Nous sommes arrivés vendredi soir, la nuit était déjà tombée sur la tour de l’Oro, premier point de repère à la descente du bus en provenance de l’aéroport. Et déjà, quelques pas plus tard, j’aperçois des femmes dansant sur des airs de flamenco dans une bodega. Je sens que je vais adorer mon séjour à Séville. Les ruelles sont pavées, il n’y a pas trop de monde (quelques craintes de me retrouver dans la foule vénitienne), l’air est doux et le trajet pour déposer nos bagages à l’hôtel est plein de promesses : nous longeons la cathédrale et les imposantes murailles du palais de l’alcazar pour aller nous perdre dans le dédale du quartier santa Cruz, avec les roulettes de la valise qui s’entrechoquent sur les pavés. Les façades des immeubles nous plongent dans une autre époque, une autre culture. Nous voilà si loin de Paris en à peine deux heures de vol ! La chambre est correcte, au calme. Nous sortons dîner, une paella bien sûr, la seule du séjour, un peu décevante mais qu’importe, demain est un autre jour. Nous rentrons nous coucher et je m’endors, bercée déjà par les échos de cette langue qui chante à mon oreille, dont je ne comprends malheureusement pas un traître mot mais qui me plaît tant.
Samedi, nous décidons de commencer notre visite par le musée des beaux-arts, qui ne vaut pas le Prado mais qui contient quelques belles toiles du siècle d’or espagnol (de belles crucifixions de Zurbarán, un portrait du Greco et quelques Velasquez par-ci par-là); en revanche le bâtiment, de style mudéjar (comme quasi tout ici), avec patio, azuléjos et escalier d’honneur à l’extérieur vaut le détour. La chapelle de cet ancien couvent est recouverte de petits bijoux.
Il fait bon se perdre dans les rues. Mon amoureux manie le plan plutôt bien, je me laisse conduire. Nous rentrons à l’hôtel pour la traditionnelle sieste, puis nous visitons les jardins de Murillo, tout à côté de notre hôtel (du même nom) et il n’en faut pas plus pour nous combler : des bancs en azuléjos bleus et blancs, un chanteur à guitare qui entonne gaiment « la storia de un amor », des petites fontaines dans les allées centrales, bordées d’orangers et d’immenses arbres à liane, tout droit sortis d’un film de Tim Burton. Nous sommes conquis.
On ne coupera pas ensuite à la sangria et au jambon bellota, un délice, même pour moi qui ne suis pas trop amatrice.
Nous filons ensuite vers les champignons géants, « el mirador », qui nous donnent accès à une balade en hauteur avec vue sur toute la ville, de nuit. La promenade est originale mais le style détonne et ne me plait que peu, surtout qu’il contraste avec l’animation populaire des rues qui grouillent le samedi soir. Les bars sont bondés, les gens debout, ils parlent fort, ils rient fort. Je ne sais pas s’ils sont heureux de vivre, mais ça en a tout l’air.
Pour terminer la journée, nous allons manger des tapas à côté de la place alfalma, et c’est une excellente surprise : ils sont bons, originaux (j’ai tout choisi au pif) variés, pas chers. Je pense même à revenir le lendemain. Nous verrons.
Dimanche matin, nous prenons notre temps avant de sortir de l’hôtel et de commencer notre journée de touriste. Ce qui est peut-être un peu dommage dans la mesure ou la masse de visiteurs pour l’alcazar a eu le temps de s’agglutiner devant la lourde porte d’entrée du palais. Nous n’avons pas envie d’attendre. Deux andalouses, très brunes, accompagnées à la guitare, dansent le flamenco sur la place, contre un peu de monnaie. Elles sont belles, rouges, noires, leurs talons claquent, plus fort que les sabots des chevaux qui promènent les touristes en calèche.
Nous nous dirigeons après ce spectacle improvisé vers la casa de Pilatos, une demeure du XVe siècle aux jardins magnifiques, havres de paix dont on profite longtemps, presque seuls au monde, au milieu des faïences, sous la végétation luxuriante des palmiers, orangers et autres arbres aux noms que j’ignore.
