’est dans cette commune qu’a été aménagé Marche de la paix, un jardin hommage aux combattants tchèques et slovaques enterrés dans le cimetière tchécoslovaque tout proche. Au printemps, une rivière de jonquilles s’y faufile entre de nombreux tilleuls. Tout autour, le paysage, ouvert et verdoyant, fait écho à l’espérance d’un futur apaisé.
Neuville-Saint-Vaast accueille aussi un jardin de la paix dédié aux 2 000 volontaires polonais venus combattre avec les « poilus ». Rythmé par des collines et de petits fossés, il offre, lui aussi, une place particulière aux tilleuls. L’été y fleurissent les emblématiques bleuets et coquelicots.
Au nord de l’Artois : jardins canadien, français, portugais, belge, néo-zélandais
Toujours au nord d’Arras, à 5 km de Neuville, se dresse la crête de Vimy qui domine la plaine de l’Artois. Fortifié par les Allemands, ce lieu stratégique leur permettait de surveiller les tranchées canadiennes et de protéger les mines de Lens si utiles à l’économie de guerre allemande. Cela n’empêcha pas, en avril 1917, le Corps expéditionnaire canadien de mener un assaut victorieux au prix de plusieurs milliers de morts.
Tout près, le majestueux mémorial national du Canada rend hommage aux nombreux soldats tués pendant le conflit. Sur la pente en contrebas se déploie le jardin de la paix Drapeau, inspiré par la forêt boréale et les paysages canadiens enneigés.
Entre deux massifs de hauts pins, un sentier conduit vers un banc entouré d’arbustes. Au printemps, une prairie de fleurs blanches s’y éveille. En septembre, des asters blancs dansent au vent comme des drapeaux. Plus tard, les feuillages des amélanchiers virent au rouge-orangé des forêts du Canada.
Une dizaine de kilomètres plus loin, toujours au nord d’Arras, à Ablain-Saint-Nazaire, la nécropole Notre-Dame de Lorette est juchée sur une colline. La tour lanterne – visible à des kilomètres à la ronde – et la basilique veillent sur les 42 000 soldats français morts sur le front de l’Artois et des Flandres françaises et belges...
Le jardin de la paix français Promenade en sous-bois, aménagé en contrebas, s’inspire des vergers pâturés et fait la part belle aux bouleaux du bassin minier et aux arbres fruitiers de l’Artois. Des bancs invitent à s’asseoir au creux de la végétation dans une atmosphère propice à la contemplation et au souvenir.
Quelque 40 km plus au nord de l’Artois, à Richebourg, sur la D947, se dresse le mémorial indien de Neuve-Chapelle (à la belle forme circulaire) et aussi le cimetière portugais. En contrebas de ce dernier, dans le jardin portugais, douze chênes entourent une grande sculpture en marbre. En son centre, un bassin peuplé de roseaux, nénuphars, iris, etc. On rebrousse ensuite chemin, par l’A2, pour venir jusqu’au Quesnoy. Dans les douves de la citadelle Vauban faite de briques, deux jardins de la paix attendent le visiteur. Le jardin belge, légèrement en hauteur, n’a pas souffert des récentes inondations, contrairement au superbe jardin néo-zélandais, en partie sous l’eau. Dommage.
Fiche pratique
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Association Art & Jardins/Hauts-de-France
Comité régional du tourisme des Hauts-de-France
Comment y aller ?
Train jusqu’à Compiègne, Amiens ou Arras, puis location de voiture.
Se loger :
– Hostellerie du Royal Lieu : 9, rue de Senlis, à Compiègne. Hôtel de charme à l’orée du bois, chambres confortables. Doubles à partir de 110 € ; petit déj 12 €.
– Maison Manotte d'Artois : 45, rue Frédéric Degeorge, à Arras. Une maison d’hôtes récemment aménagée dans l’ancien hôtel particulier d’un assureur par Bertrand, architecte d’intérieur. Confort élégant et contemporain mêlé à des notes plus traditionnelles et des objets chinés. À partir de 129 € la double, petit déj inclus.
– Restaurant Rhizome : 6, rue des Pâtissiers, à Compiègne. Au centre de Compiègne, une cuisine 100 % locale en agriculture bio ou raisonnée. Menu à partir de 35 €.
– L’Œuf ou la poule : 13, rue des Balances, à Arras. Au cœur de la ville, une cuisine créative à base... de volailles et d‘œufs, bien sûr ! Menu à partir de 17 € ; carte.
– L’Embarcadère : 58, av. Jean-Baptiste Lebas, à La Bassée. Une cuisine familiale savoureuse où les produits frais sont à l’honneur. Plat du jour à 13,50 €.
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Texte : Paula Boyer
Mise en ligne :