Vol en retard : Articulation entre la convention de Montréal et le règlement n°261/2004

Forum Avion

Bonjour à tous,

J’ai lu pas mal de choses ici s’agissant du règlement n°261/2004 mais étonnamment rien sur la convention de Montréal et a fortiori, rien sur son éventuelle articulation avec ce règlement.

Confronté à un important retard sur un vol entre Bruxelles et Nairobi via Doha opéré tous segments par QA, je m’apprête à demander une indemnisation. Dans mon cas, le règlement européen prévoit une indemnisation forfaitaire de 600 € par passager : le vol entre Bruxelles et Doha ne nous a permis d’attraper notre vol de correspondance pour Nairobi et QA nous a placé sur le vol suivant pour Nairobi où nous sommes arrivés avec 17 heures de retard sur l’itinéraire initialement prévu.

La convention de Montréal (EUR-Lex - 22001A0718(01) - FR) plafonne à 4150 DTS, correspondant à 5000 € l’indemnisation des passagers dont le vol est arrivé avec un retard conséquent. Cette convention est applicable en Belgique où le litige est né.

L’article 12 du règlement n°261/2004 prévoit que si une action en dommage-intérêt est menée par le passager, le montant de la compensation prévue par le règlement, si elle a été versée, devra être déduite du montant éventuellement alloué par le juge.

Il s’en déduit qu’une action justice pourrait éventuellement reposer sur ces deux fondements juridiques.

D’où ces quelques questions nécessitant, je le crains, un avis éclairé sur cette question.

Comment sont appréciées les dommages et intérêts dans le cadre de la Convention de Montréal ?

Son application est-elle cumulable pour un litige relevant d’une juridiction belge (dans mon cas, le juge de paix de Zaventem) avec celle du règlement n°261/2004 ? En Allemagne, il semblerait, d’après quelques recherches rapide, que la jurisprudence ait exclut cette possibilité d’engager la responsabilité de la compagnie aérienne sur ce double fondement : beurre et argent du beurre donc mais pas c…

Qu’en est-il également de son application cumulée devant les tribunaux français ?

Merci par avance pour vos réponses.

Cordialement

la_part_des_anges

Bonjour,

Pour votre cas, allez voir là : https://retardimportantavion.wordpress.com/2022/04/18/retard-premier-vol-correspondance-manquee/

Vous parlez de justice française. Or votre vol n’avait aucun rapport avec la France, et était au départ de l 'aéroport de Bruxelles national situé à Zaventem. Dès lors que vous vous référez au règlement 261/2004 du Parlement Européen et du Conseil, le tribunal compétent est celui de Zaventem.

Zaventem est en zone linguistique flamande. Donc, vous devrez tout faire en flamand (néerlandais), en suivant la procédure belge, puisque la compagnie aérienne ayant son siège social hors de l’Union européenne, vous ne pouvez pas engager la "procédure européenne de règlement des petits litiges.

Contrairement à la justice française, la justice belge n’est pas gratuite, même si c’est plutôt symbolique.

S’agissant d’une compagnie non européenne, et d’une décision de justice qui sera rendue en Belgique, en vue d’une éventuelle exécution forcée face à un condamné éventuellement récalcitrant, commencez par rechercher si cette compagnie a une adresse officielle en Belgique.

Vous observerez que mon site Internet https://retardimportantavion.wordpress.com , spécialisé sur le droit des passagers aériens, est complètement muet sur les conventions de Montréal et de Varsovie. Ce n’est pas sans raison.

Vous faites fausse route lorsque vous vous penchez sur une hypothétique articulation entre ces conventions et le règlement 261/2004 du Parlement européen et du conseil dans le cadre d’une demande d’indemnisation pour retard de “3 heures ou plus” lors de l’arrivée à destination finale.

J’attire votre attention sur l’article 19 de la convention de Montréal :
"Article 19 Retard
Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

Avec un tel libellé, tout à la faveur des compagnies aériennes, bon courage !!!

“dommage” : il faudra en justifier. Le simple fait d’être arrivé en retard n’est pas une justification du dommage : Énorme différence par rapport au règlement 261/2004 !

et article 22.1 :

  1. En cas de dommage subi par des passagers résultant d’un retard, aux termes de l’article 19, la responsabilité du transporteur est limitée à la somme de 4150 droits de tirage spéciaux par passager.