Puis, nous dénichons des churros, beignets très à la mode ici. Les commerçants sont souriants, sympathiques, ils nous parlent en espagnol et on ne comprend pas. Nous cherchons l’entrée de la cathédrale, en vain. Le dimanche elle est invisitable, apparemment. Nous nous glissons tout de même à l’heure de la messe, au milieu des croyants sévillans, qui s’agenouillent volontiers. L’intérieur semble immense, bien sûr, mais on ne s’en rend pas vraiment compte. Il faudra revenir demain. Nous poursuivons notre balade du côté du parc Maria-Luisa, enchanteur ! Tout est beau, où que l’on pose les yeux ! J’adore cette ville, la place d’Espagne et son luxueux palais sont sublimes le fruit de l’exposition universelle de 1929. Un petit étang la borde, les sévillans y font de la barque, les enfants crient, les couples s’embrassent, bref tout est à sa place. Un chaud soleil nous accompagne tout l’après-midi. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait manquer.
Nous continuons ensuite sur les quais du fleuve qui traverse la ville, ce fameux fleuve au nom enchanteur, synonyme, pour moi, de voyage lointain et de culture exotique : le Guadalquivir. Qui pourtant n’est ni plus ni moins qu’un fleuve. Il nous amène jusqu’à la sculpture de Chiida, je prends quelques photos du pont Isabel II sous le soleil qui décline et nous décidons de rentrer, après une pause sangria et tapas bien méritée, sur une minuscule place non loin de l’hôtel. Nous ne retournerons finalement pas au restaurant de la veille mais mangerons dans un boui-boui proche de l’hôtel dont je préfère oublier le nom.
Lundi, nous entamons notre dernière journée andalouse par la visite du palais de l’alcazar, où nous parvenons à rentrer dès l’ouverture. Les jardins sont immenses, magnifiques, remplis de hauts palmiers, les citronniers sont gorgés de soleil, nous nous promenons parmi les fleurs, les arbustes, arpentons les patios, bassins, roseraies sans en voir la fin, nous écoutons l’orgue hydraulique, les moineaux boivent aux fontaines, nous nous perdons dans le labyrinthe végétal tandis que les jardiniers s’affairent. Mon amoureux dort sur un banc et sur mes genoux, sous 20 degrés délectables. On est bien. Un petit goût de paradis se dégage du lieu. Les Arabes ont tout compris, il y a de ça 1000 ans ! Les civilisations qui leur ont succédé n’ont rien apporté de plus, tout est là, entre les entrelacs des lourdes portes en bois et les perruches qui gazouillent.
Les palais aussi sont immenses, haut de plafond, décorés dans les moindres détails. Chaque roi musulman puis chrétien y a ajouté une aile, au fil des siècles, avec un style bien particulier.
Mais déjà il est l’heure de quitter les lieux, pour la cathédrale, toute proche, bâtie sur l’ancienne mosquée. Tout en haut de la nef, Jésus sur sa croix semble y danser le flamenco. Le tombeau de Christophe Colomb attire les touristes.
De nombreuses toiles dans les chapelles adjacentes montrent les saintes Justa et Rufina qui veillent sur la ville et sa tour. Tour, ou plutôt Giralda, ancien minaret d’où le muezzin appelait à la prière, dont nous grimpons rapidement les 35 paliers pour admirer la ville d’en haut. Tout est blanc, ou presque. Quelques piscines ont envahi les toits. Les rues sont invisibles, trop étroites entre les hauts bâtiments. Je prends des photos, je veux me souvenir de Séville la blanche.
Les grosses cloches sonnent l’heure. Nous redescendons, à la recherche de l’église san Salvador (très kitsch!) et du bar à tapas de l’avant-veille. Nous voulons rester sur un bon souvenir culinaire et ça sera le cas : nos assiettes sont toujours aussi goûtues, servies avec le sourire, sur une petite terrasse, très calme. Les travailleurs sont au travail ou à la sieste et les touristes ont quitté la ville. Comme nous dans quelques heures… Nous prenons tout de même le temps de monter en haut de la tour de l’or (ascension un peu décevante, surtout après la vue de la Giralda !) et me voici déjà dans l’avion pour Orly, en train de coucher sur papier les éléments marquants de ce grand week-end à Séville, déjà de l’ordre du souvenir.