Caen
Xavier Le Frapper

J'y arrivai en début de soirée après une traversée très agréable du bocage normand. Routes désertes, champs et arbres très verts, proximité de la mer, petites routes glissant entre les bosquets, vaches ruminantes et indifférentes à ma présence. Tout cela était si reposant et propice aux rêveries de toutes sortes. Caen me plut dès le début. Je commençai par me promener dans la ville pour m'en faire une idée. Je découvris de nombreuses librairies dont l'une consacrée au voyage (ce qui n'est pas non plus si exceptionnel, je dois bien l'accorder), des rues à l'atmosphère détendue. J'ai pensé : je me plairais dans cette ville si je devais y vivre. Je me suis assis à une terrasse pour écouter deux jeunes lycéens qui gratouillaient leurs guitares. Ensuite, j'ai marché dans les rues, admiré de vieilles maisons datant du Moyen Âge, une église et une cathédrale. Je suis entré dans un bar au hasard. Il était bondé. L'explication : un happy hours intéressant. Je pris une bière. Un jeune homme de Cabourg m'expliqua qu'ici on devait boire une Embuscade parce que c'était " super bon ". Il me fit l'inventaire des alcools qu'on trouvait dans cette boisson. Je lui demandai si c'était très fort. Il demanda au serveur : " C'est combien de degrés l'Embuscade ? ". Le serveur répondit : " Faudrait l'apporter au labo pour savoir et j'ai pas le temps ! ". Le jeune homme de Cabourg m'expliqua qu'il adorait cette ville et que dès qu'il s'agissait de sortir et de s'amuser, c'est ici qu'il venait. Il me conseilla quelques endroits où finir la nuit, après une heure du matin, quand le couvre-feu tombe. Dans de nombreuses villes françaises, on se croirait en périodes de guerre. Si vous êtes pris dans la rue après une certaine heure, vous êtes automatiquement un suspect, un danger potentiel puisque l'honnête citoyen est déjà au lit depuis plusieurs heures. Si vous êtes dehors, c'est que vous vous livrez à quelques trafics, mais attention les caméras n'en perdront pas une miette. Je remerciai le jeune homme pour ses informations et quittai la ville. Un autre type de nuit m'attendait. Dans un champ situé à l'extérieur de Caen, j'étendis mon sac de couchage au pied d'une ligne de ballots de foin. L'on ne pouvait pas me voir de la route et se douter de ma présence ; l'endroit était parfait. Je m'allongeai et observais le ciel dégagé. L'horizon était rose. Il ne devait pas pleuvoir. Dans un village voisin, un feu d'artifice était tiré, des enfants criaient ; rien d'anormal à signaler. Je me demandai comment un voyageur seul pouvait dormir à la belle étoile dans des pays où il représente une proie facile pour les brigands. Certains voyageurs semblent n'y trouver aucune difficulté. Or, en ce qui me concerne, à chaque fois que j'ai dormi seul à la belle étoile, en France ou à l'étranger, je n'ai fermé qu'un œil de la nuit. Une partie de moi reste éveillée, au cas où. Ce n'est pas le cas si je dors, dehors, avec des amis. Je leur fais confiance pour me prévenir en cas d'attaque ennemie et m'endors comme un bébé. La nuit en tout cas tomba et le silence se fit. Pour une courte durée. Le clocher de l'église se mit à sonner. Bang bang bang. Je trouvais cette régularité rassurante. Le vieux monde chrétien nous protégerait des barbares venus du Nord dans leurs drakkars. Les cloches sonneraient à tout-va au premier Viking en vue des côtes normandes. Puis un cri déchira la nuit. Un cri horrible comme si l'on égorgeait un être humain. Et ensuite un son plus familier : " Hihan hihan "… L'âne qui broutait l'herbe d'un pré voisin émit ses cris toute la nuit avec la même régularité que le clocher. Si Stevenson a traversé les Cévennes avec pareil énergumène, il a dû passer de bien mauvaises nuits. L'âne est un animal qui m'est plutôt sympathique, mais j'ignorais qu'il pouvait émettre des cris qui pourraient servir pour la bande sonore d'un film consacré à la vie et à l'œuvre de Charles Manson ou d'un autre timbré du même acabit. Après un certain temps, j'étais, pensai-je naïvement, familiarisé avec mon environnement. Un temps d'adaptation est nécessaire, c'est bien normal, maintenant dormons ! Je fermai les yeux et plongeai dans le sommeil. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi avant d'être réveillé par des bruits. J'observai autour de moi et assistai au plus étrange spectacle nocturne qu'il m'ait été donné de voir : trois animaux, plus gros que des rats mais plus petits que des chiens, des espèces de rongeurs nourris en batterie, s'amusaient, sur une rangée de ballots de paille, à sauter de l'un à l'autre. Quand ils étaient arrivés au bout de la ligne formée par les ballots, ils faisaient demi-tour et sautaient, dans l'autre sens, d'un ballot à l'autre, en émettant des cris aigus qui ressemblaient à des rires. Sans aucun doute, ces animaux-là s'amusaient bien. Ils attendaient que les hommes soient couchés pour se détendre et sortir de leurs tanières. Je les observai pendant plusieurs minutes en croyant rêver. Ils faisaient un tel raffut que je n'aurais pas pu ignorer leur présence. Ces animaux qui s'en payaient une bonne tranche, alors que j'essayais de goûter un sommeil mérité, commencèrent à me taper sur les nerfs. Je tapais dans mes mains pour signifier que la récréation était terminée et les formes animales glissèrent à terre et disparurent dans la nuit.

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Texte : Xavier Le Frapper

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