Le meilleur de Majorque
Le meilleur de Majorque : villes et culture
De la cathédrale de Palma à la chartreuse de Valldemossa, en passant par le musée Miro, l'île de Majorque est une destination culturelle de choix.
Palma de Majorque
Palma, la capitale des Baléares n’est pas née d’hier. Romaine, vandale, puis longuement arabe avant d’intégrer le giron aragonais au XIIIe s, elle conserve du passé un cœur compact, resserré, attachant, battant la chamade autour de La Seu, la fière cathédrale, juchée sur son promontoire tourné vers la mer et enchâssée de la plus grande rosace gothique d’Europe. Il fallait marquer le triomphe du catholicisme sur l’islam.
Autour de ce bastion de la foi, ruelles et venelles irriguent un plan illogique, hérité de l’ancienne médina. Bien des palais, à la belle pierre ocre, entrouvrent leurs grilles ou leurs portes sur des patios pavés aux majestueux escaliers. Des plantes en pots y imaginent des jardins, bercés par les cloches de multiples églises. Sant Francesc, Santa Eulària, Montesión affirment, chacune à leur manière, la force du baroque et la passion espagnole pour les représentations sacrées douloureuses — que l’on retrouve dans les musées d’art et d’histoire (Museu Diocesà, Museu de Mallorca…).
Face à La Seu, le palais royal de l’Amudaina marque depuis plus de 1 000 ans le siège du pouvoir. On domine d’ici la verdure du S’Hort del Rei et le Parc de la Mar, aux vastes bassins reflétant l’arrogance de la cathédrale. Vers l’ouest, la Lllotja, la bourse du commerce médiévale, dresse ses hautes colonnes-palmiers. Splendide. Le castell de Bellver (XIVe), à l’inhabituelle forme ronde, veille au loin, depuis sa colline.
Coup de cœur : le centre de Palma conserve de très beaux édifices modernistes (l’Art Nouveau espagnol), notamment celui de L’Águila, au masque grimaçant.
Dans les pas de Joan Miró
On ne le sait pas forcément : né à Barcelone, le chantre du surréalisme, qui voulut un temps “assassiner la peinture” avant d’adopter son célèbre style naïf, a longtemps vécu à Majorque, dont sa femme et sa mère étaient originaires. C’est même sur l’île, au contact de sa “catalanité”, que Joan Miró développa à partir de 1942 son vocabulaire pictural imagé, tournant autour d’une trilogie majeure : femmes, oiseaux et étoiles.
En 1956, les Miró s’installent à Cala Major, sur le flanc sud de Palma, à quelques encablures du palais royal de Marivent. Si le quartier a depuis été rattrapé par l’urbanisation, il faut imaginer alors une colline plantée de pins, dominant la Méditerranée.
C’est là, aujourd’hui, que se dresse la Fundació Pilar I Joan Miró, gravitant autour d’un vaste bâtiment moderne inauguré en 1992, où les œuvres de l’artiste sont exposées par roulements. Au-dessus, son atelier semble n’avoir guère bougé, avec ses collections, son matériel et des toiles inachevées. Un peu plus haut, une vieille maison rachetée par le couple servait à Miró pour composer ses plus grandes œuvres ; sur les murs, apparaissent les esquisses au fusain d’œuvres célèbres.
Pas bien loin, les paisibles jardins de Marivent, récemment ouverts au public, exposent 12 sculptures de Miró. On en découvre d’autres sur le front de mer de Palma.
Coup de cœur : à Sóller, dans la vieille gare, une exposition gratuite retrace l’évolution de l’œuvre de Miró et décode son usage fécond de symboles plus ou moins abscons.
Sóller
C’est par le rail, forcément, qu’il faut gagner la petite ville de Sóller. Partant de la Plaça d’Espanya, au centre de Palma, le vieux train inauguré en 1912 parcourt la Serra de Tramuntana, qui s’amoncèle en crêtes et falaises à l’ouest de Majorque. Le parcours est splendide, nostalgique et… terriblement touristique !
Parvenu au cœur de Sóller, on découvre la gentille gare moderniste, à trente pas du centre névralgique de la Plaça Constitució, dominée par une église (Sant Bartomeu) et une banque (Banco Santander) elles-mêmes réinventées par des disciples de Gaudí à l’aube du XXe siècle. Le reste est autrement plus intemporel : des enfants qui jouent au foot, des papys qui prennent le frais et des terrasses où l’on s’attable pour un jus d’orange tout juste pressé. Le tramway dévalant vers Puerto Sóller se glisse au milieu.