Un tel libellé vous impose de PROUVER que vous avez subi dommage, notamment au moyen de factures.

Ca n’a rien à voir avec le règlement 261/2004 qui fixe un montant forfaitaire auquel vous ouvre droit un retard de “3 heures ou plus” du seul fait de ce retard, donc sans avoir à justifier de quelque dommage que ce soit.

L’article 12 du règlement 261/2004 que vous mentionnez prévoit le cas d’un passager qui peut établir qu’il a subi un dommage supérieur à l’indemnisation prévue par l’article 7. Auquel cas, le juge a la faculté de déduire de l’indemnisation totale en vertu de l’article 12, le montant accordé par l’article 7. Donc, il n’y a aucun intérêt de se référer à la convention de Montréal si on se trouve dans le cas où on peut établir un dommage supérieur au montant fixé par l’article 7. Voir exemple là : https://retardimportantavion.wordpress.com/2024/01/12/reacheminement-catastrophique-droit-indemnisation-meme-circonstances-extraordinaires-2/

Mais, même dans ce cas, une indemnisation supplémentaire est très loin d’être gagnée d’avance !

Cordialement

Bonjour,

Je vous remercie pour votre réponse très éclairante qui achève de me convaincre d’écarter de ma demande l’application combinée des dispositions du règlement n°261/2004 et de la convention de Montréal pour privilégier l’indemnisation forfaitaire prévue par le règlement n°261/2004.

Votre réponse soulève quelques interrogations de ma part et me permets de solliciter de votre part quelques éclaircissements complémentaires.

S’agissant tout d’abord de votre invitation à me renseigner sur une éventuelle adresse officielle de Qatar Airways en Belgique, la réponse est positive. Cette adresse figure sur le site internet de la compagnie derrière ce lien :

https://www.qatarairways.com/fr-fr/legal/eu-legal-contact-information.html

Me faut-il adresser, par LRAR international évidemment, ma demande d’indemnisation issue du règlement n°261/2004 à l’adresse de Qatar Airways en Belgique, ou à celle du siège de l’entreprise au Qatar, voire aux deux ?

S’agissant ensuite de l’inapplicabilité de la procédure européenne du règlement des petits litiges puisque, comme vous l’indiquez, le siège de Qatar Airways est situé en dehors du territoire de l’Union européenne.

La solution serait-elle identique si Qatar Airways disposait d’un établissement doté de la personnalité morale en Belgique (en clair une filiale) en sachant que Qatar Airways dispose, en Belgique, tant d’une adresse postale que d’un numéro de TVA (« BE0831454009 »).

Ce numéro de TVA établit-il ipso facto l’existence d’une filiale dotée de la personnalité morale ?

Et en pareille hypothèse, me serait-il possible de m’appuyer, devant la juridiction belge, sur le fondement de la procédure européenne de règlement des petits litiges ?

Au cas ensuite où il conviendrait, pour faire valoir mes droits à indemnisation, que j’intente une action en justice, vous indiquez s’agissant de la langue de procédure que je devrais “tout faire en flamand (néerlandais)” dans la mesure où le tribunal territorialement et matériellement compétent est le Juge de paix de Zaventem. Ne parlant pas le néerlandais et l’écrivant a fortiori encore moins, j’ai entrepris quelques recherches. Le site internet du service public fédéral de la justice belge précise que « si vous ne connaissez pas la langue de l’audience ou que vous vous exprimez plus facilement dans une autre langue nationale, vous pouvez demander que la procédure se déroule dans cette autre langue. Le juge n’est pas obligé d’accepter cette demande. Il peut renvoyer l’affaire au tribunal le plus proche qui utilise cette langue ; sinon, un interprète doit être mis à votre disposition. » :

Enfin, nous étions deux passagers voyageant ensemble sur le vol arrivé avec 17 heures de retard sur l’horaire prévu. Y a-t-il lieu d’effectuer deux demandes d’indemnisation séparées, l’une au nom du premier passager et l’autre au nom du second passager ? Ou bien convient-il d’effectuer une unique demande au nom des deux passagers en demandant l’indemnisation via l’indemnisation prévue par le règlement n°261/2004 sur le compte de la personne ayant payé les deux billets ?