Coincée dans sa large cuvette enserrée sur trois côtés par un amphithéâtre rocheux, Sóller a longtemps vécu en tournant le dos à Palma avec, pour tout débouché, ce port à la baie traçant un parfait arc de cercle, très protégée, devenue station balnéaire. On y exportait jadis les oranges vers la France. On s’y dore aujourd’hui la pilule, avant d’aller admirer la mer du haut des falaises où se perche le phare du cap Gros.
Coup de cœur : tout autour du cœur de Sóller, de fort belles propriétés se dissimulent dans leurs vergers d’orangers et de mandariniers. Plusieurs ont été transformées en hôtels fort plaisants, dans une belle sérénité mêlée de senteurs ennivrantes.
Valldemossa
Difficile d’échapper à la foule et au mythe à Valldemossa. Ce gros village, perché sur les contreforts de la belle Serra de Tramuntana, à mi-distance de Palma et de Sóller, est enchaîné depuis plus d’un siècle et demi au souvenir de Georges Sand et Frédéric Chopin, qui vinrent y hiverner en 1838-1839. À cette époque, la desamortización venait juste d’entériner la dissolution des biens monastiques au profit de l’Etat : la chartreuse de Valledemosa fut revendue aux enchères et débitée en tranches.
C’est donc dans des appartements occupant l’ancienne cellule n° 4, spacieuse et avec terrasse sur la campagne, que le couple s’installa dans l’espoir d’améliorer la santé du musicien. Très vite, il se mit à pleuvoir des cordes et Chopin, qui travaillait malgré tout, se retrouva plus malade que jamais. Les amants, vus comme des pestiférés, rejetés pour leur manque de piété, finirent par fuir sur un bateau transportant des cochons…
Aujourd’hui, le ton a bien changé. Deux musées concurrents (cellules n° 4 et n° 2) se partagent des souvenirs : piano authentique, feuillets manuscrits, portraits et petits objets personnels abandonnés dans la hâte du départ. Au-delà, l’ancien monastère révèle une fort belle pharmacie, aux pots en céramique contenant toujours quelques onguents, les appartements du prieur et leur riche bibliothèque, sans oublier le palau del rei Sanxo attenant, réinventé au XIXe s dans le goût de l’époque.
Coup de cœur : la visite de la chartreuse comprend, plusieurs fois par jour, un petit concert gratuit d’œuvres de Chopin.
Les marchés de Majorque
Méditerranéenne de cœur, bonne vivante, Majorque aime vivre dehors et faire bombance. Très attachés à leur terre et à ses fruits, les Majorquins sont les premiers à se rendre, panier en main, dans les nombreux marchés organisés autour de l’île.
À Palma, chaque matin de la semaine (dimanche excepté), les habitués se retrouvent pour les uns au Mercat de l’Olivar, pour les autres au Mercat de Santa Catalina, pour soupeser, humer, goûter le cas échéant. Un peu plus grand, le premier possède un coin dédié aux poissons et fruits de mer ; le thon rouge tranché y côtoie les lamproies et les gambas, les boqueroncitos (petits anchois) et les lubinas (bars). Vers 11h, les vendeurs, tôt levés, s’offrent une pause café aux comptoirs latéraux, bientôt relayés par les travailleurs et touristes venus goûter tapas, huîtres et sushis.
Au centre de l’île, la jolie bourgade de Sineu est réputée pour son marché du mercredi, où l’on vend même poules, lapins, moutons et chèvres ! Fondé en 1306, il trouve son écho dans la feria agricole du premier dimanche de mai. Pas bien loin, à Inca, c’est le lendemain que ça se passe, avec plusieurs centaines de stands colonisant l’essentiel du centre-ville, entre la gare et la Plaça de Mallorca. Il est alors bien difficile de trouver une place à la table d’un des vieux cellers (caves) où se mitonne une cuisine traditionnelle servie avec vue directe sur les foudres (tonneaux de vin XXL).
Coup de cœur : au Mercat de l’Olivar, à Palma, le Bar d’Es Peix est incontournable et ses places assises vite prises d’assaut. Couleur locale garantie.
Préparez votre voyage avec nos partenairesTexte : Claude Hervé-Bazin