Vous remerciant par avance.

Cordialement.

Frédéric.

Bonjour,

Vous pouvez adresser votre demande d’indemnisation à l’adresse officielle de la compagnie en Belgique.

Mais, sur l’aspect “procédure européenne de règlement des petits litiges” :

La “Procédure européenne de règlement des petits litiges” est possible dès lors que les deux parties ont leur “domicile” dans deux États membres différents de l’U.E.
article 3, paragraphe 2 : Le domicile est déterminé conformément aux articles 62 et 63 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil.

Article 63 du règlement 1215/2012 :

1. Pour l’application du présent règlement, les sociétés et les
personnes morales sont domiciliées là ou est situé:
a) leur siège statutaire;
b) leur administration centrale; ou
c) leur principal établissement.

La succursale belge ne me semble pas correspondre à ces définitions, s’agissant de cette compagnie aérienne.

langue en Belgique : la loi sur les langues en Belgique est particulièrement stricte. Pour l’anecdote : Le juge de paix de Zaventem est parfaitement francophone. Mais il applique strictement la loi sur les langues : flamand (néerlandais) obligatoire dans le tribunal de Zaventem. Dès qu’une affaire est enregistrée, le demandeur reçoit une lettre en flamand lui rappelant cette loi sur les langues.

Possibilité d’une procédure en français si la juridiction compétente est située en zone linguistique flamande : le juge PEUT (c’est une simple possibilité et non une obligation) vous diriger vers un tribunal où la justice est rendue en français, c’est à dire à pas plus de quelques km puisque Zaventem est juste à la frontière linguistique, mais coté flamand. Mais il faudra l’accord de votre adversaire… Je ne vois pas pourquoi le défendeur vous faciliterait la vie… Interprète “mis à votre disposition” : ce n’est pas gratuit.

2 passagers non mariés : chacun sa procédure. Ou alors, contrairement à ce que vous pouvez croire, vous allez vous compliquer la vie.

Qui a payé le billet : contrairement à une demande de remboursement pour une prestation payée et non fournie, pour une demande d’indemnisation, dans votre cas, ça n’a aucune importance.

Si vous faites appel à un avocat, précisément à cause de ce problème linguistique, vu mon expérience, ne vous focalisez pas sur l’avocat (ou les avocats) le plus proche du tribunal.

Cordialement

Bonjour,

Je vous remercie pour votre réponse à nouveau très éclairante.

Permettez-moi une toute dernière question relative aux modalités de preuves du retard du premier segment de vol.

Notre vol entre Bruxelles et Doha devait décoller à 16 h 35 le 31 août 2024. Arrivé au comptoir d’enregistrement, l’employé de la compagnie nous annoncé oralement que “l’avion n’était pas prêt” et que le retard qu’il accuserait à Doha ne nous permettrait pas d’attraper notre correspondance à Doha pour Nairobi devant décoller à 01 h 35 le 1er septembre 2024. De sorte qu’il nous a proposé de nous enregistrer sur le vol suivant opéré entre Doha et Nairobi décollant de Doha à 18 H 30 le 1er septembre 2024. Proposition que nous avons acceptée.

Les seul éléments de preuve dont je dispose sont :

  • les billets électroniques réservés sur le site internet de Qatar Airways ;
  • les cartes d’embarquement du segment de vol entre Bruxelles et Doha le 31 août 2024 ;
  • les cartes d’embarquement du segment de vol entre Doha et Nairobi opéré le 1er septembre 2024 sur lequel nous avons finalement accepté d’être enregistrés à l’aéroport de Bruxelles ;
  • des échanges effectués sur Telegram indiquant que le vol Bruxelles-Doha du 31 août 2024 accuse du retard ;
  • des photographies horodatées montrant que l’embarquement du vol Bruxelles-Doha du 31 août 2024 ne s’est achevé à l’aéroport de Bruxelles qu’à 17 h 38 le 31 août 2024 et que le roulage de l’avion sur le tarmac de l’aéroport de Bruxelles n’a commencé qu’à 18 h 03 le même jour ;
  • le document de prise en charge (hôtel à Doha, repas et transfert entre l’aéroport de Doha et l’hôtel à Doha) remis par Qatar Airways dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2024. Ce document indique sans ambiguïté au titre du motif de la prise en charge : “Misconnection / Inbound Delay”.

Ces éléments me semblent suffisants à établir tant le retard du vol entre Bruxelles et Doha que le transfert par Qatar Airways sur le vol suivant entre Doha et Nairobi. Qu’en dîtes-vous ?

Si tant est qu’il me faille établir autrement le retard du vol entre Bruxelles et Doha, comment pourrais-je précisément faire en sachant que le tableau d’affichage de l’aéroport de Bruxelles n’a jamais affiché le retard du vol entre Bruxelles et Doha ?

Je vous remercie à nouveau par avance pour la réponse que vous voudrez bien m’apporter.

Coridalement.

F.

Bonjour,

C’est suffisant.

La seule échappatoire de la compagnie aérienne pour ne pas vous indemniser est de PROUVER (alléguer ne suffit pas) que le retard du 1er segment de vol, ayant entraîné la correspondance manquée, a été dû à la (je cite) “survenance de circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises”. (fin de citation).

Si vous aviez, dès l’instant même, trouvé, sur google fligths (puis en allant sur le site de la compagnie, pas sur le site d’une agence) un autre réacheminement, même avec une autre compagnie, qui vous aurait permis d’arriver à destination finale le jour prévu (et non le lendemain), la compagnie n’aurait alors eu aucune échappatoire, à la seule condition (mais, condition SINE QUA NON) de citer les textes de droit applicables, dont, la jurisprudence adéquate de la Cour de Justice de l’Union Européenne https://retardimportantavion.wordpress.com/2024/01/12/reacheminement-catastrophique-droit-indemnisation-meme-circonstances-extraordinaires-2/.
Ceci aurait impliqué (là encore, condition SINE QUA NON) de faire des copies d’écran en s’arrêtant juste avant le paiement afin de PROUVER qu’il y avait deux places libres (peu importe le prix).

Cordialement

Bonjour,

Merci pour votre réponse. Tant pour sa qualité que pour sa promptitude.

La question de la “survenance de circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises” prévue par le règlement n°261/2004 fait l’objet d’une abondante jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), laquelle s’impose aux juridictions nationales des Etats membres de l’Union européenne. Dans son ensemble, cette jurisprudence est favorable aux passagers.

Sur la question de l’application du droit des passagers issus du règlement n°261/2004, il a fallu, dans l’exemple de la Belgique, l’intervention d’un arrêt de la Cour de cassation belge du 12 octobre 2017 pour mettre fin aux réticences du “Juge de paix du canton de Vilvorde” à appliquer tant le règlement n°261/2004 que la jurisprudence de la CJUE.

Cet arrêt se conclue significativement en précisant que “En interprétant les articles 5, 6 et 7 du règlement n° 261/2004 en ce sens que les passagers de vols retardés de trois heures ou plus n’acquièrent pas de droit à indemnisation, et en ne se tenant pas pour lié par les arrêts rendus par la Cour de justice sur question préjudicielle, qui confèrent aux dispositions précitées une interprétation différente, sans néanmoins poser une nouvelle question à la Cour de justice, le jugement attaqué viole l’ensemble des dispositions légales visées au moyen.”*

Cet arrêt figure derrière le lien suivant :

S’agissant en autres de la survenance de circonstances extraordinaires en tant que cause exonératoire de la responsabilité de la compagnie aérienne sur laquelle pèse la charge de la preuve, et outre votre excellent site, permettez-moi de mentionner à toutes fins utiles les éléments figurant derrière le lien infra :

Merci encore.

Cordialement.

F.

Bonjour,

Plutôt que des commentaires portant sur la “communication de la communication” C/2024/5687, il est infiniment mieux de se référer au texte faisant l’objet de ces commentaires : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:C_202405687

Cordialement

Bonjour,

En effet, je n’ai cependant renvoyé à ce lien que pour les autres membres du forum susceptibles de lire un rapide topo sur cette communication de la Commission européenne relative à l’application du règlement n°261/2004. En complément de votre excellent site, cela m’a semblé un topo assez utile même si je ne compte, bien sûr, pas m’y référer dans le cadre de ma demande d’indemnisation.

Merci encore à vous pour votre temps et vos réponses.

Cordialement.

F.

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